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07/11/2013 | FRANCE | N°13NC00232

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 13NC00232


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013, présentée pour M. C... D..., demeurant ... et pour le GaecD..., dont le siège est 80 Chemin du Rammersbach à Fellering (68470), par Me B... ;

M. D... et le Gaec D...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900505 du 8 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de l'association Alsace Nature, l'arrêté du maire de Fellering en date du 3 décembre 2008 leur accordant un permis de construire un bâtiment à usage agricole au lieudit " Felsach " ;

2°) de mettre

la charge de l'association Alsace Nature le versement de la somme de 3 000 euros a...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013, présentée pour M. C... D..., demeurant ... et pour le GaecD..., dont le siège est 80 Chemin du Rammersbach à Fellering (68470), par Me B... ;

M. D... et le Gaec D...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900505 du 8 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de l'association Alsace Nature, l'arrêté du maire de Fellering en date du 3 décembre 2008 leur accordant un permis de construire un bâtiment à usage agricole au lieudit " Felsach " ;

2°) de mettre à la charge de l'association Alsace Nature le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que le dossier de demande de permis de construire n'avait pas à être établi par un architecte dès lors que :

- le permis de construire attaqué a été demandé par M.D..., personne physique et agriculteur, et a été délivré à son nom ;

- il est propriétaire du terrain d'assiette, le Gaec D...n'ayant que la simple disposition des constructions ;

- la mention du Gaec sur certaines pièces du dossier de demande de permis de construire est surabondante ;

- le Gaec n'a pas le statut d'agriculteur, réservé à M. D...personne physique et bénéficiaire du permis de construire ; les associés apporteurs en capital dans un Gaec restent ou deviennent chefs d'exploitation et bénéficient du statut d'agriculteur du point de vue économique, social et fiscal au sens de l'article L. 323-13 du code rural ; qu'en vertu de cet article, et ainsi que la circulaire du ministre de l'équipement en date du 31 juillet 1996 l'a d'ailleurs rappelé, le recours à un architecte ne peut être imposé aux agriculteurs exploitant en Gaec, car ils seraient alors dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation agricole ; ainsi, même dans le cas où le Gaec serait regardé comme le demandeur et le bénéficiaire du permis de construire, il n'y aurait eu aucune obligation de recourir à un architecte ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2013, présenté pour l'association Alsace Nature par Me A...qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la demande de permis de construire n'a pas été déposée par M. C... D...en son nom propre mais en tant que représentant du Gaec ; que la propriété du terrain ainsi que le statut que confère le droit rural aux associés personnes physiques d'un Gaec sont sans incidence sur l'identité du pétitionnaire indiquée sur l'imprimé de demande de permis de construire ; que les requérants ne sauraient se prévaloir des dispositions de l'article L. 323-13 du code rural dans la mesure où une obligation légale encadrant les modalités procédurales d'une demande de permis de construire n'affecte en aucun cas le statut professionnel du demandeur ; qu'une circulaire ne peut déroger à un texte réglementaire pris en application de l'article L. 431-3 du code de l'urbanisme ; que l'absence de recours à un architecte constitue un vice substantiel ; que la notice jointe à la demande de permis de construire ne satisfait pas aux exigences des articles R. 431-8 , R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ; qu'aucune notice d'impact n'a été jointe au dossier de demande de permis de construire en méconnaissance de l'article R. 332-23 du code de l'environnement ; que l'étude d'incidence Natura 2000 ne peut en tenir lieu car elle est plus restreinte dans son champ d'application ; que cette étude d'incidence présente un caractère partial et a un contenu insuffisant sur plusieurs points ; que l'article ND 1 du plan d'occupation des sols dont il est fait application est entaché d'illégalité car incompatible avec l'axe 5 de la charte du parc naturel régional du ballon des Vosges ; que le permis de construire attaqué méconnaît les articles L. 421-6 et R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que l'autorisation donnée par le préfet des Vosges le 21 novembre 2008, préalablement à l'arrêté attaqué, est entachée d'illégalité en raison des irrégularités affectant sa procédure d'adoption et de la violation de l'article 13 du décret du 22 mai 1989 portant création de la réserve naturelle nationale du Grand Ventron ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 août 2013, présenté pour M. D...et le Gaec D...qui concluent aux mêmes fins que la requête ;

Ils soutiennent que :

- l'association Alsace Nature ne démontre pas que les pièces annexées à la demande de permis de construire auraient été insuffisantes ou auraient pu fausser l'appréciation portée par le service instructeur ;

- la notice d'impact a bien été réalisée ; il en va de même de l'étude d'incidences du projet, laquelle n'est entachée d'aucune insuffisance ;

- l'axe 5 de la charte du parc naturel régional du ballon des Vosges ne prohibe pas les extensions mesurées autorisées par le plan d'occupation des sols ; cette charte ne constitue pas un document d'urbanisme mais un simple document d'orientation ;

- le permis de construire ne constitue pas un acte d'application du plan d'occupation des sols en vigueur ;

- le projet ne portera pas atteinte au site, eu égard aux précautions prises ;

- le projet qui vise à édifier une adjonction aux bâtiments existants afin de recevoir des animaux d'élevage dans le cadre de l'activité d'exploitation agricole exercée est conforme à l'article 10 du décret du 22 mai 1989 instituant la réserve naturelle du massif du Ventron ;

- l'article 13 alinéa 1er de ce décret ne peut être interprété comme interdisant tous travaux concernant les bâtiments dans lesquelles s'exercent des activités agricoles ;

- l'avis défavorable du conseil scientifique et régional du patrimoine naturel d'Alsace ne liait pas le préfet et les garanties demandées par cet avis ont été apportées par le pétitionnaire ;

- le permis de construire attaqué ne constitue pas un acte d'application de l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2008 qui procède d'une législation distincte ; il est au demeurant devenu définitif et, s'agissant d'une décision non réglementaire, il ne peut plus être excipé de son illégalité ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la lettre du 12 septembre 2013 par laquelle la formation de jugement a informé les parties que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en tant qu'elles étaient présentées par le GaecD..., qui n'était ni présent ni régulièrement appelé dans l'instance devant le tribunal administratif ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 89-331 du 22 mai 1989 portant création de la réserve naturelle du massif du Ventron (Vosges et Haut-Rhin) ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public ;

1. Considérant que, le 23 mai 2008, le groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec)D..., représenté par M. C...D..., a sollicité la délivrance d'un permis de construire portant sur la construction d'un bâtiment agricole, d'une surface hors oeuvre brute de 188 m², sur le territoire de la commune de Fellering, au lieudit " ferme-auberge du Felsach ", situé dans le périmètre de la réserve naturelle du Grand Ventron ; que, par un arrêté du 3 décembre 2008, le maire de Fellering a accordé le permis sollicité ; que l'association Alsace Nature, association agréée de protection de l'environnement, a formé un recours pour excès de pouvoir contre cet arrêté ; que, par un jugement du 8 janvier 2013 dont M. D...et le Gaec D...relèvent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté au motif qu'il avait été délivré alors que le dossier de demande de permis de construire ne comportait pas de projet architectural établi par un architecte ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme : " Conformément aux dispositions de l'article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, la demande de permis de construire ne peut être instruite que si la personne qui désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation a fait appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire " ; qu'aux termes de l'article R. 431-2 du même code : " Conformément à l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977, ne sont toutefois pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou les exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique qui déclarent vouloir édifier ou modifier pour elles-mêmes : (...) b) Une construction à usage agricole dont la surface de plancher hors oeuvre brute n'excède pas huit cents mètres carrés (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-5 de ce code : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs ; b) L'identité de l'architecte auteur du projet, sauf dans les cas prévus à l'article R. 431-2 ; c) La localisation et la superficie du ou des terrains ; d) La nature des travaux ; e) La destination des constructions, par référence aux différentes destinations définies à l'article R. 123-9 ; f) La surface hors oeuvre nette des constructions projetées, s'il y a lieu répartie selon les différentes destinations définies à l'article R. 123-9, ainsi que leur surface hors oeuvre brute lorsque le projet n'est pas situé dans un territoire couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu. La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. " ; que l'article R. 423-1 précise que : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 323-1 du code rural : " Les groupements agricoles d'exploitation en commun sont des sociétés civiles de personnes régies par les chapitres Ier et II du titre IX du livre III du code civil et par les dispositions du présent chapitre. Ils sont formés entre personnes physiques majeures. " ; qu'aux termes de l'article L. 323-13 de ce code : " La participation à un groupement agricole d'exploitation en commun ne doit pas avoir pour effet de mettre ceux des associés qui sont considérés comme chefs d'exploitation et leur famille, pour tout ce qui touche leur statut professionnel, et notamment économique, social et fiscal, dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation agricole, et à celle des autres familles de chefs d'exploitation agricole. " ;

4. Considérant qu'il ressort de l'imprimé de demande de permis de construire au vu duquel a été accordé le permis de construire litigieux que le pétitionnaire était le Gaec D...représenté par M. C...D... ; que le demandeur a attesté avoir qualité pour demander l'autorisation de construire ; que si les plans joints faisaient mention de ce que le terrain d'assiette était propriété de M. C...D..., ce seul élément ne pouvait faire regarder la demande comme présentée en réalité par ce dernier, alors que la qualité de propriétaire du terrain n'est pas la seule permettant de déposer valablement une demande de permis de construire mais qu'aux termes mêmes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme y sont également habilités un mandataire du propriétaire ou une personne attestant y être autorisée par lui ; que c'est donc à tort que le maire a estimé être saisi d'une demande de permis de construire présentée par M. D... alors qu'elle était clairement présentée par le GaecD... ;

5. Considérant qu'un Gaec étant une société de personnes ne peut avoir la nature d'une exploitation agricole à responsabilité limitée à associé unique au sens et pour l'application de l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme ; qu'ainsi cette personne morale n'entrait pas dans le champ des exceptions prévues par le dit article ; que les dispositions de l'article L. 323-3 du code rural qui concernent la situation des associés participant au Gaec et non celle du Gaec lui-même sont en tout état de cause sans incidence sur l'obligation de recourir à un architecte lorsque la demande de permis de construire est présentée par un Gaec ; que M. D...ne saurait utilement se prévaloir de la note du directeur de l'architecture et de l'urbanisme du ministère de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports en date du 24 juillet 1996 affirmant qu'il résulte de l'article L. 323-13 du code rural que les Gaec ont " la possibilité de ne pas recourir à un architecte ou agréé en architecture pour réaliser leurs constructions dans les limites du plafond fixé par l'article R. 421-1-2 du code de l'urbanisme ", dès lors qu'une telle interprétation s'écarte du texte même de l'article L. 323-13 et ne saurait en conséquence être retenue ; qu'ainsi, dés lors que la demande de permis de construire a été formée par le GaecD..., le projet architectural devait être établi par un architecte ; qu'il est constant que le dossier de demande de permis de construire ne comportait pas un projet architectural ainsi établi ; qu'en l'absence d'un tel projet, le permis attaqué a été délivré en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 431-1 et R. 431-2 du code de l'urbanisme ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu que cette omission entachait d'illégalité le permis de construire attaqué ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...et le Gaec D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de l'association Alsace Nature, le permis de construire délivré le 3 décembre 2008 par le maire de Fellering ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'association Alsace Nature, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... et du Gaec D...la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature exposés par l'association Alsace Nature ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... et du Gaec D...est rejetée.

Article 2 : M. D...et le Gaec D...verseront à l'association Alsace Nature la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au Gaec D...et à l'association Alsace Nature.

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13NC00232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00232
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Demande de permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Instruction de la demande.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : STUCK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-11-07;13nc00232 ?
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