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01/08/2013 | FRANCE | N°12NC01771

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 01 août 2013, 12NC01771


Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2012, présentée pour Mme A...B...épouseC..., demeurant..., par Me Jeannot, avocate ;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200857 du 10 juillet 2012 du Tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2012 du préfet de Meurthe-et-Moselle en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté du préf

et de Meurthe-et-Moselle du 21 janvier 2012 en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un ...

Vu la requête, enregistrée le 29 octobre 2012, présentée pour Mme A...B...épouseC..., demeurant..., par Me Jeannot, avocate ;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200857 du 10 juillet 2012 du Tribunal administratif de Nancy qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2012 du préfet de Meurthe-et-Moselle en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 21 janvier 2012 en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 794 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Mme C...soutient que :

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure ; alors qu'il concerne les trois enfants du couple, ces derniers n'ont pas été entendus et donc mis en mesure de présenter leurs observations ; les stipulations des articles 3.1 et 12 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues ;

- le préfet n'a pas respecté les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dont il ne fait pas mention dans son arrêté ; deux des trois enfants étaient scolarisés et insérés socialement en France ;

- l'arrêté ne respecte pas les dispositions du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; le droit à la dignité de l'enfant, consacré notamment par l'article 11, n'a pas été respecté ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses effets sur la situation personnelle des enfants ;

Sur le refus de titre de séjour :

- les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ont été méconnues ; elle n'a pas pu présenter des observations avant l'intervention de l'arrêté le 21 janvier 2012 ; or, depuis sa demande de titre de séjour, le 12 janvier 2011, sa situation avait évolué, son mari ayant trouvé un emploi ;

- les articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que le considérant 6 du préambule de la directive " retour " du 16 décembre 2008, qui imposaient qu'elle soit entendue avant l'intervention de l'arrêté, ont été méconnues ;

- le préfet devait examiner sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il devait se poser la question de la régularisation de sa situation ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; le préfet devait indiquer pour quel motif il rejetait la demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il devait préciser en quoi n'existaient pas de considérations humanitaires et des motifs exceptionnels justifiant le refus de titre qui lui a été opposé ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait et de droit ; il est inexact de dire qu'elle n'a pas mis à profit la période pendant laquelle elle a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour pour " acquérir son autonomie " ; elle a accouché le 14 juin 2011 et a dû ensuite s'occuper de ses enfants ; par ailleurs, son mari disposait d'une embauche par la société Dia en qualité d'aide-bardeur à compter du 16 janvier 2012 ;

- le préfet devait lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; son mari avait des possibilités de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille ; ils ont fait l'effort d'apprendre la langue française ; les enfants sont scolarisés ; la famille n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ; sa belle-mère nécessite la présence de son fils et de sa belle-fille à ses côtés ; un retour en Arménie présente des risques pour leur sécurité ; l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français est illégal du fait de l'illégalité du refus de délivrance du titre de séjour ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; il ne précise pas dans quel cas prévu par l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile elle entre ;

- pour les raisons susmentionnées, l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; le centre des intérêts moraux et matériels de la famille se situe en France ;

Sur la fixation du pays de destination :

- l'arrêté fixant le pays de destination est illégal du fait de l'illégalité des décisions de refus de délivrance du titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français et fixant le délai de départ volontaire à trente jours ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations des articles 3-1 et 19 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle et sa famille encourent des risques en cas de retour en Arménie, en raison des activités politiques passées de son époux ;

- l'arrêté est illégal du seul fait de l'illégalité de l'arrêté affectant son mari ; elle ne peut regagner l'Arménie sans le reste de sa famille ; de ce fait, il y a violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droit de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2013, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- il n'était pas tenu d'entendre les enfants dès lors qu'aucune mesure n'était prise à leur encontre ; leur jeune âge justifiait qu'ils ne soient pas sollicités ; le retour en Arménie ne doit pas conduire à une mise en danger des enfants ; quand bien même il aurait dû entendre les enfants avant d'adopter l'arrêté litigieux, il n'avait pas à suivre leur avis ;

- l'appelante ne peut invoquer la violation de l'article 6 de la directive " retour " du 16 décembre 2008 dès lors que ce texte ne consacre qu'un droit à un procès équitable ; or, elle a pu saisir le Tribunal administratif pour contester son arrêté ;

- l'arrêté litigieux ne peut être illégal du seul fait qu'il ne permettrait pas d'assurer un niveau de vie décent en France à la famille de l'appelante ou une scolarité à ses enfants ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du Tribunal de grande instance de Nancy en date du 27 septembre 2012 attribuant l'aide juridictionnelle totale à Mme C...et désignant Me Jeannot pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son préambule ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller ;

Sur l'arrêté du 21 janvier 2012 pris dans son ensemble :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale susvisée relative aux droits de l'enfant, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'aux termes de l'article 12 de la même convention : " 1. Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. À cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. " ; qu'aux termes de l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " (...) Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence " ;

2. Considérant que Mme C...soutient que l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 21 janvier 2012 a été adopté sans que ses enfants nés fin 2002, début 2004 et mi 2011, aient été mis en mesure de présenter des observations, et ce en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 12 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 11 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 ; que ce moyen doit être écarté dès lors qu'en tout état de cause, ces stipulations ne pourraient concerner que les enfants d'un demandeur de titre de séjour capables de discernement, ce que n'étaient pas les enfants de l'appelante alors âgés, à la date d'adoption de l'arrêté litigieux, de moins de 10 ans, de moins de 8 ans et de moins d'un an ; que, par suite, Mme C...ne peut utilement soutenir que le défaut d'audition de ses enfants entache la décision attaquée d'un vice de procédure et que, de ce seul fait, cette dernière serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de ses enfants ;

Sur le refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que la décision en litige est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où elle n'a pas pu présenter d'observations préalables à son adoption, en méconnaissance de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, des articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du paragraphe 6 du préambule de la directive " retour " du 16 décembre 2008 ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative refuse à un ressortissant étranger son admission au séjour ; que, par suite, Mme C...ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoyant une procédure contradictoire, qui ne sont pas applicables aux décisions statuant sur une demande de titre de séjour, quand bien même cette dernière a été formulée le 12 janvier 2011, soit un an avant l'intervention de l'arrêté litigieux ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ; " ; qu'aux termes de l'article 47 de la Charte : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. / Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. " ; qu'aux termes de l'article 51 de ladite Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union... " ; qu'enfin, aux termes de l'article 79 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " 1. L'Union développe une politique commune de l'immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu'une prévention de l'immigration illégale (...) / 2. Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures dans les domaines suivants : / a) les conditions d'entrée et de séjour, ainsi que les normes concernant la délivrance par les États membres de visas et de titres de séjour de longue durée, y compris aux fins du regroupement familial (...) " ;

6. Considérant que le refus de séjour en litige trouve son fondement dans les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ces dispositions ne résultent pas de la transposition en droit national de normes de droit communautaire ; qu'elles ont pour objet la délivrance d'un titre de séjour de courte durée, laquelle ne relève pas du champ de compétence du droit de l'Union défini en matière de politique d'immigration à l'article 79 du TFUE ; qu'ainsi, lorsqu'il refuse l'admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne peut être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; que, par suite, il ne lui appartient pas d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration, lequel implique le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, prévu au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que Mme C...ne saurait donc utilement invoquer les dispositions de cet article pour contester qu'elle n'a pas été mise à même de présenter des observations préalablement à l'adoption de l'arrêté du 21 janvier 2012 ; qu'en outre, la requérante ne justifie pas, en tout état de cause, en quoi la décision litigieuse porterait atteinte aux droits et libertés garantis par le droit de l'Union par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance des articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes du 6ème paragraphe de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée : " Les Etats membres devraient veiller à ce que, en mettant fin au séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers, ils respectent une procédure équitable et transparente " ; qu'il ne ressort pas de ces dispositions, qui n'ont pas de force juridique et qui au demeurant ont été transposées en droit interne par la loi susvisée du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, que l'appelante aurait dû être entendue par les services de la préfecture de Meurthe-et-Moselle avant l'adoption de l'arrêté en date du 21 janvier 2012 ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement d'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que, par demande commune avec son époux, datée du 12 janvier 2011, Mme C...n'a pas demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet n'avait pas à s'interroger sur une telle demande non formulée et à motiver en conséquence son arrêté ; qu'au surplus, il ressort des termes mêmes de l'arrêté que le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est expressément interrogé sur l'opportunité d'user de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ; qu'eu égard à l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, dont l'époux fait lui aussi l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour, il n'est pas démontré qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant cette possibilité ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'en soulignant que Mme C...n'a pas mis à profit la période pendant laquelle elle a bénéficié, du 20 mai 2011 au 20 janvier 2012, d'autorisations provisoires de séjour pour " acquérir son autonomie ", le préfet s'est borné à caractériser la faible insertion de l'appelante dans la société française, justifiant ainsi le refus qu'il a opposé à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il n'avait à mentionner obligatoirement ni son accouchement survenu le 14 juin 2011, ni l'embauche dont bénéficiait son mari à compter du 16 janvier 2012 ; qu'en agissant de la sorte, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas entaché son arrêté d'erreur de fait ;

10. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que MmeC..., ressortissante arménienne, est entrée irrégulièrement en France selon ses dires en mars 2009, soit à l'âge de 32 ans ; qu'elle n'a séjourné régulièrement en France que sous couvert d'autorisations provisoires de séjour pour la période du 20 mai 2011 au 20 janvier 2012 ; que si la requérante fait valoir que son époux justifie d'une promesse d'embauche datée du 13 janvier 2012, cette dernière ne prend effet qu'au 16 janvier 2012, est conditionnelle et n'a été portée à la connaissance du préfet de Meurthe-et-Moselle que le 21 janvier 2012, date à laquelle a été adopté l'arrêté attaqué ; qu'elle allègue sans l'établir que sa belle-mère nécessiterait sa présence auprès d'elle compte tenu de son âge avancé ; qu'elle ne démontre pas davantage être dépourvue d'attaches familiales en Arménie ; qu'ainsi, compte tenu de la brièveté de la durée de séjour en France de MmeC..., et en dépit des efforts familiaux d'apprentissage de la langue française et de la scolarisation de ses enfants en France, la décision en litige n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de la requérante au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, elle n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. C...faisant l'objet par arrêté du même jour d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement à destination de son pays d'origine, les enfants ne seront pas séparés de leurs parents et pourront poursuivre leur existence en Arménie ; qu'ainsi, l'arrêté, quand bien même il ne mentionne pas ce texte dans ses visas, ne viole pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant qui imposent à l'autorité administrative, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'enfin, l'arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de MmeC... ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme C...n'est pas démontrée ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ;

13. Considérant qu'il résulte des dispositions sus-rappelées que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond, s'agissant du principe d'une telle obligation, avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique dès lors que le refus de titre est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées ; que la décision de refus de séjour comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui vise expressément l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que " le préfet peut assortir sa décision de refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ", en référence à la catégorie de décisions définie au 3° du I de l'article L. 511-1 précité ; qu'ainsi, l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 21 janvier 2012 est suffisamment motivé ;

14. Considérant, en troisième et dernier lieu, que, pour les raisons ci-dessus évoquées, l'arrêté, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français , n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'enfin, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme C... ;

Sur la fixation du pays de renvoi :

15. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme C...et de celle portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas démontrées ; que celle de la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire de l'intéressée n'est pas contestée ; que, par suite, le moyen tiré de l'illégalité desdites décisions à l'encontre de la décision fixant l'Arménie comme pays de destination doit être écarté ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que la décision fixant le pays de renvoi comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté comme manquant en fait ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article 19 de la convention internationale relative au droit de l'enfant susvisée : " 1. Les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. 2. Ces mesures de protection doivent comprendre, selon qu'il conviendra, des procédures efficaces pour l'établissement de programmes sociaux visant à fournir l'appui nécessaire à l'enfant et à ceux à qui il est confié, ainsi que pour d'autres formes de prévention, et aux fins d'identification, de rapport, de renvoi, d'enquête, de traitement et de suivi pour les cas de mauvais traitements de l'enfant décrits ci-dessus, et comprendre également, selon qu'il conviendra, des procédures d'intervention judiciaire " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : " 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

18. Considérant que si Mme C...soutient qu'elle a subi des persécutions en raison de l'engagement politique de son époux en Arménie, elle ne produit aucun justificatif suffisant permettant d'établir qu'elle se trouverait personnellement exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté dont d'ailleurs ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 30 mars 2010, ni la Cour nationale du droit d'asile par décision du 24 novembre 2010 n'ont retenu l'existence ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'au surplus, en cas de retour en Arménie, dès lors que la cellule familiale sera préservée, M. C...faisant l'objet d'une mesure de même nature que celle dont est objet l'appelante, et en l'absence de danger avéré pour la famille, il n'est nullement établi que la décision en litige aurait méconnu les articles 3-1 et 19 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

19. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que Mme C...soutient que son mari bénéficiera de la Cour de céans de l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 21 janvier 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et fixant l'Arménie comme pays de renvoi ; qu'elle sera alors seule, sans ses enfants et son époux, contrainte de regagner l'Arménie en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droit de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce moyen doit être en tout état de cause écarté dès lors que, par arrêt de ce jour, la requête de M. C...tendant à l'annulation dudit arrêté a été rejetée ;

20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2012 du préfet de Meurthe-et-Moselle en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Arménie comme le pays de renvoi ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'octroi de frais irrépétibles seront rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Narine Douamalian épouse C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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