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10/10/2013 | FRANCE | N°13NC00124

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 10 octobre 2013, 13NC00124


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2013, présentée pour M. A... D..., demeurant au ...et Mme C...D..., demeurant au..., par Me B... ; M. D... et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200851 du 27 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur requête tendant à l'annulation des arrêtés du 10 mai 2012 du préfet du Jura leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler lesdit

s arrêtés ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Jura de leur dél...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2013, présentée pour M. A... D..., demeurant au ...et Mme C...D..., demeurant au..., par Me B... ; M. D... et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200851 du 27 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur requête tendant à l'annulation des arrêtés du 10 mai 2012 du préfet du Jura leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

2°) d'annuler lesdits arrêtés ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet du Jura de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet du Jura de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt et à renouveler dans l'attente du réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à leur conseil en application des articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

M. et Mme D...soutiennent que :

- les décisions portant refus de séjour sont insuffisamment motivées en violation des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 dès lors qu'elles se bornent à viser le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans mentionner dans lequel des cas prévus aux alinéas 1° à 5° leur situation entrerait ; que de même sont insuffisamment motivées les décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont dépourvues de base légale ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que leurs attaches familiales sont en France ;

- pour les mêmes raisons, ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leur situation personnelle ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de leurs origines bosniaques qui les exposent à des persécutions tant des Serbes que des Albanais ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2013, présenté par le préfet du Jura, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les arrêtés attaqués sont suffisamment motivés ; qu'eu égard notamment à la faible durée du séjour en France des intéressés dont il n'est pas établi qu'ils sont dépourvus de toute attache au Kosovo, les arrêtés attaqués ne portent aucune atteinte à leur vie privée familiale ni à l'intérêt supérieur de leurs enfants ; qu'il n'apportent aucune preuve des menaces dont ils pourraient faire l'objet en cas de retour dans leur pays ; que les nouveaux documents qu'ils produisent sont dépourvus d'authenticité et de valeur probante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les décisions du 6 décembre 2012 par lesquelles le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. et Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 décembre 1990 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président ;

1. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants du Kosovo, sont entrés irrégulièrement en France le 30 août 2010, selon leur déclarations, accompagnés de leurs deux enfants nés en 1998 et 2001 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes d'asile par des décisions du 29 septembre 2011, confirmées le 14 mars 2012 par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par deux arrêtés du 10 mai 2012, le préfet du Jura a en conséquence refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés d'office ; que M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 27 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme D...soutiennent que les décisions leur refusant un titre de séjour sont insuffisamment motivées en droit, en ce qu'elles visent les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers sans indiquer précisément dans lequel des cinq cas énumérés à l'article L. 511-1 ils entreraient ; que, toutefois, ils ne peuvent utilement se prévaloir, à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour, d'une référence insuffisamment précise aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles régissent seulement l'édiction des décisions portant obligation de quitter le territoire français ; que les décisions portant refus de séjour, qui visent le rejet de demandes d'asile présentées par les intéressés, relèvent qu'ils ne pouvaient en conséquence prétendre au bénéfice des dispositions des articles L. 314-11 8° et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ajoutent qu'ils n'entraient dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application dudit code ; que, par suite et en tout état de cause, les décisions attaquées comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont suffisamment motivées au regard des exigences posées par les articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les décisions contestées refusent à M. et Mme D...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-13 et L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que les intéressés ayant vu leur demande d'asile rejetée n'en remplissaient pas les conditions ; qu'elles ne sont donc pas dépourvues de base légale ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant que si M. et Mme D...soutiennent que la plupart des membres de leur famille respective résident en France, ils n'établissent toutefois pas être dépourvus de toute attache au Kosovo où ils ont vécu jusqu'à leur arrivée en France en août 2010 ; qu'ils sont tous deux en situation irrégulière et ne justifient d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'ils reconstituent leur cellule familiale hors de France ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la faible durée de leur séjour en France et en dépit des bons résultats scolaires de leurs enfants, les décisions du préfet du Jura refusant de leur délivrer un titre de séjour n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'elles n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation des intéressés ;

6. Considérant enfin qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant ;

7. Considérant que si les requérants font valoir que leurs deux enfants se sont bien adaptés au système scolaire français et sont bien intégrés, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations selon lesquelles ces derniers ne pourraient poursuivre au Kosovo une scolarité " normale " ; que, par suite, M. et Mme D...ne sont pas fondés à se prévaloir de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant à l'encontre des décisions litigieuses, lesquelles n'impliquent d'ailleurs pas par elles-mêmes l'éclatement de la cellule familiale, dès lors qu'ils font tous deux l'objet d'une mesure de même nature ;

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : /1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; / 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) " ;

9. Considérant que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui visent le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment ses articles L. 511-1 à L. 511-4, indiquent notamment que M. et MmeD..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Ofpra puis la Cnda, ne remplissent pas les conditions requises pour être admis au séjour au regard de l'article L. 314-11 8° ou L. 313-13 de ce code et n'entrent dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application dudit code ; que si elles ne précisent pas sur lequel des cinq cas prévus par le I de l'article L. 511-1 précité le préfet a entendu se fonder, il ressort clairement des autres éléments mentionnés dans les motifs de chacune des deux décisions contestées qu'il s'agit du refus de délivrance d'un titre de séjour, cas prévu au 3° dudit article ; que les décisions ajoutent en particulier que les intéressés n'établissent pas entrer dans une des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les décisions attaquées énoncent ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent et sont donc suffisamment motivées ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, les décisions contestées font obligation à M. et Mme D...de quitter le territoire français au motif qu'ils se sont vus refuser la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi elles ne sont pas dépourvues de base légale ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu d'écarter, par les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, les moyens tirés de la violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions litigieuses sur la situation personnelle des requérants ;

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

13. Considérant que si les requérants soutiennent qu'ils ont été en butte à des persécutions de la part tant des Serbes que des Albanais en raison de leur origine bosniaque, ce qui les a contraint à deux reprises à déménager pour changer de quartier à l'intérieur de la ville de Mitrovica, que M. D... a été menacé en 2004 et 2010 et que les membres de la famille de Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'asile en France, les éléments qu'ils ont versés au débat y compris les nouvelles pièces produites devant la Cour ne suffisent pas à établir qu'ils se trouveraient personnellement exposés, en cas de retour dans leur pays d'origine, à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté ; que, par suite, les décisions fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations précités de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

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13NC00124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00124
Date de la décision : 10/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-10-10;13nc00124 ?
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