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06/12/2012 | FRANCE | N°11NC00108

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 06 décembre 2012, 11NC00108


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2011, présentée pour la SARL Salaisons Comtoises, dont le siège est Rue des Murots à Belleherbe (25380), par Me Cadrot, avocat au barreau de Besançon ; la SARL Salaisons Comtoises demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0800093 du 18 novembre 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la

restitution de la taxe en litige, soit 53 869 euros ;

Elle soutient que :

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Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2011, présentée pour la SARL Salaisons Comtoises, dont le siège est Rue des Murots à Belleherbe (25380), par Me Cadrot, avocat au barreau de Besançon ; la SARL Salaisons Comtoises demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0800093 du 18 novembre 2010 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la restitution de la taxe en litige, soit 53 869 euros ;

Elle soutient que :

- la taxe constitue une imposition intérieure discriminatoire prohibée par l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne et une aide étatique prohibée au regard de l'article 87§1 du traité CE;

- la commission européenne, dans sa décision du 14 décembre 2004, a considéré que, s'agissant de la période 1997 à 2002, l'exonération des petites entreprises constituait une aide d'Etat illégale au profit de ces dernières, par suite de quoi la taxe est incompatible avec les règles de la concurrence en vertu du principe d'égalité devant les charges publiques ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

La requête ayant été dispensée d'instruction par le président de la 2ème chambre de la Cour en application des dispositions de l'article R.611-8 du code de justice administrative ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code rural ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;

Vu le code de justice administrative ;

La requérante ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2012 :

- le rapport de M. Commenville, président de chambre,

- les conclusions de M. Féral, rapporteur public,

- et les observations de Me Masson, avocat de la SARL Salaisons Comtoises ;

1 - Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du Traité instituant la Communauté européenne : " Sauf dérogations prévues par le présent Traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " ; qu'aux termes de l'article 88 du même Traité : " 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale " ;

2 - Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du Traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce Traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du Traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

3 - Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

4 - Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

5 - Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : " Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général " ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la SARL Salaisons Comtoises ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent les première et dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du Traité instituant la Communauté européenne ;

6 - Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 25 du traité instituant la Communauté européenne : " Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les Etats membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal " ; qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, doit être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane, non seulement une taxe perçue à l'occasion ou en raison de l'importation et qui, frappant spécifiquement un produit importé à l'exclusion du produit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix de revient, d'avoir sur la libre circulation des marchandises la même incidence restrictive qu'un droit de douane, mais aussi une taxe appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent intégralement la charge grevant ces produits ; qu'aux termes de l'article 90 du même traité : " Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) " ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité, ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;

7 - Considérant en troisième lieu, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les redevables d'une taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'Etat illégale pour se soustraire au paiement de cette taxe ou pour en obtenir la restitution, dès lors qu'aucun lien d'affectation contraignant n'existe entre une taxe et l'exonération de ladite taxe en faveur de certains contribuables ; que, par suite, si la requérante soutient que la commission européenne a considéré, dans sa décision du 14 décembre 2004, que l'exonération du paiement de la taxe sur les achats de viande prévue au bénéfice des entreprises dont le chiffre d'affaires ou le montant d'achats mensuels de viandes n'excède par un certain montant constitue une mesure d'aide au sens du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, cette circonstance n'est pas de nature à affecter l'appréciation de la validité à compter du 1er janvier 2001 de la taxe sur les achats de viande au regard des articles 87 et 88 de ce traité ;

8 - Considérant, enfin, que la taxe sur les achats de viande n'assurant pas dans le cadre d'un lien d'affectation contraignant, à compter du 1er janvier 2001, le financement du service public de l'équarrissage, le moyen tiré de la méconnaissance du principe pollueur-payeur doit, en tout état de cause, être écarté ;

9 - Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL Salaisons Comtoises n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Salaisons Comtoises est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Salaisons Comtoises et au ministre de l'économie et des finances.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00108
Date de la décision : 06/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Autres taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: M. Bernard COMMENVILLE
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : CADROT MASSON PILATI BRAILLARD SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-12-06;11nc00108 ?
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