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31/01/2013 | FRANCE | N°12NC00287

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2013, 12NC00287


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 février 2012, complétée par un mémoire enregistré le 29 novembre 2012, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Inter Auto, dont le siège est 95 route nationale à Morsbach (57600), par Me Veyssade, avocat au barreau de Paris ;

La société Inter Auto demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805032 en date du 19 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a ét

é réclamé pour la période du 1er janvier 2002 au 30 juin 2004 par avis de mise en reco...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 février 2012, complétée par un mémoire enregistré le 29 novembre 2012, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Inter Auto, dont le siège est 95 route nationale à Morsbach (57600), par Me Veyssade, avocat au barreau de Paris ;

La société Inter Auto demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805032 en date du 19 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2002 au 30 juin 2004 par avis de mise en recouvrement du 23 août 2007, ainsi que des pénalités dont a été assorti, d'autre part, de l'amende de 50 % prévue par l'article 1737 du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat à une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que pour les opérations ayant donné lieu à rappels, elle démontre qu'étaient réunies les conditions justifiant les exonérations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait appliquées à ces livraisons intracommunautaires ;

- qu'en effet, M. Cifalino, qui exploitait le garage Imola situé au Luxembourg, avait un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée régulier, valide jusqu'au 30 novembre 2002, et enlevait les véhicules par ses propres moyens ; qu'il exerçait une activité effective sans que ses carences en matière de déclarations aient été connues de ses partenaires, alors qu'Inter Auto avait régulièrement souscrit les déclarations d'échanges de biens (DEB) et les déclarations auxquelles elle était assujettie ; que la réalité du transfert physique du véhicule est attestée par son immatriculation ultérieure en Italie où il a été commercialisé par le garage Imola sans que les discordances de flux invoquées par l'administration constituent, dès lors, un motif de remise en cause de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; que le libellé du chèque, qui mentionne la société Inter Auto, provient d'une erreur du client qui était habituellement en relations avec cette dernière société, qui intervient régulièrement au niveau du groupe ; que l'absence de lettres de voiture (CMR) s'explique par le fait que le véhicule a quitté la France par la route, par convoyage assuré par le client ;

- que l'entreprise Boomprix située en Belgique, disposait d'un numéro intracommunautaire valide et avait une activité réelle au cours de la période en litige ; que ses manquements à ses obligations fiscales ou déclaratives sont sans incidence dès lors que la société Inter Auto ne disposait d'aucune information à ce sujet ; que la société Inter Auto démontre la réalité du transfert des véhicules en Italie, attestée par le CMR émargés par le transporteur ; qu'il s'agissait d'une opération triangulaire entre assujettis identifiés ;

- que selon l'administration, le numéro intracommunautaire de l'entreprise Top Mobile située en Grande Bretagne n'aurait été invalidé qu'en février 2003, soit postérieurement aux ventes ayant donné lieu à rappels ; que cette société avait une activité réelle, notamment dans l'Est de la France, disposait d'un bureau à Paris, enlevait les véhicules et les faisaient livrer à ses clients ; que la réalité des opérations est démontrée malgré les imperfections de quelques CMR, le fait que les paiements provenaient d'un compte bancaire ouvert en France par Top Mobile et que Top Mobile aurait manqué à ses obligations fiscales au Royaume-Uni ; que les certificats d'immatriculation en Italie de tous ces véhicules ont été produits ; que d'autres redevables n'ont pas fait l'objet de rappels pour des opérations menées de la même façon avec l'entreprise Top Mobile ;

- que l'entreprise Automercato située en Italie disposait d'un numéro intracommunautaire valide et avait une activité réelle ; que le transfert des véhicules en Italie n'est pas contestable quelles que soient les imperfections des CMR et notamment de leurs mentions qui n'ont jamais présenté M. Carmisciano comme l'acquéreur et alors qu'aucune des discordances de flux invoquées par l'administration n'existe ; qu'il est démontré que M. Carmisciano avait reçu mandat de réceptionner les véhicules ; qu'aucune pièce du dossier ne permet d'affirmer, comme le soutient l'administration qui a commis une erreur sur les exigences de la règlementation bancaire italienne sur la forme des chèques ; que les règlements ont été effectués par des particuliers non assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- que l'entreprise Stil Auto située en Belgique avait un numéro intracommunautaire valide, que la société Inter Auto en avait recueilli les éléments d'identification et n'avait pas accès aux informations relatives aux manquements à ses obligations fiscales commis par l'entreprise Stil Auto ; que la réalité des transferts physiques est attestée par les CMR ainsi que l'a admis le vérificateur ;

- que l'entreprise Euro Interface située au Luxembourg et représentée par M. Argentino était en situation régulière ; que les opérations et les transferts ont été régulièrement réalisés dans le cadre d'une opération triangulaire et qu'aucune anomalie ne ressort de l'analyse des flux ;

- que l'entreprise Car Auto di Bella Maria située en Allemagne disposait d'un numéro intracommunautaire valide, était a priori en situation régulière et a fourni une attestation suffisamment précise relative aux véhicules en litige ; que la société Inter Auto a pu obtenir la copie de cinq factures de revente des véhicules établie par Mme Di Bella ; qu'il est démontré que l'entreprise Car Auto di Bella Maria a acquis les véhicules en cause, alors même que son activité a été de courte durée et qu'elle aurait manqué à ses obligations fiscales, ce qui n'était pas connu de la société Inter Auto ;

- que l'amende de 50 % instaurée par l'article 1737 du code général des impôts n'était justifiée pour aucune des opérations conclues avec les différentes entreprises situées à l'étranger, dès lors que la société n'avait pas dissimulé ou travesti l'identité de ses clients ou procédé à des opérations fictives ; qu'il en est ainsi, en particulier, pour les opérations avec le garage Imola au Luxembourg ; que le fait que la société Inter Auto ait manqué de vigilance pour la vérification de la validité du numéro intracommunautaire de l'entreprise Select Car ne permet pas de douter de sa bonne foi ; qu'elle conteste les pénalités appliquées aux ventes de 2 véhicules d'un montant de 13 414 euros faites en mars 2003 à l'entreprise ALFRA SPRL, bien qu'elle ne conteste pas les rappels correspondants de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que les difficultés de retrouver des justifications ne saurait caractériser une volonté délibérée d'éluder l'impôt, ni a fortiori d'avoir cherché à égarer l'administration dès lors qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que l'acquéreur ne serait pas ALFRA SPRL dont les carences déclaratives ne sont apparues qu'à partir de 2003 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 août 2012, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la société indique expressément ne pas contester une partie des rappels en principal d'un montant non contesté de 2 198 euros au titre de l'année 2003 concernant le client ALFRA SPRL ;

- que pour de nombreuses opérations, la société n'a pas produit les lettres CMR et que les CMR existant ne sont pas signés par la personne qui réceptionne les véhicules, les bons de commandes n'étant pas signés par le client ;

- que selon les réponses des autorités fiscales allemandes, belges, luxembourgeoises, italiennes et britanniques aux demandes d'assistance administrative internationale, les véhicules ne se trouvaient pas dans leurs pays et les destinataires mentionnés sur les factures n'existaient pas, étaient fiscalement défaillants, étaient introuvables ou dans l'incapacité matérielle de recevoir les véhicules ; que c'est le cas des clients Car Auto di Bella Maria, garage Imola, SPRL ALFRA, SCRL BOOMPRIX, AUTOMERCATO et Top Mobile Ltd ;

- que les transactions ont été effectuées par l'intermédiaire d'un tiers, M. Carmisciano, domicilié en Moselle et indiquent comme destination son garage situé en Italie ;

- que la proposition de rectification est régulièrement motivée et que la valeur de sa motivation ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs ;

- que pour qu'une livraison intra-communautaire soit exonérée en application de l'article 262 ter du code général des impôts, il faut que le bien soit expédié vers un autre Etat membre mais aussi que les acquisitions soient taxées dans l'autre Etat membre ;

- qu'en ce qui concerne les ventes avec le garage Imola, la société Inter Auto n'a pas produit la CMR relative à la vente de 2002 et le service a constaté une discordance entreprise entre le flux facturé et déclaré sur la déclaration d'échanges de biens et l'origine du paiement en provenance d'Italie ; que quand bien même la réalité du transfert en Italie serait démontrée, rien n'établit la réalité du transport à destination du client luxembourgeois ; que le garage Imola ne figure pas sur la liste des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée luxembourgeoise et que ses dernières déclarations remontent à l'année 2000 ; que, dès lors, est sans influence la circonstance qu'il n'a été radié de la liste des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée luxembourgeoise que le 30 novembre 2002 ;

- que le service a constaté une discordance entre le flux facturé et le flux physique des biens vendus à la SCRL Boomprix ; que cette société a été radiée de la liste des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée le 1er avril 2004 et n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2001 à 2004, ni déclaré d'acquisitions intracommunautaires ;

- que le service a également constaté une discordance des flux dans les opérations effectuées avec la société Top Mobile ; que les paiements ont été effectués à partir d'un compte ouvert en France par Top Mobile, ce qui aurait dû alerter la société Inter Auto et la conduire à vérifier que son client présentait les conditions requises pour ouvrir droit à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; que la société Top Mobile n'a déclaré aucune acquisition intracommunautaire au Royaume Uni ;

- que les factures à l'entreprise Auto Mercato n'étaient pas accompagnées de CMR ou comportaient des discordances avec les flux physiques des véhicules ; que les autorités italiennes ont déclaré que l'entreprise Auto Mercato était une société taxi qui avait pour finalité une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que les CMR mentionnent M. Carmisciano et non l'entreprise Auto Mercato, ce qui interdit d'établir une corrélation entre les factures et les documents ; que les règlements ont été effectués par des particuliers non assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- que pour l'entreprise Stil Auto existe également une discordance entre les flux facturés et les flux physiques ; que la société ne prouve pas que les véhicules ont été réceptionnés pour le compte de la société Stil Auto qui invoque en outre une usurpation de numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- qu'en ce qui concerne les ventes à la société Euro Interface, il existe une discordance entre les flux physiques et les flux facturés ; que la CMR fait apparaître M. Carmisciano comme destinataire du bien sans que soit établie l'existence d'un mandat pour réceptionner le bien ; que la société Inter Auto ne peut se prévaloir de l'article 258 A du code général des impôts, dès lors qu'elle n'établit pas que les ventes ont été faites au profit de personnes remplissant les conditions d'application de cet article ;

- que les CMR relatives aux ventes effectuées à la société Car Auto di Bella Maria n'attestent pas la réalité de la livraison intra-communautaire ni que les véhicules ont été réceptionnés pour le compte de cette société ;

- que l'amende de l'article 1737 du code général des impôts est justifiée dès lors que la société Inter Auto a sciemment dissimulé l'identité et l'adresse de ses clients réels sur les factures de vente et que la société ne connaissait pas les clients mentionnés sur ses factures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Inter Auto, qui a pour activité le négoce de véhicules d'occasion, a, durant la période en litige, facturé, le plus souvent à des entreprises sises en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et en Grande Bretagne, des véhicules que ces dernières revendaient à des garages italiens, alors que la société Inter Auto, dans le cadre d'opérations dites triangulaires, expédiait ces véhicules directement en Italie depuis ses dépôts situés en France ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Inter Auto au titre de la période du 1er janvier 2002 au 30 juin 2004, l'administration a remis en cause le régime d'exonération prévu pour les livraisons intra-communautaires dont la société avait initialement bénéficié, au motif qu'il n'était pas effectivement justifié que certains des véhicules vendus avaient été réellement expédiés aux entreprises mentionnées sur les factures ou dans les pays dans lesquels ces entreprises avaient leur siège ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 28 quater de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " A. Exonération des livraisons de biens. / Sans préjudice d'autres dispositions communautaires et dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les Etats membres exonèrent : / a) les livraisons de biens, au sens de l'article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l'acquéreur ou pour leur compte en dehors du territoire visé à l'article 3 mais à l'intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un Etat membre autre que celui du départ de l'expédition ou du transport des biens. " ; qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions : " I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) " ; que si, pour l'application de ces dispositions, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataires présumés des personnes dépourvues d'activité réelle ; que, toutefois, le droit à exonération de cet assujetti ne peut alors être remis en cause que s'il est établi, au vu des éléments dont il avait connaissance, qu'il savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu'il effectuait le conduisait à participer à une fraude fiscale ;

En ce qui concerne l'établissement de la présomption de livraisons intra-communautaires :

S'agissant des numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des propositions de rectification, que la société Inter Auto vérifiait dès le début de ses relations commerciales avec chacun de ses clients, leur numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle conservait et joignait à sa comptabilité les documents relatifs à ce numéro ainsi d'ailleurs que des photocopies des documents d'identité des dirigeants des sociétés avec lesquelles elle traitait ; qu'ainsi, elle disposait des numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée des acquéreurs, sans que lui soit opposable la circonstance que les numéros de certains clients avaient été invalidés au cours de la période en litige, dès lors qu'il ne résulte pas des éléments joints au dossier que la société Inter Auto aurait pu en avoir connaissance ;

S'agissant de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que pour la facture adressée au garage Immola, la société Inter Auto ne disposait pas des lettres de voiture dites " CMR " ni d'aucun autre document de nature à démontrer que le véhicule avait été transporté dans un autre Etat membre, en l'espèce en Italie ; que si la société fait valoir que ce véhicule a quitté ses entrepôts dans le cadre d'un convoyage, elle n'apporte aucun élément de démonstration à l'appui de ses allégations ; que, de même, la circonstance que le véhicule a été immatriculé en Italie ne suffit pas, à elle seule, à justifier qu'il a été expédié dans ce pays ; qu'ainsi, la société Inter Auto ne peut être regardée, pour cette vente, comme présumée avoir effectué une livraison intra-communautaire exonérée de taxe sur la valeur ajoutée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des annexes aux propositions de rectification, et qu'il n'est pas contesté par l'administration, que pour les autres affaires en litige, la société Inter Auto disposait des lettres CMR attestant du transfert des véhicules dans un autre Etat membre, en l'espèce en Italie ; que s'agissant le plus souvent d'opérations triangulaires dans lesquelles les véhicules étaient vendus et facturés à des clients situés en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et en Grande Bretagne, tout en étant expédiés directement en Italie, et alors que rien n'indique que les véhicules seraient restés en France où ils auraient été vendus, la circonstance invoquée par l'administration que ces biens n'étaient pas expédiés à l'adresse et au nom du client mentionné sur les factures et que les lettres CMR ne comportaient pas le nom de ce client mais les noms de garages italiens ou de personnes chargées d'organiser le transport des véhicules vers l'Italie, n'est pas à elle seule de nature à faire regarder ces lettres comme ne correspondant pas à un transport effectif vers un autre Etat membre et comme ne constituant pas des pièces justifiant l'expédition des véhicules à l'étranger par le vendeur, par l'acquéreur ou pour leur compte ; que dans ces conditions, la société Inter Auto doit être présumée avoir effectué dans ces cas des livraisons intra-communautaires susceptibles d'être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que doivent être présumées correspondre à des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elles étaient accompagnées de lettres CMR, toutes les factures en litige adressées à la société Boomprix, au garage Automercato, à la société Top Mobile, à la société Stil Auto, à la société Car Auto di Bella Maria, ainsi que la facture adressée à la société Euro Interface ;

En ce qui concerne la remise en cause de la présomption :

7. Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les opérations effectuées avec les sociétés Stil auto et Car Auto di Bella Maria, l'administration se borne à soutenir en appel que les noms des destinataires mentionnés sur les factures de la société Inter Auto et sur les lettres CMR correspondantes étaient différents, sans faire valoir aucune circonstance autre que la réalisation d'opérations triangulaires, cette dernière n'étant pas à elle seule de nature à faire douter de la réalité des ventes réalisées par la société Inter Auto ; qu'ainsi, l'administration n'établit pas que les opérations n'ont pas eu lieu et que les clients concernés de la société Inter Auto étaient dépourvus d'activité réelle ; que la circonstance invoquée par l'administration en appel que la société Euro Interface a déclaré aux autorités de son pays n'avoir pas acheté de marchandises à la société Inter Auto n'est pas davantage à elle seule de nature à établir l'absence de réalisation de ces opérations ;

8. Considérant, en second lieu, que s'il résulte des réponses obtenues par l'administration dans le cadre de l'assistance internationale que le numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de la société Boomprix a été invalidé au cours de la période en litige, il ne résulte d'aucun élément du dossier que ces circonstances étaient connues de la société Inter Auto qui avait pris la précaution de vérifier les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de tous ses clients et l'état civil de leurs dirigeants au début de leurs relations commerciales, ni que compte tenu des éléments dont elle avait connaissance, la société Inter Auto aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires que les livraisons intracommunautaires qu'elle effectuait pouvaient la conduire à participer à une fraude fiscale ; que, de même, si les autorités italiennes ont informé le service que le garage Automercato participait à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et si les autorités britanniques ont indiqué à l'administration fiscale que la société Top Mobile n'avait pas déclaré d'acquisitions intracommunautaires, qu'elle avait été créée pour tirer profit d'une législation favorable en Grande Bretagne et qu'elle revendait les voitures qu'elle achetait auprès de loueurs européens en appliquant la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances étaient connues de la société Inter Auto ; que le fait que l'entreprise Top Mobile payait les véhicules qu'elle achetait à la société Inter Auto à partir d'un compte bancaire qu'elle possédait en France, n'était pas de nature à alerter la société requérante, dès lors qu'elle n'ignorait pas que le dirigeant de la société Top Mobile disposait d'un bureau à Paris ; qu'ainsi, pour ces opérations, la société Inter Auto doit être regardée comme ayant effectué des livraisons intra-communautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 262 ter du code général des impôts ;

Sur l'amende instaurée par l'article 1737 du code général des impôts :

9. Considérant qu'en vertu de l'article 1740 ter du code général des impôts auquel a succédé l'article 1737, le fait pour une personne de travestir ou de dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant des sommes versées ou perçues ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit ci-dessus et notamment de ce que les factures litigieuses étaient établies dans le cadre d'opérations triangulaires, qu'il n'est pas établi que la société Inter Auto aurait sciemment dissimulé ou travesti l'identité de ses clients ou accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; que c'est, dès lors, à tort que l'administration a soumis tous les rappels contestés à l'amende prévue par les dispositions susmentionnées du code général des impôts ; que, de même et alors que les rappels ne sont pas contestés, l'administration ne démontre pas, pour les deux factures adressées à la société ALFRA SPRL, que la société aurait dissimulé ou travesti l'identité de clients ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Inter Auto est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions dirigées contre les rappels relatifs à la totalité des factures adressées à la société Boomprix, au garage Automercato, à la société Top Mobile, à la société Stil Auto, à la société Car Auto di Bella Maria et à la société Euro Interface ; qu'elle est également fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions en décharge de l'amende prévue par l'article 1740 ter devenu 1737 du code général des impôts ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il ya lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société Inter Auto une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La société Inter Auto est déchargée en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2002 au 30 juin 2004 au titre des factures désignées au paragraphe 11 des motifs du présent arrêt, ainsi que de la totalité de l'amende prévue par l'article 1740 ter devenu 1737 du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 décembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la société Inter Auto une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Inter Auto est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Inter Auto et au ministre de l'économie et des finances.

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12NC00287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00287
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : DESMOINEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-01-31;12nc00287 ?
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