La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/10/2013 | FRANCE | N°12NC01843

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 10 octobre 2013, 12NC01843


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2012, présentée pour Mme D...B...épouseE..., demeurant..., par Me C... ; Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201096 du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2012 du préfet du territoire de Belfort lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant l'Algérie comme pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

2°) d'annuler pour excès de

pouvoir ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 eu...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2012, présentée pour Mme D...B...épouseE..., demeurant..., par Me C... ; Mme E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201096 du 18 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2012 du préfet du territoire de Belfort lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant l'Algérie comme pays à destination duquel elle sera renvoyée ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme E...soutient que :

- le préfet n'établit pas avoir saisi la commission du titre de séjour alors même qu'elle a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui prévoit la délivrance de plein droit du certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît le 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors, d'une part, qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire français sous couvert d'un visa de court séjour et que, d'autre part, la condition d'entrée régulière en France prévue par les stipulations précitées continue d'être regardée comme remplie dans la mesure où elle s'est maintenue sur le territoire national, nonobstant le fait que la décision de refus de séjour ait été délivrée au-delà de la durée de validité du visa ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle vit depuis plus de quatre ans en France où elle a construit une vie familiale depuis son mariage avec M. E...au mois de mars 2012 ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2012, présenté par le préfet du territoire de Belfort qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 février 2013, présenté pour Mme E... par MeC..., qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien imposant la possession d'un visa ne sont pas incompatibles avec celles de la convention de Schengen dont l'article 10 paragraphe 1 institue un visa uniforme pour le territoire de l'ensemble des parties contractantes et dont l'article 19 énonce que les étrangers titulaires d'un visa peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des parties contractantes pendant la durée de validité du visa ;

Vu, en date du 6 décembre 2012, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle accordant à Mme E...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des États de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président ;

Sur la décision portant refus de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...). " ; qu'aux termes de l'article 9 de ce même accord : " (...) les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 de la convention signée à Schengen, le 19 juin 1990 : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur les territoires des Parties Contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions ci-après : / a) posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière, déterminés par le Comité Exécutif ; / b) être en possession d'un visa valable si celui-ci est requis (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 de cette convention : " Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa, dont la durée de validité est régie par l'article 11, peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum. " ; qu'aux termes de l'article 22 de cette convention : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties Contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie Contractante, aux autorités compétentes de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. (...) / 2. Les étrangers résidant sur le territoire de l'une des Parties Contractantes et qui se rendent sur le territoire d'une autre Partie Contractante sont astreints à l'obligation de déclaration visée au paragraphe 1. / 3. Chaque Partie Contractante arrête les exceptions aux dispositions des paragraphes 1 et 2 (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-5, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. " et qu'aux termes de l'article R. 212-6 du même code : " L'étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne n'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français : / 1° S'il n'est pas assujetti à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois (...). " ;

2. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article 9 de l'accord franco-algérien que les ressortissants algériens sont en principe assujettis à l'obligation de présentation d'un visa même pour un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; que si, en vertu des stipulations de l'article 10 de la convention de Schengen un visa délivré par un Etat partie à la convention est valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes, l'article 22 de cette même convention impose à tout étranger entré régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes et se rendant sur le territoire d'un autre Etat partie à la Convention d'effectuer une déclaration lors de son entrée sur ce territoire ; que cette obligation est reprise à l'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que Mme B...épouseE..., ressortissante algérienne, dont il est constant qu'elle est entrée en France en provenance d'Espagne, n'est pas fondée à soutenir que du fait qu'elle justifiait être entrée régulièrement en Espagne munie d'un " visa Schengen " elle n'avait pas à rapporter la preuve de son entrée régulière en France ;

3. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E...s'est vu délivrer un visa par les autorités consulaires françaises - et non pas espagnoles comme elle le soutient à tort - à Oran, valable du 15 mars 2008 au 10 septembre 2008 pour un séjour d'une durée de 90 jours, et qu'elle est entrée régulièrement sur le territoire espagnol une première fois le 21 avril 2008, puis le 10 mai suivant, comme en font mention les cachets apposés sur son passeport ; qu'ainsi elle ne saurait être entrée en France dès le 15 mars 2008 en provenance d'Espagne, comme elle le prétend ; qu'il est constant que l'intéressée, lors de son entrée sur le territoire français, n'a pas procédé à la déclaration prévue au paragraphe 2 de l'article 22 de la convention de Schengen ; qu'elle ne produit aucun élément de nature à attester de son entrée en France pendant la période de validité du visa susmentionné ; que, par, suite, Mme E...n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence méconnaîtrait les stipulations du 2 de l'article 6 précité de l'accord franco-algérien ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la requérante a épousé M. A...E..., ressortissant français, le 31 mars 2012 ; que si elle soutient qu'une communauté de vie existait entre eux " bien avant le mariage ", elle ne l'établit pas en se bornant à produire des pièces exclusivement relatives à la situation de M.E..., l'acte de mariage, ainsi qu'une assurance habitation conclue à son bénéfice en 2010 ; qu'elle n'est pas dépourvue de toute attache familiale en Algérie où résident ses frères et soeurs et où elle a elle-même vécu sans interruption depuis sa naissance jusqu'à l'âge de 44 ans ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme E...garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des articles L. 312-11 et L. 312-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux article L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions, applicables aux ressortissants algériens, que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions requises pour prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ;

6. Considérant que MmeE..., dont il a été dit qu'elle n'entrait pas dans le champ d'application du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ne remplit aucune des conditions légales prévues pour la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal, faute d'avoir été précédé de la consultation de cette commission ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :

7. Considérant que les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme E... à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire, fixant le pays de renvoi et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2012 du préfet du Territoire de Belfort refusant de lui délivrer un certificat de résidence, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme E... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...épouse E...et au ministre de l'intérieur.

''

''

''

''

2

12NC01843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01843
Date de la décision : 10/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-10-10;12nc01843 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award