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10/10/2013 | FRANCE | N°12NC02087

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 10 octobre 2013, 12NC02087


Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2012, présentée pour Mme E...C..., demeurant..., par Me A... ; Mme C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205251-1205279 du 19 novembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 14 novembre 2012 l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois à l'hôtel Formule 1 à Saint-Louis et lui faisant obligation de se présenter quotidiennement au bureau d

e la police aux frontières à l'aéroport de Bâle-Mulhouse ;

2°) d'annuler p...

Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2012, présentée pour Mme E...C..., demeurant..., par Me A... ; Mme C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205251-1205279 du 19 novembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 14 novembre 2012 l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois à l'hôtel Formule 1 à Saint-Louis et lui faisant obligation de se présenter quotidiennement au bureau de la police aux frontières à l'aéroport de Bâle-Mulhouse ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 novembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'assignation à résidence ne se justifiait nullement, en l'absence de mesure d'éloignement exécutoire et en l'absence de tout risque de fuite ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la loi du 16 juin 2011 a mal transposé la directive du 16 décembre 2008 ; en effet, l'article 7-3 de cette directive ne prévoit les astreintes à se présenter régulièrement aux autorités et à remettre les documents de voyage aux autorités qu'en vue d'éviter le risque de fuite, alors que l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit cette possibilité dans tous les cas où les étrangers sont assignés à résidence ;

- la décision attaquée est entachée du vice d'incompétence ;

- cette décision méconnaît le droit de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants, le droit à la liberté et à la sûreté, le droit au respect de la vie familiale, dès lors qu'elle a conduit à loger une famille de sept personnes dans deux chambres exiguës d'un hôtel " formule 1 " ; compte tenu de la localisation de l'hôtel, les enfants ne pouvaient plus se rendre à l'école ; la famille a rencontré de grandes difficultés pour se nourrir, alors qu'auparavant elle bénéficiait d'aides d'associations ;

- l'obligation de se présenter tous les jours au bureau de la police aux frontières à l'aéroport de Bâle-Mulhouse porte atteinte à la liberté d'aller et de venir ;

- cette atteinte est disproportionnée et injustifiée dès lors que son compagnon et elle n'ont jamais tenté de fuir ;

- le fait qu'ils n'étaient plus admis au centre d'accueil des demandeurs d'asile qui les hébergeait antérieurement en raison du rejet de leur demande d'asile ne pouvait justifier l'édiction d'une mesure d'assignation à résidence ;

- le préfet a commis une erreur de fait en lui enjoignant de préparer son départ dans les plus brefs délais alors que la cour européenne des droits de l'homme avait demandé le 14 novembre 2012 au gouvernement français de ne pas l'expulser vers la Serbie avant le 30 novembre 2012 à minuit ;

- elle excipe de l'illégalité de l'arrêté du 31 mai 2012 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire ; en effet le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; l'obligation de quitter le territoire méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2013, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au non-lieu à statuer, subsidiairement au rejet de la requête ;

Il soutient que la mesure d'éloignement a été exécutée le 3 décembre 2012 ; que M. D... avait reçu délégation pour signer l'arrêté attaqué ; qu'il ne saurait être sérieusement soutenu que l'assignation à résidence emporte les mêmes effets qu'un placement en rétention ; que le dispositif des centres d'accueil des demandeurs d'asile n'était plus ouvert aux intéressés dont la demande d'asile avait été rejetée ; que les chambres mises à la disposition de Mme C... et de sa famille étaient meublées, disposaient de sanitaires et étaient chauffées ; que l'administration n'a disposé que de quelques heures pour rechercher un hébergement ; que les membres de leur famille habitant Mulhouse ne se sont pas proposés pour les accueillir ; qu'il existe à Saint-Louis des établissements scolaires ; que le bureau de police de l'aéroport se trouvait à quelques centaines de mètres de l'hôtel ; que l'intérêt supérieur des enfants n'a pu être méconnu, l'unité de la famille ayant été préservée ; que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire est inopérant à l'encontre d'une assignation à résidence qui ne constitue qu'une mesure de surveillance destinée à permettre l'exécution de cette obligation ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 24 janvier 2013 par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président ;

1. Considérant que MmeC..., ressortissante kosovare née le 20 mars 1981, est entrée irrégulièrement en France, accompagnée de ses quatre enfants, le 27 septembre 2010 selon ses déclarations, et y a été rejointe par son compagnon, M.B..., le 27 octobre suivant ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection de réfugiés et apatrides en date du 18 mai 2011, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 avril 2012 ; que, par un arrêté du 31 mai 2012, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que, par un jugement du 17 octobre 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que le préfet du Haut-Rhin a pris le 14 novembre 2012 un arrêté prononçant son assignation à résidence dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement et lui imposant une obligation de présentation quotidienne auprès de la police aux frontières à l'aéroport de Bâle-Mulhouse ; que Mme C...relève appel du jugement du 19 novembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le préfet du Haut-Rhin :

2. Considérant que la circonstance que Mme C...a été éloignée le 3 décembre 2012 à destination de la Serbie ne rend pas sans objet la requête dirigée contre l'arrêté attaqué ; que, par suite, les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le préfet du Haut-Rhin doivent être rejetées ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 : " Départ volontaire.1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4 (...) .3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive : " Éloignement. 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement. 4. Lorsque les États membres utilisent - en dernier ressort- des mesures coercitives pour procéder à l'éloignement d'un ressortissant d'un pays tiers qui s'oppose à son éloignement, ces mesures sont proportionnées et ne comportent pas d'usage de la force allant au-delà du raisonnable. Ces mesures sont mises en oeuvre comme il est prévu par la législation nationale, conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de la dignité et de l'intégrité physique du ressortissant concerné d'un pays tiers " ;

4. Considérant qu'il ressort clairement du paragraphe 3 de l'article 7 précité de la directive du 16 décembre 2008 qu'il ne régit que la situation des étrangers durant la période de départ volontaire qui leur est laissée et non celle des étrangers qui n'ont pas respecté ce délai et font l'objet d'une mesure d'exécution forcée de la décision de retour, lesquels relèvent de l'article 8 de ladite directive ; que la requérante qui s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration du délai d'un mois qui lui avait été laissé par l'arrêté du 31 mai 2012 lui faisant obligation de quitter le territoire et dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 17 octobre 2012 entrait dans le champ d'application de l'article 8 de la directive et non de l'article 7 ; que, par suite, Mme C...ne peut utilement soutenir que l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article L. 561-2 du même code, sur lequel s'est fondé le préfet pour prononcer son assignation à résidence aurait fait une mauvaise transposition du paragraphe 3 de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ; que, dès lors, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a pu sans entacher son jugement d'omission à statuer ne pas répondre à ce moyen qui était inopérant ;

5. Considérant, en second lieu, qu'en relevant que MmeC..., son compagnon et leurs cinq enfants étaient dépourvus de tout hébergement à la suite du rejet de leur demande d'asile, ce qui ne permettait plus leur maintien au centre d'accueil des demandeurs d'asile de Colmar, et qu'en l'absence de garanties de représentation suffisantes en dépit de leurs allégations quant à une possibilité d'hébergement par des proches le préfet était fondé à décider leur assignation à résidence, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a implicitement mais nécessairement répondu au moyen tiré de ce que l'assignation à résidence n'était pas justifiée ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. Considérant que, par un arrêté du 1er octobre 2012, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation au directeur de la réglementation et des libertés publiques à l'effet de signer les décisions de placement en rétention administrative et d'assignation à résidence des étrangers en situation irrégulière, et en cas d'absence ou d'empêchement du directeur à M.D..., chef du Service de l'Immigration, chef du bureau de l'asile et de l'éloignement ; qu'il n'est ni soutenu ni même allégué que le directeur de la réglementation et des libertés publiques n'aurait pas été absent ou empêché ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué, signé par M.D..., aurait été pris par une autorité qui n'avait pas reçu compétence pour ce faire ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Sur les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du 31 mai 2012 :

7. Considérant que l'exception d'illégalité soulevée reste recevable dès lors qu'elle a été présentée avant que la Cour ait statué par son arrêt du 1er juillet 2013 sur la légalité dudit arrêté ;

En ce qui concerne ledit arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ( ...)." ;

9. Considérant que MmeC..., entrée en France à l'âge de vingt-neuf ans, n'y séjournait que depuis vingt mois à la date de l'arrêté attaqué ; que son compagnon a fait l'objet concomitamment de la même mesure d'éloignement ; que Mme C...n'établit pas ne pas pouvoir mener une vie familiale normale au Kosovo ou en Serbie en raison de son appartenance à la communauté rom ; que si elle soutient qu'elle est sans nouvelle de sa famille au Kosovo et que son compagnon, dont deux frères vivent en France, n'y a plus de famille, elle n'établit toutefois pas que son compagnon et elle-même seraient dépourvus de toute attache familiale au Kosovo ou en Serbie, pays dans lesquels ils ont résidé avant leur venue en France ; que, dans les circonstances de l'espèce, et en dépit de ce que le cinquième enfant du couple est né en France et de ce que trois de leurs enfants y sont scolarisés, la décision susvisée n'a pas porté au droit de Mme C...au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

11. Considérant que le refus de délivrance de titre de séjour opposé à Mme C...et l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, ainsi que les mêmes décisions concernant son compagnon, n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents ; que les rapports des organisations non gouvernementales dont se prévaut la requérante ne suffisent pas à établir que les enfants du couple ne pourraient avoir accès à une scolarisation normale au Kosovo, du fait de leur appartenance à la communauté rom ; que, dès lors, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance de leur intérêt supérieur ;

En ce qui concerne ledit arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire :

12. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le préfet n'a commis aucune illégalité en ne délivrant pas à la requérante un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire du fait qu'un titre de séjour devait lui être délivré sur le fondement susévoqué ;

13. Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu d'écarter par les mêmes motifs que ceux précédemment indiqués les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les autres moyens :

S'agissant de la mesure d'assignation à résidence :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger (...) : 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ;

15. Considérant que, par l'arrêté attaqué, le préfet du Haut-Rhin a assigné Mme C...à résidence pour une durée de 45 jours renouvelable une fois dans un hôtel " Formule 1 " à Saint-Louis ;

16. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'hébergement de MmeC..., de son compagnon et de leurs cinq enfants âgés de 11 mois à 8 ans dans deux chambres d'hôtel d'une catégorie économique ne pouvait leur permettre de vivre dans des conditions décentes et que l'assignation à résidence à laquelle a procédé le préfet serait en l'espèce constitutive d'une atteinte au droit à la liberté et à la sûreté et au droit au respect de leur vie familiale, ou d'un traitement inhumain et dégradant du fait de la situation de l'hôtel à proximité de l'aéroport et de ce que la famille ne pouvait plus bénéficier de l'aide alimentaire qui lui était apportée par les associations caritatives lorsqu'elle était hébergée au centre d'accueil des demandeurs d'asile de Colmar ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...ne fait état d'aucun élément de nature à faire obstacle à ce que ses enfants en âge d'être scolarisés puissent être accueillis dans une école de la commune de Saint-Louis, quand bien même l'hôtel où ils étaient hébergés serait excentré ; que la décision attaquée n'a donc pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants garanti par l'article 3 paragraphe 1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

18. Considérant, en troisième lieu, que MmeC..., dont la demande d'asile avait été rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 2 avril 2012, son compagnon et leurs enfants ne pouvaient plus être pris en charge dans le centre d'accueil de demandeurs d'asile où ils étaient hébergés ; qu'il n'est pas établi qu'ils auraient pu bénéficier à titre exceptionnel d'un hébergement ou d'un logement dans les conditions prévues par l'article R. 348-3 du code de l'action sociale et des familles pour les personnes s'étant vu refuser l'asile ou qu'ils auraient pu être logés par des proches ; que, par suite, le préfet a pu légalement décider de prononcer l'assignation à résidence de l'intéressée ; que ni l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article L. 561-1 auquel il renvoie ne subordonne l'édiction d'une mesure d'assignation à résidence à la condition qu'existe un risque de fuite ;

19. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le juge faisant fonction de président de la cinquième section de la Cour européenne des droits de l'homme, saisi par Mme C...et son compagnon en vue d'obtenir la suspension de la mesure d'expulsion vers la Serbie dont ils faisaient l'objet, a le 14 novembre 2012 demandé au gouvernement français, en application de l'article 39 du règlement de la cour, de ne pas les expulser vers la Serbie (Kosovo) avant le 30 novembre 2012 à minuit ;

20. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que l'exécution de la mesure d'éloignement qui avait été prévue le 14 novembre 2012 a été provisoirement suspendue à la demande de la Cour européenne des droits de l'homme ne faisait nullement obstacle à l'édiction d'une mesure d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

21. Considérant, d'autre part, que si l'article 1er de l'arrêté attaqué indique que Mme C... doit organiser son départ dans les plus brefs délais, alors d'ailleurs que l'intéressée et sa famille faisaient en réalité l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, cette formulation ne saurait s'analyser en une erreur de fait dès lors que la mesure de suspension dont se prévaut la requérante n'était que de courte durée et a d'ailleurs été levée dés le 29 novembre 2012 ;

S'agissant de l'obligation de présentation :

22. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient MmeC..., la décision contestée est motivée en droit et en fait ; que si l'obligation de présentation présente le caractère d'une décision distincte de l'assignation à résidence dont elle procède, la motivation de cette obligation peut outre la référence aux articles L. 561-1, L. 561-2 et R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se confondre avec celle de l'assignation à résidence ;

23. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1, de l'article L. 561-2 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. (...) "

24. Considérant que l'article 2 de l'arrêté attaqué dispose que Mme C...devra se présenter tous les jours au bureau de la police aux frontières à l'aéroport de Bâle-Mulhouse aux fins de contrôle ; que cette obligation faite à la requérante ne saurait être regardée ni comme une mesure de surveillance disproportionnées ni comme une atteinte excessive à sa liberté d'aller et de venir, alors surtout que, comme elle l'indique, l'hôtel où elle est hébergée est situé à proximité immédiate dudit aéroport ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de rejeter les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions à fin de non lieu à statuer présentées par le préfet du Haut-Rhin sont rejetées.

Article 2 : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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12NC02087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC02087
Date de la décision : 10/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-10-10;12nc02087 ?
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