Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Jeannot, avocat ;
Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102251 du 7 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête formée contre l'arrêté pris par le préfet de Meurthe-et-Moselle, le 28 juillet 2011, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant l'instruction de son dossier et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 794 euros à verser à Me Jeannot en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75-I et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
Sur la décision refusant un titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- elle viole l'article L. 313-11 alinéa 7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle est elle-même entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle doit être annulée en conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour et de la mesure d'obligation de quitter le territoire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'un défaut de base légale, en tant qu'elle la renvoie vers un pays dont elle n'a pas la nationalité ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2012, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle qui conclut au rejet de la requête ;
Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient en outre que :
- la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée et a pris en compte la situation de l'intéressée ; la requérante ne démontre pas qu'elle ne pourrait être admise dans le pays d'origine de son conjoint ; la décision mentionne que l'intéressée sera renvoyée vers tout pays où elle serait légalement admissible ; l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 novembre 2012, présenté pour MmeB..., qui conclut aux mêmes fins que sa requête ; elle soutient en outre que :
- lorsqu'elle a présenté sa demande d'asile, elle n'a pas reçu d'informations dans une langue qu'elle comprend, contrairement aux prescriptions de l'article 10 § 1 a de la directive " retour " ;
- la décision de refus de séjour est affectée d'un défaut de motivation en droit, dès lors qu'elle ne vise pas les articles L. 313-13 et L. 314-11-8 du l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2012, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du bureau de l'aide juridictionnelle du 15 mars 2012, admettant la requérante au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Herbelin, président-rapporteur,
- et les observations de Me Jeannot pour MmeB... ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de délivrance de titre de séjour :
1. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, qui vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et mentionne les éléments de fait concernant la situation de Mme B..., comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée ; que, dès lors que la requérante ne rentrait pas dans le champ d'application des articles L. 313-13 et L. 314-11-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de motiver sa décision par référence à ces dispositions ;
2. Considérant, en second lieu, que MmeB..., dont la demande d'asile a été examinée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, ne saurait en conséquence sérieusement soutenir, à l'encontre de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, qu'elle n'a pas reçu, dans le cadre de l'examen de cette demande, les informations concernant les garanties procédurales dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'elle la comprend, conformément aux dispositions de l'article 10 de la directive n° 2005/85 du 1er décembre 2005 ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que les garanties fondamentales accordées au demandeur d'asile auraient été méconnues ;
3. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante, entrée irrégulièrement en France en 2009 et âgée de 46 ans à la date de la décision en litige, a vécu la majeure partie de sa vie en Russie, pays dans lesquels elle n'établit pas être dépourvue d'attaches ; que son conjoint fait également l'objet d'un refus de titre de séjour avec obligation de quitter le territoire français et que leurs enfants, d'ailleurs majeurs, résident en Russie ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions précaires du séjour de l'intéressée, le moyen tiré de ce que la décision attaquée porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que la décision d'obligation de quitter le territoire n'est pas illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
5. Considérant, en second lieu, que le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la délivrance d'un titre de séjour a été refusée à l'intéressée par décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 28 juillet 2011 ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant à l'autorité administrative d'obliger un étranger à quitter le territoire français ; qu'en conséquence, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle serait dépourvue de base légale et insuffisamment motivée en droit doit être écarté ;
6. Considérant, enfin, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment énoncés, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination, par exception d'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la décision comporte l'indication des éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué prévoit dans son article 4 que Mme B..." pourra être reconduite d'office à la frontière à destination du pays dont elle dit avoir la nationalité ou de tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible " ; que si Mme B...soutient ne pas être de nationalité azérie, elle ne démontre pas qu'elle ne serait pas admissible en Arménie dont son conjoint est originaire, ou dans tout autre pays dans lequel le couple établirait être légalement admissible ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants " ; que la demande d'asile présentée par Mme B...a été rejetée le 31 mars 2010 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 1er juillet 2011 par la cour nationale du droit d'asile, qui ont souligné que ses déclarations ne permettaient pas d'établir qu'elle aurait résidé en Azerbaïdjan ; que la requérante n'apporte pas d'éléments probants à l'appui des craintes de persécutions invoquées ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2011 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'il s'ensuit que les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente d'un nouvel examen de sa situation ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
13. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2012, à laquelle siégeaient :
Mme Herbelin, président de chambre,
Mme Bonifacj, président,
M. Favret, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2012.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : J. BONIFACJ
Le président-rapporteur,
Signé : J. HERBELIN
Le greffier,
Signé : C. COLSON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
C. COLSON
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12NC00692