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22/11/2012 | FRANCE | N°11NC01332

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2012, 11NC01332


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2011 au greffe de la Cour sous le n° 11NC01332, complétée par mémoire enregistré le 22 août 2012, présentée pour M. Mokadem , demeurant ..., par Me Marraud des Grottes, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100677 du 2 août 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 mai 2011 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire fra

nçais et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du p...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2011 au greffe de la Cour sous le n° 11NC01332, complétée par mémoire enregistré le 22 août 2012, présentée pour M. Mokadem , demeurant ..., par Me Marraud des Grottes, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100677 du 2 août 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 mai 2011 par lequel le préfet du Jura a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé l'Algérie comme pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Jura en date du 5 mai 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Jura de lui délivrer une carte de séjour dans un délai de huit jours à compter du prononcé de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me Marraud des Grottes, sous réserve d'une renonciation de sa part à l'indemnisation prévue par l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ; la délégation de signature accordée par le préfet du Jura au secrétaire général de la préfecture est irrégulière puisqu'elle présente un caractère trop général et perpétuel ; elle n'est limitée ni dans son objet, ni dans sa durée ; par ailleurs, M. Wilhelm doit justifier de son grade et de son emploi et de la compatibilité entre cet emploi et la délégation consentie ;

Sur le refus de titre de séjour :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; le préfet du Jura ne dit rien sur son état de santé, sur les conditions dans lesquelles sa pathologie doit être prise en charge, sur les conditions de cette prise en charge en France et en Algérie et sur sa situation personnelle de père d'une enfant française ; le préfet ne se réfère qu'à l'avis délivré par le médecin de l'agence régionale de santé auquel il s'est estimé lié ; il devait avoir sa propre analyse de sa situation médicale ;

- le préfet a omis de saisir la commission du titre de séjour alors que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile l'impose ; l'arrêté est entaché d'un vice de procédure ;

- le préfet ne démontre pas avoir sollicité l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; il ne démontre pas davantage que la commission prévue par l'article L. 313-11 11° a été régulièrement consultée, conformément aux dispositions des articles R. 313-24 et R. 313-26 à R. 313-30 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il souffre de troubles psychiatriques qui imposent un traitement qui ne peut être suivi en Algérie où l'accès aux soins n'est pas garanti en raison d'une part, de leur coût restant à la charge du patient et, d'autre part, des insuffisances du système de santé dans son pays d'origine ; il n'a aucune ressource et sa famille ne peut l'aider ; ne bénéficiant pas d'un travail, il n'aura aucune protection sociale en Algérie ; un titre de séjour aurait dû lui être accordé sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; à titre subsidiaire, un titre de séjour pouvait lui être accordé sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est père d'une enfant française née en 2011 à l'entretien de laquelle il contribue ; le préfet du Jura aurait dû lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est contraire aux dispositions de l'article L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet ne motive pas son arrêté sur ce point ; il est porté atteinte aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à celles de l'article 3-1 de la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant ;

- elle est également contraire aux dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés le 6 septembre 2011 et 19 mars 2012, présentés par le préfet du Jura, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le préfet de département peut déléguer sa signature au secrétaire général de la préfecture " en toute matière " conformément aux dispositions de l'article 43 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ; la délégation dont dispose M. Wilhelm, pour être large, n'est pas générale ; elle n'est valide que tant que l'intéressé exercera ses fonctions de secrétaire général ; elle n'est donc pas perpétuelle ;

- en vertu du secret médical, le préfet ne connaît pas la pathologie dont est atteint M. ; il est en droit de se référer à l'avis délivré par le médecin de l'agence régionale de santé, lequel est motivé ; au surplus, il s'est fondé sur d'autres éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé pour lui refuser un titre de séjour ;

- il n'avait pas à consulter la commission du titre de séjour dès lors que M. n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; au surplus, l'intéressé ne pouvait prétendre être présent en France depuis 10 ans ; par ailleurs, le médecin de l'agence régionale de santé n'est pas obligé de consulter la commission médicale régionale ;

- l'appelant ne démontre pas que sa pathologie s'aggraverait en cas de retour dans son pays d'origine ; il ne prouve pas davantage que l'Algérie ne dispose pas d'un système de santé permettant de le prendre en charge ; la fiche pays sur l'offre de soins en Algérie démontre que les troubles mentaux sont soignés de manière satisfaisante en Algérie ; dans ces conditions, M. n'est fondé à se prévaloir ni des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de celles de l'article L. 511-4 10° du même code ;

- M. ne démontre pas qu'il entre dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'intéressé séjourne en France depuis peu de temps ; il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses parents et sept de ses frères et soeurs ; il ne démontre pas être sans ressources dans son pays d'origine ; s'il est père d'une enfant française puisque de mère française, il ne l'a reconnue que le 13 mai 2011 soit postérieurement à la date de l'arrêté litigieux ; il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français ; il ne contribue pas à l'entretien et l'éducation de l'enfant ; il ne partage pas la vie de son enfant et de la mère puisqu'il séjourne au centre d'hébergement et de réadaptation sociale de Saint-Claude et ne dispose pas de ressources ; il ne peut donc bénéficier des dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son arrêté n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du Tribunal de grande instance de Nancy en date du 29 septembre 2011 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. Mokadem et désignant Me Marraud des Grottes pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 37 ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 et notamment son article 43 ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller ;

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

1. Considérant que par arrêté n° 252 du 4 avril 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture d'avril 2011, le préfet du Jura a donné délégation de signature à M. Jean-Marie Wilhelm " pour toutes matières relevant des compétences et attributions du représentant de l'Etat dans le département ", à l'exception de certaines attributions précisément énumérées à l'article 1er dudit arrêté ; que ni la généralité des termes de cette délégation de signature, qui ne concerne pas l'ensemble des compétences dévolues au préfet, ni la circonstance qu'elle n'est pas limitée dans le temps, ne sont de nature à en affecter la validité ; que, par ailleurs, M. Wilhelm, qui détenait le grade de sous-préfet, était alors secrétaire général de la préfecture du Jura, emploi dans lequel il avait été nommé par décret du 5 octobre 2009 publié au JO n° 0231 du 6 octobre 2009 ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 43 du décret susvisé du 29 avril 2004, eu égard aux fonctions qu'il occupaient, il pouvait légalement recevoir la délégation qui lui a été consentie ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 5 mai 2011 doit être écarté ;

Sur le refus de titre de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code, applicable aux ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé.. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-26 du même code : " " Le médecin de l'agence régionale de santé mentionné au premier alinéa de l'article R. 313-22 (...) peut convoquer devant la commission médicale régionale l'étranger demandant que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire en application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire en application de l'article 12 bis (11°) ou qui invoque les dispositions de l'article 25 (8°) de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : " (...) Le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé " ; que l'article 4 du même arrêté prévoit que : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; /- et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. /. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort ni des mentions de l'arrêté préfectoral contesté ni des pièces du dossier que le préfet du Jura se serait estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 21 avril 2011, avis recueilli conformément aux dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les mentions dudit arrêté, qui expose les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et s'avère ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979, font au contraire ressortir que le préfet de police s'est livré à un examen d'ensemble de la situation personnelle et familiale de M. ; que, notamment, ce dernier ne saurait reprocher au préfet du Jura de ne pas avoir mentionné sa qualité de père d'enfant français, dès lors que l'appelant n'allègue pas en avoir fait état, n'ayant d'ailleurs pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour à ce titre ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au demeurant non applicable à M. , ressortissant algérien, ainsi qu'il est précisé ci-après : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (..) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (..) " ; que M. Barhia n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Jura n'était, en tout état de cause, pas tenu, avant d'adopter l'arrêté litigieux, de consulter la commission du titre de séjour sur la situation de l'intéressé, dont il est constant, au surplus, qu'il ne résidait pas en France depuis plus de dix ans ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. , il ressort des pièces du dossier que le préfet du Jura a saisi le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté de son cas par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception datée du 18 avril 2011 ; que le médecin de l'agence régionale de santé, qui a accusé réception de cette demande le 19 avril 2011, a rendu son avis le 21 avril 2011 ;

7. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il ne résulte pas des dispositions réglementaires applicables et notamment de celles précitées de l'article R. 313-26 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le médecin de l'agence régionale de santé soit tenu de saisir la commission médicale régionale de la situation d'un étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé ;

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis rendu le 21 avril 2011 par le médecin de l'agence régionale de santé de Franche-Comté que si l'état de santé de M. nécessitait une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, qu'en outre, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que l'appelant n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause l'appréciation du médecin de l'administration relative à la gravité de son état de santé ; qu'il ne démontre notamment pas qu'un retour en Algérie aggraverait les dérèglements psychiatriques dont il souffre ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur les capacités du système de soins algérien à traiter les troubles dont est affecté M. et sur la possibilité pour ce dernier d'accéder aux traitements nécessités par son état de santé mentale, le préfet du Jura n'a pas méconnu les stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié en refusant de délivrer à M. un titre de séjour pour raison de santé ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales " ; qu'en ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France ;

10. Considérant que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par l'article 32 de la loi du 24 juillet 2006, puis modifié par les articles 40 et 50 de la loi du 20 novembre 2007, dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) " ; que portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale ; que, dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national ; qu'il s'ensuit que, ressortissant algérien, M. , qui au demeurant n'a pas fondé sa demande de titre de séjour sur ces dispositions, ne saurait soutenir que le préfet du Jura aurait dû le faire bénéficier de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 4) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant mineur résident en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou au moins depuis un an ; 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (..) " ;

12. Considérant, d'une part, que si M. est le père d'une fille de nationalité française née le 26 janvier 2011, qu'il a reconnue le 13 mai 2011, soit postérieurement à sa naissance et à la date de l'arrêté litigieux, il ressort des pièces du dossier, et notamment des rapports du centre d'hébergement et de réadaptation sociale de Saint-Claude où il réside depuis le 10 février 2011, qu'il n'a pas de liens avec son enfant ni avec la mère de celle-ci ; qu'il doit ainsi être regardé, en application des dispositions de l'article 372 du code civil, comme n'exerçant pas l'autorité parentale sur sa fille ; que d'autre part, les rapports susmentionnés de l'établissement dans lequel il est hébergé laissent apparaître qu'il est presque dépourvu de ressources et qu'il n'a jamais subvenu aux besoins de son enfant ; que, les pièces produites à hauteur d'appel, enregistrées le 2 mars 2012, n'ont, à cet égard, aucun caractère probant ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Jura était en droit de refuser à M. la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 4) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, délivrance que l'intéressé n'avait au surplus pas sollicitée ;

13. Considérant, enfin, que M. n'est entré en France qu'en 2006 à l'âge de vingt-cinq ans ; qu'il possède des attaches familiales en Algérie où vivent ses parents et sept de ses frères et soeurs ; qu'il n'entretient aucune relation avec sa fille et la mère de son enfant ; qu'ainsi, l'arrêté du préfet du Jura du 5 mai 2011 n'a ni méconnu les stipulations de l'article 6 4) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. , garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il n'est pas contesté qu'il n'entretient aucune relation avec sa fille ; qu'en outre, le requérant ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, comme il a été dit ci-avant, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (..) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) " ;

15. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués, l'arrêté du 5 mai 2011 du préfet du Jura en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. ne méconnaît ni les dispositions précitées de l'article L. 511-4 6° et 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Jura en date du 5 mai 2011 ; que, le présent arrêt ne supposant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fins d'injonction formées par M. doit être également rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de M. est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mokadem et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Jura.

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11NC01332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01332
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Reconduite à la frontière.

Famille - Droit au respect de la vie familiale (article 8 de la convention européenne des droits de l'homme) (voir Droits civils et individuels).


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : MARRAUD DES GROTTES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-22;11nc01332 ?
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