Vu la décision du 1er mars 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour MM. C...et A...B..., annulé l'arrêt n° 11NC00565 de la Cour administrative d'appel de Nancy en date du 3 novembre 2011 et a renvoyé l'affaire devant la même Cour ;
Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2011, présentée pour MM. C... et A...B..., demeurant au..., par Me Rémy, avocat ;
MM. B...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901405 en date du 8 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 868/2009 en date du 8 juin 2009 par lequel le préfet des Vosges a, d'une part, déclaré d'utilité publique le projet de création de logements au lieu dit " La Clairie " à La Bresse, présenté par l'Etablissement public foncier de Lorraine pour le compte de la commune de la Bresse, et, d'autre part, déclaré cessibles les terrains nécessaires à la réalisation de ce projet ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 868/2009 du préfet des Vosges du 8 juin 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- l'enquête publique ne s'est pas déroulée conformément aux dispositions de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation ; sa durée était inférieure à quinze jours, le maire de La Bresse l'ayant interrompue en diffusant un courrier daté du 10 février 2009 indiquant que l'enquête en cours allait être annulée et reportée au mois de mars ; de ce fait, quand bien même quinze jours se sont écoulés du 26 janvier au 10 février 2009, ils ont été empêchés de faire valoir leurs observations au commissaire enquêteur ; ils ont été privés de la seconde réunion avec le commissaire enquêteur programmée le 12 février 2009 ;
- la nécessité de recourir à l'expropriation n'est pas démontrée par l'établissement public foncier de Lorraine ; le projet aurait pu être réalisé dans des conditions équivalentes sur des parcelles appartenant à la commune ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2011, présenté pour l'établissement public foncier de Lorraine, par Me Limé-Jacques, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de MM. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les appelants ont pu faire valoir leurs observations auprès du commissaire enquêteur ; leur courrier daté du 10 février 2009 est annexé au registre d'enquête ; le 12 février 2009, dernier jour de l'enquête, trois personnes se sont présentées en mairie notamment pour produire une pétition signée par les propriétaires directement concernés par l'expropriation ; l'enquête publique a duré quinze jours ;
- il n'avait pas à mentionner dans le dossier soumis à enquête publique l'existence de parcelles permettant de réaliser le projet sans recourir à l'expropriation ; les appelants ne démontrent pas qu'existaient de tels terrains communaux ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2011, présenté par le préfet des Vosges, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- les consorts B...ne démontrent pas qu'ils ont reçu la lettre du maire de La Bresse datée du 10 février 2009 avant la clôture de l'enquête ; ce courrier n'était adressé qu'aux trois propriétaires directement concernés par l'expropriation ; une pétition signée des requérants a été remise au commissaire enquêteur le 12 février 2009, jour de la seconde permanence de ce dernier ; l'enquête a duré plus de quinze jours ; les dispositions de l'article R. 11-4 n'ont pas été méconnues ; leur non respect ne peut être déduit de la présence de samedis et de dimanches au cours de cette période ;
- la localisation du projet a été prise en compte ; le commissaire enquêteur a souligné dans son rapport que les parcelles concernées par l'expropriation constituaient " le seul terrain disponible dans le centre-ville dépourvu de toute construction et dans un rayon proche des commerces et des services " ; il a aussi été tenu compte du rapprochement intergénérationnel opéré à travers la réalisation de l'extension de la maison de retraite et la construction de logements sociaux notamment destinés à un jeune public ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 29 septembre 2011, présenté pour MM. B..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête ;
Ils soutiennent en outre établir que la commune disposait d'ores et déjà d'emprises foncières lui appartenant et lui permettant de réaliser tout ou partie de ses projets ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 octobre 2011, présenté pour MM.B..., qui concluent aux mêmes fins que leur requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que l'expropriant, avant d'envisager de recourir à l'expropriation, aurait du prendre en considération la possibilité dont disposait la commune de la Bresse d'utiliser les emprises dont elle était déjà propriétaire ; la commune est en effet propriétaire d'une parcelle cadastrée n° 815 située au centre de l'agglomération d'une superficie nettement suffisante pour permettre l'édification de l'extension de l'EPHAD et la construction des logements sociaux projetés, ainsi que d'une parcelle cadastrée n° 602 sur laquelle sont édifiés des logements sociaux promis à la destruction ;
Vu l'ordonnance en date du 6 mai 2013 fixant la clôture de l'instruction le 28 juin 2013 à 16 heures ;
Vu les mémoires, enregistrés les 27 juin et 19 juillet 2013, présentés pour l'établissement public foncier de Lorraine qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise conjointement et solidairement à la charge de MM. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
L'établissement public foncier de Lorraine soutient qu'aucune parcelle autre que celle expropriée ne permettait la réalisation des logements projetés à proximité immédiate de la maison de retraite existante ;
Vu les mémoires, enregistrés les 28 juin et 19 juillet 2013, présentés pour MM. B...qui concluent à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 février 2011 et de l'arrêté du préfet des Vosges du 8 juin 2009 ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
MM. B...soutiennent que :
- la parcelle expropriée n'est pas la seule située en centre ville à pouvoir permettre la réalisation du projet litigieux ;
- la commune maîtrise d'autres emprises foncières en centre ville, proche des commodités, dont l'une accueillait déjà des logements sociaux dont la destruction est programmée ;
Vu l'ordonnance en date du 28 juin 2013 reportant la clôture de l'instruction au 19 juillet 2013 à 16 heures ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2013, présenté pour MM.B... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 octobre 2013 :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
- et les observations de Me Rémy, pour MM.B..., et D...pour l'établissement public foncier de Lorraine ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré produite le 15 novembre 2013 pour MM.B... ;
1. Considérant qu'en vue de favoriser le développement des solidarités intergénérationnelles, la commune de la Bresse a souhaité construire des logements sociaux à proximité immédiate d'une maison de retraite lui appartenant ; que le conseil municipal de La Bresse a, par délibération du 18 décembre 2006, demandé à l'Etablissement public foncier de Lorraine de procéder à l'acquisition du terrain d'assiette nécessaire à ce projet ; que sur demande de cet établissement, le préfet des Vosges a prescrit par arrêté n° 3759/2008 du 18 décembre 2008 l'ouverture d'une enquête publique et d'une enquête parcellaire conjointe ; que par un second arrêté n° 868/2009 du 8 juin 2009 l'opération de création de logements a été déclarée d'utilité publique et la parcelle AB n° 253 déclarée cessible ; que MM. C...et A...B..., propriétaires indivis de ladite parcelle, demandent l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 février 2011 qui a rejeté leur requête tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté n° 868/2009 du préfet des Vosges du 8 juin 2009 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans sa rédaction alors applicable : " Le préfet désigne par arrêté un commissaire enquêteur ou une commission d'enquête dont il nomme le président. Les membres de la commission d'enquête sont en nombre impair. Lorsque l'enquête est préalable à une déclaration d'utilité publique, le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête sont désignés dans les conditions fixées à l'article R. 11-14-3. / Le préfet, après consultation du commissaire enquêteur ou du président de la commission d'enquête, précise par arrêté : / 1° L'objet de l'enquête, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours ; / 2° Les heures et le lieu où le public pourra prendre connaissance du dossier et formuler ses observations sur un registre ouvert à cet effet. Ce registre, à feuillets non mobiles, est coté et paraphé par le commissaire enquêteur, le président de la commission d'enquête ou l'un des membres de celle-ci (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'enquête publique, prescrite par l'arrêté n° 3759/2008 du préfet des Vosges du 18 décembre 2008, s'est déroulée du 26 janvier au 12 février 2009 inclus ; que les samedis et les dimanches sont compris au même titre que les autres jours dans la durée de l'enquête qui, dès lors, n'a pas été inférieure à quinze jours ; que si MM. B...soutiennent qu'ils n'ont pu faire valoir leurs observations, le maire de La Bresse les ayant avertis, par courrier daté du 10 février 2009, que l'enquête publique allait être annulée et reportée au mois de mars suivant, ils ne démontrent pas que cette lettre, dont il n'est pas contesté qu'elle n'a été adressée qu'aux appelants et à l'autre propriétaire de terrains directement concernés par l'expropriation et dont il n'est pas démontré qu'elle ait été reçue avant la clôture de l'enquête publique, les a empêchés de faire valoir leurs observations auprès du commissaire enquêteur ; qu'au contraire, il ressort des pièces du dossier, que les requérants ont envoyé au commissaire enquêteur une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, datée du 10 février 2009, contenant leurs observations sur les projets soumis à enquête et qu'ils ont signé une pétition, qui a été remise audit commissaire le 12 février 2009, lors de la seconde réunion publique qu'il organisait ; que ces deux documents ont été annexés au registre d'enquête ; qu'ainsi, il n'est pas établi que l'erreur commise par le maire de La Bresse aurait été de nature à induire en erreur le public et aurait privé les personnes intéressées par le projet, et notamment les appelants, de la possibilité de faire connaître leur opinion ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité affectant l'enquête publique doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'utilité publique du projet :
4. Considérant que le projet de construction de logements sociaux déclaré d'utilité publique par l'arrêté attaqué porte sur une superficie de 42 a 35 ca constituée de deux parcelles, l'une appartenant à la commune de La Bresse de 3 a 30 ca, et l'autre, cadastrée AB n° 253, appartenant à MM. B... de 39 a 05 ca ; que, contrairement aux affirmations de MM.B..., il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de La Bresse disposerait d'autres terrains permettant de réaliser dans des conditions équivalentes ce projet ; que s'il n'est pas contesté que la commune est propriétaire d'une parcelle cadastrée AB n° 815, la commune affirme sans être contredite que cette parcelle sert de terrain d'assise pour la construction de la " maison de la Bresse ", d'ailleurs en voie d'achèvement ; que la parcelle cadastrée n° 602, propriété de l'office public d'HLM Vosgelis, n'est pas située à proximité immédiate de la maison de retraite ; que par ailleurs, à la date de l'arrêté attaqué, des locataires habitaient les logements sociaux implantés sur cette parcelle ; que, s'agissant du terrain concerné, le commissaire enquêteur a relevé qu'" il s'agit du seul terrain disponible dans le centre ville dépourvu de toute construction et dans un rayon proche des commerces et des services " et que sa superficie lui est apparue compatible avec le nombre de logements envisagés ; qu'ainsi, en se bornant à soutenir que la commune posséderait d'autres terrains susceptibles d'accueillir le projet de logements dans des conditions équivalentes, les requérants n'établissent pas l'absence de nécessité de l'expropriation ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse aux consorts B...la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre conjointement et solidairement à la charge de MM. C...et A...B...la somme de 2 000 euros à verser à l'établissement public foncier de Lorraine au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MM. C...et A...B...est rejetée.
Article 2 : MM. C...et A...B...verseront conjointement et solidairement à l'établissement public foncier de Lorraine une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MM. C... et A...B..., au ministre de l'intérieur, à l'établissement public foncier de Lorraine ainsi qu'à la commune de La Bresse.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 13NC00583