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28/03/2013 | FRANCE | N°11NC01993

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 28 mars 2013, 11NC01993


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2011 au greffe de la Cour sous le n° 11NC01993, complétée par mémoires de production enregistrés les 21 mai et 30 juillet 2012, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me B..., avocate ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101065 du 17 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 juin 2011 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation

de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annul...

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2011 au greffe de la Cour sous le n° 11NC01993, complétée par mémoires de production enregistrés les 21 mai et 30 juillet 2012, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me B..., avocate ;

M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101065 du 17 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 juin 2011 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs en date du 30 juin 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale", ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours suivant la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- 1'arrêté méconnaît les dispositions de 1'article L. 313-11 7° du code de 1'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie privée et familiale ; depuis septembre 2006, il a noué une relation amoureuse avec une française qu'il a épousée en décembre 2009 ; leur vie commune n'a été interrompue qu'en exécution de décisions indépendantes de sa volonté ; l'état de santé dégradé de son épouse impose sa présence à ses côtés ; il dispose d'une promesse d'embauche ;

- il ne présente pas de menace pour l'ordre public ; il dispose d'un casier judiciaire vierge en France comme en Italie ; il n'a fait l'objet que d'une unique condamnation en 2000 en Allemagne pour des faits de vols prescrits ; les mains courantes mentionnées dans l'arrêté litigieux n'ont pas été suivies de poursuites ;

Sur 1'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet du Doubs a commis une erreur de droit ; il a méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en motivant son arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français par la menace à l'ordre public que constituerait M. C...; la neutralisation de motif opérée par le Tribunal est purement subjective ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision méconnaît les stipulations de 1'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est menacé en cas de retour dans son pays d'origine et notamment à Mitrovica où la maison familiale a été détruite en 1998 par des milices paramilitaires serbes ; il a été agressé au Kosovo en juin 2007 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2012, présenté par le préfet du Doubs, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- dépourvu d'un visa de long séjour, M. C...ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne s'applique qu'à titre subsidiaire, et les stipulations de 1'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa présence en France n'est pas justifiée par l'état de santé de son épouse ; il ne bénéficiait d'aucune intégration professionnelle véritable ; il ne soutient pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ;

- en raison de ses condamnations antérieures en Allemagne et en Italie, M. C... présentait une menace à 1'ordre public ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- les premiers juges ont, à juste titre, considéré que son refus de délivrance d'un titre de séjour à M. C...n'était pas principalement motivé par la menace à l'ordre public que ce dernier constituait ;

Sur la fixation du pays de destination :

- appartenant à la communauté albanaise majoritaire au Kosovo, il ne démontre être menacé en cas de retour dans son pays d'origine ; il pouvait tenir compte de la décision rendue par l'OFPRA le 19 mai 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2013 :

- le rapport de M. Vincent, président de chambre ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré du droit au respect de la vie privée et familiale et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "l. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale "est délivrée de plein droit: (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

2. Considérant que M.C..., de nationalité kosovare, est entré en France en août 2006 et y a sollicité l'asile ; que l'intéressé, qui avait auparavant demandé l'asile en Italie, a été remis aux autorités italiennes, qui lui ont refusé le droit au séjour ; qu'ayant noué une relation avec une ressortissante française, MmeD..., dès son premier séjour, M. C... est revenu en France et y a déposé une seconde demande d'asile, rejetée par décision de l'Ofpra en date du 19 mai 2008, l'intéressé étant en conséquence éloigné en août 2008 vers son pays d'origine ; que, toutefois, M. C...est à nouveau entré en France en octobre 2008 et y a sollicité son admission au séjour pour raison médicale ; que l'intéressé a épousé Mme D...le 12 décembre 2009, après divorce de celle-ci et après que le procureur de la République a diligenté une enquête, laquelle a établi la sincérité du mariage ; que M.C..., lequel avait fait dans l'intervalle l'objet d'un nouveau refus de séjour suivi d'une mesure d'éloignement en date du 21 novembre 2009, a alors quitté volontairement la France le 9 janvier 2010 pour solliciter auprès du consulat de France en Macédoine la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de Français ; que le consulat de France lui a opposé un refus le 10 février 2010 motif pris de condamnations pénales en Allemagne et en Italie, où il avait séjourné antérieurement ; que, revenu en France en juin 2010, M. C...s'est vu à nouveau notifier un arrêté de reconduite à la frontière et a été assigné à résidence au domicile de son épouse ; que cet arrêté a été annulé le 21 févier 2011 par le Tribunal administratif de Lyon, lequel a enjoint au préfet de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour en France ; que, par l'arrêt attaqué du 30 juin 2011, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Kosovo comme pays de destination ; que la décision de refus de séjour est motivée par l'absence de visa de long séjour nécessaire à l'obtention d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français et par la menace à l'ordre public que constitue l'existence d'un " passé pénal " en Allemagne et en Italie et deux déclarations de main courante déposées en France à son encontre ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a noué une relation avec Mme D...dès le 26 septembre 2006 ; que cette relation n'a été interrompue que par l'effet de l'exécution des décisions d'éloignement susrappelées, dont l'appelant a fait l'objet en 2007 et 2008, ainsi que par sa vaine tentative début 2010 d'obtenir un visa de long séjour auprès du consulat de France local, périodes pendant lesquelles Mme D...l'a régulièrement soutenu financièrement ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, celle-ci présentait une affection pulmonaire grave ayant entraîné sa mise en congé de longue maladie, affection nécessitant l'aide constante du requérant et son soutien moral ; que, par jugement du 2 juillet 2012 devenu définitif, le Tribunal administratif de Nantes a par ailleurs annulé la décision de la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer au requérant un visa de long séjour, au motif qu'il n'était pas établi qu'il a été condamné pénalement en Italie en 2007 pour des faits de vol aggravé ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que l'interdiction de séjour en Allemagne de M. C...a été levée par les autorité allemandes en raison de l'ancienneté des faits ayant entraîné sa condamnation pénale lors de son séjour dans ce pays en l'an 2000, alors qu'il était âgé de 21 ans ; qu'enfin, l'un des auteurs des déclarations de main courante s'est rétracté de ses accusations portés contre lui et aucune d'entre elles n'a donné lieu à poursuites ; qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à faire valoir qu'il ne présente pas une menace pour l'ordre public et que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 juin 2011 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que les motifs de l'annulation de la décision de refus de séjour par le présent arrêt impliquent nécessairement, en l'absence par ailleurs de toute invocation par les parties d'une modification de la situation familiale de M.C..., qu'un titre de séjour " vie privée et familiale " lui soit délivré ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer un titre de séjour à M. C... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il ya a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à M. C...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 17 novembre 2011 est annulé ainsi que l'arrêté du préfet du Doubs du 30 juin 2011.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à M. C...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs et au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Besançon.

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11NC01993


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit au respect de la vie privée et familiale (art - 8) - Violation - Séjour des étrangers.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 28/03/2013
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11NC01993
Numéro NOR : CETATEXT000027263691 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-03-28;11nc01993 ?
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