Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2012, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Bertin ;
M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101354-1101355-1101356-1101357 en date du
15 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Jura en date du 11 août 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Jura, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Bertin en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé sous le visa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les éléments factuels mentionnés sous les visas des articles L. 313-10 et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été repris ;
- il repose sur des faits erronés, dès lors que le préfet n'a pas mentionné qu'il a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour pour la période du 4 mai au 3 août 2010 ;
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée, dès lors que, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a exclusivement invoqué son entrée irrégulière ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que toute sa famille est présente sur le territoire français et qu'elle est pleinement intégrée tant sur le plan matériel que social ;
- il est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le droit au séjour avec autorisation de travail lui a été ouvert à compter du 4 mai 2010 ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'introduction de sa demande d'asile étant principalement motivée par les origines mixtes de son épouse ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2012, présenté par le préfet du Jura, qui conclut au rejet de la requête de M.B... ;
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 7 février 2012, admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2013 :
- le rapport de Mme Herbelin, président de chambre ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
. En ce qui concerne la décision portant refus de séjour et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article
L. 311-7 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant le renouvellement de la carte portant la mention "salarié", une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail, qui s'est substitué à l'article L. 341-2 de ce code : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " ; qu'enfin, aux termes de l'arrêté susvisé du 18 janvier 2008 : " La situation de l'emploi ou l'absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché du travail n 'est pas opposable à une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse souhaitant exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste annexée au présent arrêté " ;
2. Considérant qu'au regard de l'obligation de motiver les refus d'autorisation, imposée par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, le préfet doit, s'il estime devoir rejeter une demande de carte de séjour temporaire présentée sur le fondement de l 'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, faire connaître les motifs pour lesquels cette demande est rejetée, en indiquant les faits de l'espèce qu'il retient ou écarte ;
3. Considérant qu'en se bornant à indiquer que M.B..., qui avait mentionné qu'il avait bénéficié d'autorisations provisoires de travail régulièrement renouvelées par les services de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Jura et qui avait présenté une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier professionnel pour une durée indéterminée, ne satisfaisait pas aux conditions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il ne pouvait valablement invoquer des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour à titre humanitaire, le préfet du Jura n'a pas satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, M. B...est fondé à demander l'annulation de la décision de refus de séjour ; que cette annulation entraîne, par voie de conséquence, celle de la décision faisant obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Jura de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a, en l'espèce, pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Me Bertin, avocat de M.B..., qui a déclaré renoncer au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés qu'elle aurait réclamés à son client si celui-ci n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1101354-1101355-1101356-1101357 du 15 décembre 2011 du Tribunal administratif de Besançon est annulé en tant qu'il a rejeté la requête de
M. A...B....
Article 2 : L'arrêté du 11 août 2011 par lequel le préfet du Jura a refusé de délivrer à M. B...un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Jura de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Bertin la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Jura.
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N° 12NC00475