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20/12/2012 | FRANCE | N°11NC01840

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2012, 11NC01840


Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2011 sous le n° 11NC01840, complétée par un mémoire enregistré le 9 novembre 2012, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Quercus, avocat et conseil ; Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702643 du 20 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Charleville-Mézières à l'indemniser du préjudice économique qu'elle a subi à la suite du décès de son mari, le 3 août 20

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2°) de réserver le chiffrage de ce préjudice dans l'attente des conclus...

Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2011 sous le n° 11NC01840, complétée par un mémoire enregistré le 9 novembre 2012, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Quercus, avocat et conseil ; Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702643 du 20 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Charleville-Mézières à l'indemniser du préjudice économique qu'elle a subi à la suite du décès de son mari, le 3 août 2006 ;

2°) de réserver le chiffrage de ce préjudice dans l'attente des conclusions de l'expertise comptable diligentée par sa compagnie d'assurance pour évaluer l'étendue des pertes financières résultant de la vente du fonds de commerce ;

3°) à défaut, de lui allouer, à titre principal, une somme de 564 392,96 euros destinés à réparer les préjudices qu'elle a subis, correspondant à la perte patrimoniale (165 590 euros), aux frais funéraires (2 156,39 euros), à la perte des revenus du couple (380 646,57 euros) et à la réparation de son préjudice moral (16 000 euros) et, à titre subsidiaire, de lui allouer une somme globale de 237 446,39 euros correspondant à la perte de revenus actuels et futurs ( 53 700 euros), à la perte patrimoniale (165 590 euros), aux frais funéraires (2 156,39 euros) et à la réparation de son préjudice moral (16 000 euros) ;

4°) d'assortir les sommes allouées des intérêts au taux légal et d'ordonner la capitalisation de ces intérêts ;

5°) de mettre à la charge de l'établissement hospitalier la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas fait une exacte appréciation des pièces et de sa situation personnelle en estimant qu'elle n'apportait pas d'éléments justifiant l'existence d'un préjudice résultant d'une perte de revenus imputable à la faute du centre hospitalier de Charleville-Mézières ;

- elle supporte un préjudice économique manifeste et une perte très importante de ses revenus, dès lors que le revenu annuel moyen de 82 521,50 euros a chuté à 24 351 euros par an après le décès de son mari ;

- elle a été contrainte de céder le fonds de commerce et a enregistré une perte patrimoniale de 165 590 euros ;

- elle estime à 53 700 euros sa perte de revenus actuels et futurs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 11 A...et 21 novembre 2012, présentés pour le centre hospitalier de Charleville-Mézières par Me Le Prado, avocat ; le centre hospitalier de Charleville-Mézières conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requérante ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice économique consécutif au décès de son mari ;

Vu l'ordonnance du 4 octobre 2012 par laquelle le président de la 3ème chambre de la Cour a fixé la date de la clôture d'instruction de la présente affaire au 9 novembre 2012 à 16 heures ;

Vu l'ordonnance de réouverture d'instruction du 14 novembre 2012 prise par le président de la 3ème chambre de la Cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral et des frais d'obsèques :

1. Considérant que, par un jugement n° 0702643 du 12 mai 2011, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déclaré le centre hospitalier de Charleville-Mézières responsable du décès de M. A...à la suite d'une faute médicale, et a fixé à 80 % la perte de chance de survie de M.A... ; que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier de Charleville-Mézières à verser à Mme A...une indemnité d'un montant global de 18 156,39 euros en réparation de son préjudice moral et des frais d'obsèques exposés ; que ce jugement, qui n'a pas été frappé d'appel, est devenu définitif ; que, dès lors, les conclusions de Mme A...tendant à obtenir la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser au titre de ces mêmes préjudices ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice économique :

2. Considérant que, par le jugement n° 0702643 du 12 mai 2011, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a également invité MmeA..., avant de se prononcer sur le surplus des conclusions de sa demande tendant notamment à obtenir réparation du préjudice économique résultant du décès de son mari, à produire, au plus tard le 1er juin 2011, tous justificatifs utiles et notamment ceux attestant des revenus du foyer dans les douze mois précédant le décès de M.A..., ainsi que ceux relatifs aux produits de toute nature perçus par la requérante dans les douze mois suivant le décès de son mari, le 3 août 2006 ; que, par le jugement attaqué du 20 septembre 2011, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions de MmeA..., faute pour la requérante de lui avoir apporté les éléments utiles relatifs au devenir de l'exploitation commerciale après le décès de son mari ainsi que ceux relatifs à ses droits à une pension de réversion ;

3. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures produites devant la Cour, Mme A...soutient que la vente, le 30 A...2007, du fonds de commerce d'hôtel-restaurant-débit de tabac, dont elle avait repris l'exploitation directe après le décès de son mari, s'est soldée par une moins-value sur le prix de cession d'un montant de 165 590 euros ; que si la requérante demande que le centre hospitalier soit condamné à lui verser un tel montant, destiné à réparer la perte patrimoniale qu'elle aurait supportée, elle ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité du préjudice invoqué ; qu'il résulte, au contraire, des quelques pièces versées au dossier par Mme A...que le fonds de commerce, acheté en 1995 pour un prix de 1 350 000 francs (205 806, 17 euros), a été cédé le 1er octobre 2007 pour un prix de 400 000 euros ; que, dans ces conditions, et au regard de ces seuls éléments dépourvus de caractère probant suffisant, Mme A...ne justifie pas de la réalité de la perte patrimoniale qu'elle invoque ;

4. Mais considérant, toutefois, que le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est également constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu de ses revenus propres et déduction faite, le cas échéant, des prestations reçues en compensation de ce même préjudice matériel ; qu'ainsi, il est constant qu'à la suite du décès de M.A..., qui participait par son travail à l'entretien de son foyer, son épouse a subi un préjudice économique dont elle est fondée à demander réparation ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'estimer à 50 % des revenus annuels de M. A...la part destinée à son épouse ; qu'au vu des avis d'imposition produits, les revenus de M. A...s'élevaient à 66 345 euros ( 61 022 € + 5 323 € ) en 2005 et à 67 802 euros en 2006 ; que, dans ces conditions, eu égard à l'âge de M. A...lors de son décès, au montant de la pension de réversion dont bénéficie la requérante à hauteur de 310,74 euros par mois et au taux de responsabilité de 80 % retenu à ...euros ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

5. Considérant que Mme A...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 24 000 euros à compter du 4 septembre 2007, date de réception de sa demande, ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts au 9 novembre 2012, date de sa première demande de capitalisation, et à chaque échéance annuelle à compter de cette dernière date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Charleville-Mézières le versement à Mme A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0702643 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 septembre 2011 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Charleville-Mézières est condamné à verser à Mme A...une indemnité s'élevant 24 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2007. Les intérêts échus le 9 novembre 2012, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le centre hospitalier de Charleville-Mézières versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...et au centre hospitalier de Charleville-Mézières.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2012, à laquelle siégeaient :

Mme Herbelin, président de chambre,

Mme Fischer-Hirtz, président,

M. Favret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2012.

Le rapporteur,

Signé : C. FISCHER-HIRTZLe président,

Signé : J. HERBELIN

Le greffier,

Signé : C. COLSON

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

C. COLSON

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11NC01840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01840
Date de la décision : 20/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP BREAUD-SAMMUT-CROON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-12-20;11nc01840 ?
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