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12/12/2013 | FRANCE | N°13NC00079

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 12 décembre 2013, 13NC00079


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2013, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me A... ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204772 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 août 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet

du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situa...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2013, présentée pour Mme C...B..., demeurant..., par Me A... ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1204772 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 août 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, ou subsidiairement de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 1196 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme B...soutient que :

- une information incomplète lui a été délivrée sur la possibilité de bénéficier de la communication des principaux éléments des décisions contestées dans une langue comprise par elle ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de son état de santé et il n'est pas établi qu'elle pourrait recevoir des soins appropriés dans son pays d'origine ; la charge de la preuve de l'existence de soins appropriés en Moldavie pèse sur le préfet ; le refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire est fondée sur un refus de titre de séjour illégal ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'arrêté attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 10 juin, 30 septembre et 18 octobre 2013, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- l'arrêté est suffisamment motivé et la requérante n'a été privée d'aucune information relative à sa situation ;

- le refus de titre de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation de son état de santé et la requérante n'établit pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ; le refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- l'obligation de quitter le territoire est fondée sur un refus de titre légal et n'est pas entachée de vice de procédure ;

- la décision fixant le pays de destination n'est pas contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les mémoires enregistrés les 14 août, 9 et 24 octobre 2013, présenté par Mme B...qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Mme B...soutient en outre que :

- l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination ont été prises en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu préalablement à toute décision défavorable ;

- l'Etat sanitaire de la Moldavie ne lui permettra pas d'y poursuivre le traitement nécessaire à son état de santé ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 14 février 2013 accordant à Mme B...l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la lettre du 10 octobre 2013 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 21 novembre 2013 et que l'instruction pourrait être close à partir du 28 octobre 2013 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 4 novembre 2013 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu, enregistrée le 29 novembre 2013, la note en délibéré présentée par le préfet du Bas-Rhin ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions contestées :

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire est imparti peut demander que les principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1 lui soient communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B...aurait demandé à bénéficier de ces dispositions et que le préfet du Bas-Rhin se serait abstenu de répondre favorablement à sa demande ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'ARS émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - et la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. " ;

3. Considérant que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il résulte de l'avis du médecin de l'ARS en date du 21 juin 2012 que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais dont, en tout état de cause, elle peut bénéficier dans son pays ; que, dans ces conditions, il appartient à la requérante d'établir que les soins qui doivent être poursuivis pendant 6 mois selon le même avis, ne pourraient lui être dispensés qu'en France ; que les certificats médicaux produits en appel par MmeB..., qui font état d'une hospitalisation du 4 janvier 2013 au 29 janvier 2013 en raison d'une interruption de son traitement antidépresseur, ne sont pas de nature à établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que l'intéressée n'apporte en outre aucune démonstration de ce que les troubles dépressifs qu'elle présente seraient en lien avec son isolement en Moldavie ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur la demande d'expertise médicale, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L 313-11 précité doit être écarté;

4. Considérant que si Mme B... est mère de deux enfants vivant en France dont l'un est naturalisé français, elle en a cependant été séparée depuis de nombreuses années, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 55 ans et n'était présente en France que depuis un an à la date de l'arrêté attaqué ; que, dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination :

5. Considérant, en premier lieu, que Mme B...reprend en appel qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire ; que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " 1- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) " ;

7. Considérant que lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive susvisée du 16 décembre 2008, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; que la requérante, qui n'établit pas ne pas avoir été en mesure de présenter ses observations préalables, n'est par suite pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination dont elle fait l'objet auraient été prises en méconnaissance du droit de toute personne qu'elle tient du principe général du droit de l'Union Européenne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;

8. Considérant, en dernier lieu, que Mme B...reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de Mme B...n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de cette dernière tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme B...une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2: Le présent jugement sera notifié à Mme B...et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information à Me A...et au préfet du Bas-Rhin.

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13NC00079


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NC00079
Date de la décision : 12/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-12-12;13nc00079 ?
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