Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2013, présentée pour l'office public d'habitat Metz Habitat Territoire ayant son siège 10 rue du Chanoine B...A...20725 à Metz (57012), par la SCP Cossalter et De Zolt ;
L'office public d'habitat Metz Habitat Territoire demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001901 en date du 21 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de la SAS Norba Lorraine, le contrat conclu avec la société Neov et l'a condamné à verser à la SAS Norba Lorraine une somme de 66 885,40 euros ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la SAS Norba Lorraine ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Norba Lorraine le paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Metz Habitat Territoire soutient que :
- la société Neov pouvait valablement soumissionner au marché litigieux dès lors qu'elle était habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible d'exécution dudit marché nonobstant son placement en redressement puis en liquidation judiciaires, les dispositions de l'article 43 du code des marchés publics n'étant donc pas méconnues en l'espèce ;
- l'évaluation du préjudice ne repose sur aucun élément chiffré probant, la marge nette alléguée de 4,75% n'étant justifiée que par un mémoire financier rédigée par la SAS Norba Lorraine ;
- les autres moyens invoqués dans la demande de première instance ne sont pas fondés, à savoir le moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement entre les candidats et le non- respect de l'article 1er du règlement de la consultation relatif à l'emploi de personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 août 2013, présenté pour la SAS Norba Lorraine, par MeC..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Metz Habitat Territoire une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 27 septembre 2013 portant clôture de l'instruction au 21 octobre 2013 ;
Vu la lettre du 29 octobre 2013, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité de la requête présentée par l'office public d'habitat Metz Habitat Territoire, faute pour le directeur de justifier d'une habilitation du conseil d'administration de l'office à présenter cette requête ;
Vu les mémoires en réponse au moyen d'ordre public, enregistrés les 31 octobre et 6 novembre 2013, présentés pour Metz Habitat Territoire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2013 :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me Desvaux, avocat de Metz Habitat Territoire ;
1. Considérant que l'office public de l'habitat Metz Habitat Territoire relève appel du jugement en date du 21 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le marché qu'il avait conclu avec la société Neov, au regard du non respect des dispositions de l'article 43 du code des marchés publics, et l'a condamné à verser à la SAS Norba Lorraine, candidat évincé dudit marché, une somme de 66 845,40 euros en réparation du préjudice subi ;
Sur la validité du marché conclu entre Metz Habitat Territoire et la société Neov :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du code des marchés publics : " Les interdictions de soumissionner aux marchés et accords-cadres soumis au présent code s'appliquent conformément aux dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 6 juin 2005 susmentionnée et de l'article 29 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées " ; qu'aux termes de l'article 38 de l'ordonnance du 6 juin 2005 : " I- Les interdictions de soumissionner énumérées à l'article 8 et qui ne figurent pas dans le code des marchés publics sont applicables aux personnes soumissionnant à des marchés relevant du code des marchés publics (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même ordonnance : " Ne peuvent soumissionner à un marché passé par un pouvoir adjudicateur défini à l'article 3 ou par une entité adjudicatrice définie à l'article 4 : (...) 4° Les personnes soumises à la procédure de liquidation judiciaire prévue à l'article L. 640-1 du code de commerce (...). Les personnes admises à la procédure de redressement judiciaire instituée par l'article L. 631-1 du code de commerce ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger doivent justifier qu'elles ont été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d'exécution du marché (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une société en redressement judiciaire n'est recevable à soumissionner à un marché public que si elle a été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible d'exécution du marché ; qu'il résulte de l'instruction que, par jugement en date du 24 novembre 2009, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Fermoba Centre Industrie en redressement judiciaire durant une période d'observation expirant le 24 mars 2010 ; que le délai d'exécution du lot n° 5 a été fixé à 20 mois à compter de la date de démarrage des travaux qui ne pouvait intervenir, au plus tôt, qu'en janvier 2010 ; que, par suite, à la date limite de dépôt des candidatures, le 11 janvier 2010, la société Fermoba Centre Industrie ne pouvait être admise à soumissionner au marché en litige, nonobstant sa reprise d'actifs par la société Neov validée par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 28 janvier 2010 à la suite d'un rapport émis en ce sens par l'administrateur judiciaire dès le 5 janvier 2010 ; que Metz Habitat Territoire n'est ainsi pas fondé à soutenir que la procédure de sélection des candidatures n'aurait pas été viciée au regard des dispositions précitées de l'article 43 du code des marchés publics ;
4. Considérant que ce manquement a exercé une influence déterminante dans le choix de l'attributaire ; que, dans ces conditions, le vice affectant le marché litigieux justifie son annulation totale ; que, compte tenu de son objet et de la nature des prestations attendues, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas soutenu que l'annulation du marché porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants ;
Sur les conclusions indemnitaires :
5. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner ;
6. Considérant que la SAS Norba Lorraine, dont l'offre avait été classée en deuxième position, a été privée d'une chance sérieuse d'obtenir le marché et peut, par suite, prétendre à être indemnisée de l'intégralité du manque à gagner en résultant pour elle ; que ce manque à gagner doit être déterminé non en fonction du taux de marge brute constaté dans son activité mais en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu ;
7. Considérant qu'au vu des documents produits à l'instance, éclairés par l'attestation de son commissaire aux comptes, la marge nette pratiquée par la SAS Norba Lorraine pour des activités de même nature que le marché litigieux est de 5,5 %, ramenée par la société elle-même dans sa demande indemnitaire à 4,75% ; que, dans ces conditions et compte tenu du prix de son offre, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner subi par la société en l'évaluant à 66 845,40 euros ;
8. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que l'office public de l'habitat Metz Habitat Territoire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 21 mars 2013, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à la SAS Norba Lorraine une somme de 66 845,40 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Norba Lorraine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'office public de l'habitat Metz Habitat Territoire demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de Metz Habitat Territoire le paiement de la somme de 1 500 euros à la SAS Norba Lorraine au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Metz Habitat Territoire est rejetée.
Article 2 : Metz Habitat Territoire versera à la SAS Norba Lorraine une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Metz Habitat Territoire, à la SAS Norba Lorraine et à la société Neov.
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