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01/08/2013 | FRANCE | N°12NC01552

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 01 août 2013, 12NC01552


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, le 8 septembre 2012, présentée pour M. C...A...B..., demeurant..., par Me Colle, avocate ;

M. A...B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101269 du 3 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 11 avril 2011 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Doubs en date du 11 avril 2011 ;

3°) d'enjo

indre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, le 8 septembre 2012, présentée pour M. C...A...B..., demeurant..., par Me Colle, avocate ;

M. A...B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101269 du 3 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 11 avril 2011 par laquelle le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Doubs en date du 11 avril 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- le préfet du Doubs devait lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'avis du médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté est erroné ; l'absence de traitement aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé et pourrait même causer sa mort ; le traitement n'est pas disponible en Libye notamment en raison de la situation de guerre civile prévalant dans son pays d'origine ; il n'est pas en état de voyager ; il produit des documents attestant la réalité de ses allégations quand bien même certains sont postérieurs à la décision du préfet du Doubs du 11 avril 2011 ;

- le refus du préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour présente des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ; il est dépendant de sa soeur qui l'assiste dans les actes de la vie courante ; il n'a plus de famille en Lybie ; vivre la guerre civile régnant en Libye est contrindiqué eu égard à son hypertension ; la décision préfectorale est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2012, présenté par le préfet du Doubs, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté le 15 mars 2011 est complet ; l'appelant ne démontre pas qu'il ne pourrait pas disposer des soins nécessaires au traitement de sa pathologie en Lybie ; en tout état de cause, la décision attaquée n'est pas assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; titulaire d'une carte de séjour temporaire d'un an en qualité de " visiteur ", valable jusqu'au 28 février 2013, il peut poursuivre ses soins en France ;

- il n'avait pas à délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'il n'était pas en situation irrégulière en France ;

- sa décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A...B..., puisqu'il n'est pas obligé de regagner la Libye ; de plus, l'absence de toute famille en Lybie n'est pas démontrée ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du Tribunal de grande instance de Nancy en date du 7 août 2012 attribuant l'aide juridictionnelle partielle (85%) à M. A...B...et désignant Me Colle pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé(...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 8 juillet 1999 alors en vigueur, pris pour l'application de ces dispositions : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire en application de l'article 12 bis (11°) ou qui invoque les dispositions de l'article 25 (8°) de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier " ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : " (...)Le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé " ; que l'article 4 du même arrêté prévoit que : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; /- et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. /. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...B..., de nationalité libyenne, entré régulièrement en France le 7 novembre 2006, a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade ; qu'après avoir saisi le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté qui s'est prononcé par avis du 15 mars 2011, le préfet du Doubs lui a, par décision en date du 11 avril 2011, opposé un refus ;

4. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier et notamment du certificat médical établi le 8 mars 2011 par un médecin du centre hospitalier universitaire de Besançon que M. A... B...est atteint d'une tétraparésie due à une myélopathie siégeant principalement au niveau cervical, pour laquelle il a été opéré en 2007 ; qu'il est soumis à un suivi médical régulier et à un lourd traitement médicamenteux notamment à base de Liorésal et de Lyrica dont le défaut pourrait, contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté, entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité puisque les complications prévisibles de son état de santé mettraient en jeu son pronostic vital ; que, par ailleurs, M. A...B...soutient qu'il ne pouvait, à la date à laquelle lui a été opposé le refus du préfet du Doubs, suivre son traitement en Libye notamment eu égard à l'état de guerre dans lequel se trouvait son pays d'origine ; que, ni en première instance, ni à hauteur d'appel, ces éléments n'ont été contestés par le préfet du Doubs, à qui incombait alors la charge de la preuve de la disponibilité effective des soins dans le pays d'origine ; que, d'ailleurs, même s'il n'en indique pas le motif, mais certainement conscient de l'état avancé de dépendance de M. A...B...et de la nécessaire assistance de sa soeur pour effectuer les actes de la vie courante, ce dernier lui a délivré et régulièrement renouvelé une carte de séjour temporaire en qualité de " visiteur " sur le fondement de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin que se poursuive durablement sa prise en charge médicale sur le territoire français ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le requérant doit être regardé comme ne pouvant pas, ainsi qu'il le soutient, bénéficier effectivement en Libye, à la date de la décision litigieuse, d'un accès aux soins que son état de santé nécessitait ; qu'il s'ensuit, qu'en adoptant la décision du 11 avril 2011, le préfet du Doubs a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

6. Considérant qu'eu égard aux motifs qui précèdent, la présente décision implique nécessairement qu'un titre de séjour " vie privée et familiale " soit délivré à M. A... B... ; qu'il y a ainsi lieu d'enjoindre le préfet du Doubs de délivrer à M. A...B...une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que M. A...B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Colle, avocate de M. A...B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Colle de la somme de 1 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 3 mai 2012 et la décision du préfet du Doubs en date du 11 avril 2011 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...B...une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Colle une somme de 1 000 € (mille euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Colle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...B..., au préfet du Doubs et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Besançon.

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12NC01552


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : COLLE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 01/08/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 12NC01552
Numéro NOR : CETATEXT000027800504 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-08-01;12nc01552 ?
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