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02/05/2013 | FRANCE | N°12NC01512

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 mai 2013, 12NC01512


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2012, présentée par le préfet du Haut-

Rhin ;

Le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203642 du 7 août 2012 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses décisions du 31 mai 2012 obligeant

M. B...à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter les conclusions de M. B...dirigées contre la décision du

31 mai 2012 portant obligation de quitter le territoire ;

Il soutient que :

- le Tribunal a estimé que l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation,...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2012, présentée par le préfet du Haut-

Rhin ;

Le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203642 du 7 août 2012 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses décisions du 31 mai 2012 obligeant

M. B...à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) de rejeter les conclusions de M. B...dirigées contre la décision du

31 mai 2012 portant obligation de quitter le territoire ;

Il soutient que :

- le Tribunal a estimé que l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation, alors que le requérant n'avait pas invoqué ce moyen, qui n'est pas d'ordre public ;

- l'intéressé, qui n'a pas contesté la décision du 12 avril 2012 portant refus d'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile, ne pouvait plus en contester la légalité à l'occasion de son recours contre les décisions du 31 mai 2012 ; dès lors que la demande d'asile a été traitée selon la procédure prioritaire, qui induit l'absence de caractère suspensif de la saisine de la Cour nationale du droit d'asile, la décision de refus de séjour pouvait être prise dès le rejet de la demande d'asile ; c'est donc uniquement à l'encontre de cette décision du 12 avril 2012 que l'intéressé aurait pu contester le caractère non suspensif de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- un examen personnalisé du dossier de l'intéressé a été effectué ;

- par décision du 6 décembre 2011, le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a ajouté l'Arménie à la liste des pays sûrs ; que le Conseil d'Etat, dans sa décision de juillet 2010, avait mis en exergue, non pas la problématique des couples mixtes ou des origines azéries, mais celle des violences dont sont victimes les opposants au pouvoir ; or, l'intéressé n'a pas convaincu l'Office qu'il serait un opposant au régime en place en Arménie ;

- le fait qu'un recours soit toujours pendant devant le Conseil d'Etat n'a pas de caractère suspensif sur le classement de l'Arménie comme pays sûr ; on ne peut donc reprocher à l'administration d'avoir examiné la demande d'asile selon la procédure prioritaire, par application des articles L. 723-1 et L. 741-4 2° ;

- le requérant n'a pas assisté à l'entretien auquel il avait été convoqué par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, et il n'a pas repris contact avec l'Office pour planifier un nouvel entretien ;

- il n'a pas commis d'erreur d'appréciation ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2012, présenté pour M. C...B..., demeurant..., par MeA..., qui conclut au rejet de la requête du préfet du Haut-Rhin et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que le Tribunal a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire, pour le motif retenu ;

- dès lors qu'il avait fait valoir que le préfet n'avait pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle, le Tribunal a pu considérer à bon droit que l'administration avait commis une erreur manifeste d'appréciation, qui a été débattue à l'audience ;

- la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides d'inscrire l'Arménie sur la liste des pays d'origine sûrs a été annulée une première fois par décision du Conseil d'Etat du 23 juillet 2010 ; si, par une nouvelle décision du 9 décembre 2011, l'Arménie a été réinscrite sur cette liste, un recours contre cette décision est actuellement pendant devant le Conseil d'Etat ; le préfet n'est pas tenu de prendre en considération la liste des pays sûrs ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, alors qu'il a fait état de craintes sérieuses ; l'Arménie ne peut être considérée comme un pays sûr ;

- il ne s'est pas présenté à son entretien à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, car il a reçu sa convocation de manière tardive ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 novembre 2012, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que, dans son jugement du 25 octobre 2012, n° 1202819-120282, le Tribunal a estimé que les refus de séjour étaient légaux ;

Vu le mémoire en duplique, enregistré le 22 janvier 2013, présenté pour

M.B..., qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 6 décembre 2012, admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ,

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'il résulte des écritures du requérant devant le Tribunal que l'intéressé a fait valoir que le préfet n'avait pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle, et qu'il a expressément soulevé le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne sa situation personnelle ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

2. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, M. B...excipe de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé par le préfet du Haut-Rhin le 31 mai 2012 ;

3. Considérant qu'un demandeur d'asile, auquel un refus de séjour et une obligation de quitter le territoire français sont opposés après que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et éventuellement la Cour nationale du droit d'asile se soient prononcés, ne saurait utilement exciper, pour contester la légalité d'une décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, d'un vice affectant la décision initiale de refus d'admission au séjour ; que la question de l'inscription de l'Arménie au nombre des pays sûr est sans influence sur la légalité du refus de séjour et, par voie de conséquence, sur l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le requérant était fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire qui devait, par suite, être annulée, et qu'il y avait lieu, par voie de conséquence, d'annuler également la décision fixant le pays de renvoi ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

5. Considérant que M. Xavier Barrois, secrétaire général de la préfecture, bénéficiait, par arrêté du préfet du Haut-Rhin du 6 janvier 2012 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation de signature régulière à l'effet de signer les décisions contestées ; que, par suite, le moyen tiré d'un vice de compétence manque en fait et ne peut être qu'écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...ne séjournait en France que depuis deux mois à la date de la décision en litige ; que le requérant n'établit pas être dépourvus d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que les allégations du requérant relatives aux traumatismes que subiraient ses enfants, âgés de 6 ans et 3 mois, en cas de retour en Arménie ne sont pas étayées de manière probante ; que, dans ces conditions, aucun élément ne faisant obstacle à ce que ces enfants rejoignent leur pays d'origine accompagnés de leurs parents, la décision attaquée, qui n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, n'a pas méconnu ces stipulations ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

En ce qui concerne la fixation du pays de destination :

10. Considérant que la décision fixant le pays de renvoi comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est donc suffisamment motivée ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que M. B...ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'il encourrait personnellement et directement des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation de ces stipulations ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses décisions du 31 mai 2012 obligeant M. B...à quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu 'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

14. Considérant que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, ne saurait verser à l'avocat de M. B...une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1203642 du 7 août 2012 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B...dirigées contre les décisions du

31 mai 2012 portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à

M.B....

Une copie sera transmise au préfet du Haut-Rhin.

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N° 12NC01512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01512
Date de la décision : 02/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-05-02;12nc01512 ?
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