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05/12/2013 | FRANCE | N°13NC00934

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2013, 13NC00934


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2013, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me A... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300607 du 19 avril 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 avril 2013 par lequel le préfet de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloi

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Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2013, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me A... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300607 du 19 avril 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 avril 2013 par lequel le préfet de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné, ainsi que de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est privée de base légale dès lors que la décision de refus de séjour est elle-même illégale ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- il ne présente aucun risque de fuite ;

Vu le jugement et les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 août 2013, présenté par le préfet de l'Aube qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet de l'Aube fait valoir que :

- les moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour sont sans portée dès lors que l'arrêté attaqué a seulement pour objet une obligation de quitter le territoire français sans délai ;

- ces moyens ne sont pas fondés ;

- les moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français et refusant d'accorder un délai de départ volontaire ne sont pas fondés ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 9 juillet 2013, admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 14 novembre 2011, le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant russe d'origine tchétchène, est entré irrégulièrement en France le 9 novembre 2009, accompagné de son épouse et de ses enfants ; que sa demande d'asile ayant été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 29 novembre 2010, le préfet de l'Aube a, par un arrêté du 20 octobre 2011, refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que le recours formé par M. B...à l'encontre de cet arrêté a été rejeté par un jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 1er mars 2012, confirmé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy du 22 novembre suivant ; que l'intéressé s'étant maintenu irrégulièrement sur le territoire français, le préfet de l'Aube a pris à son encontre, le 16 avril 2013, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, et, par une décision du même jour, a ordonné son placement en rétention administrative ; que la demande formée par M. B...contre ces deux décisions devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a été rejetée par un jugement du 19 avril 2013, dont l'intéressé relève appel ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'après avoir visé les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment le I de l'article L. 511-1, la décision attaquée rappelle que M. B...est entré irrégulièrement sur le territoire français le 9 novembre 2009, puis a fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français le 20 octobre 2011, et ajoute que, n'ayant pas obtempéré à cette mesure d'éloignement, il s'est ensuite maintenu sur le territoire français sans solliciter de titre de séjour ; que la décision attaquée indique en outre les raisons pour lesquelles le préfet a considéré que la nouvelle mesure d'éloignement prise à l'encontre du requérant ne portait pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la circonstance que le préfet de l'Aube n'ait pas expressément mentionné la présence en France de ses trois enfants n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation dès lors qu'il a relevé " qu'il ressort de l'examen de sa situation que l'intéressé n'habite pas avec son épouse, dont il est séparé, ni avec ses enfants " ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est privée de base légale en conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ; que, toutefois, d'une part, l'arrêté du 16 avril 2013 par lequel le préfet de l'Aube a obligé le requérant à quitter le territoire français n'a ni pour objet ni pour effet de lui refuser un titre de séjour ; que, d'autre part, si M. B...a fait l'objet d'une décision de refus de séjour le 20 octobre 2011, le recours formé contre cette décision a été rejeté, en dernier lieu, par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy du 22 novembre 2012 ; que cette décision est devenue définitive et l'intéressé n'est plus recevable, en tout état de cause, à se prévaloir de sa prétendue illégalité ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que M. B...soutient qu'il s'est intégré depuis son arrivée sur le territoire français en 2009, et qu'il contribue à l'éducation de ses trois enfants scolarisés en France ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour violences conjugales le 29 septembre 2011, puis à un an d'emprisonnement ferme pour les mêmes faits, avec récidive, le 2 avril 2012 ; que l'épouse du requérant a engagé une procédure de divorce ; qu'en outre, selon un courrier du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Troyes en date du 17 octobre 2011, il a été impliqué dans une affaire de mauvais traitement sur mineur au cours de l'année 2011 ; que si M. B...se prévaut de l'ordonnance de non-conciliation rendue par le Tribunal de grande instance de Troyes postérieurement à la décision attaquée, qui reconnaît à l'intéressé l'exercice de l'autorité parentale, ainsi qu'un droit de visite et d'hébergement à l'égard de ses enfants, il ne justifie pas subvenir effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces derniers ; que le requérant, qui est sans ressources et ne dispose d'aucun domicile fixe, n'apporte aucun élément de nature à justifier de son intégration dans la société française ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une obligation de quitter le territoire français, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que M. B...se prévaut des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ; que toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'il ne remplit pas les conditions requises par ces dispositions pour la délivrance d'un titre de séjour de plein droit ; que, dans ces conditions et en tout état de cause, il ne justifie pas d'une circonstance faisant obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que M. B...fait valoir qu'il exerce l'autorité parentale sur ses trois enfants, qui résident en France avec leur mère, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance de non-conciliation évoquée au point 4 ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation de la situation de M. B...en l'obligeant à quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...ne dispose pas de documents d'identité ou de voyage en cours de validité ; que s'il soutient avoir un domicile fixe à Pont-Sainte-Marie (Aube), il a déclaré lors de son audition le 16 avril 2013 par les services de police de Troyes, qu'il ne disposait d'aucune adresse de domiciliation et vivait provisoirement chez un ami ; qu'ainsi, le préfet a pu considérer que le requérant présentait un risque de fuite au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention :

10. Considérant que M. B...demande l'annulation de la décision du 16 avril 2013 ordonnant son placement en rétention administrative ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Aube a, par arrêté du 18 avril 2013, substitué à cette mesure une décision d'assignation à résidence ; que, par suite, les conclusions de la requête de M. B...tendant à l'annulation de la rétention, avaient perdu leur objet, ainsi que l'a relevé à bon droit le magistrat désigné par le président du tribunal administratif ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

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N° 13NC00934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00934
Date de la décision : 05/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-12-05;13nc00934 ?
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