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22/11/2012 | FRANCE | N°11NC00701

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2012, 11NC00701


Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2011 sous le n° 11NC00701 au greffe de la Cour, complétée par mémoire enregistré le 12 octobre 2012, présentée pour M. Lucien, demeurant ..., par Me De Zolt, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800092 en date du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 12 novembre 2007 par laquelle le conseil municipal de Fèves a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ;

2°) d'annuler la délibération

du conseil municipal de la commune de Fèves en date du 12 novembre 2007 ;

3°) de met...

Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2011 sous le n° 11NC00701 au greffe de la Cour, complétée par mémoire enregistré le 12 octobre 2012, présentée pour M. Lucien, demeurant ..., par Me De Zolt, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800092 en date du 22 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération en date du 12 novembre 2007 par laquelle le conseil municipal de Fèves a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de la commune de Fèves en date du 12 novembre 2007 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fèves la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la procédure d'enquête publique, préalable à l'approbation d'un plan local d'urbanisme, est entachée d'irrégularité ; les dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme ont été méconnues ; le dossier soumis à enquête ne comprenait pas les avis des personnes publiques consultées ; un constat d'huissier établit ce manquement ; cet oubli est d'autant plus grave que les personnes publiques consultées, et notamment le préfet de la Moselle, avaient émis un avis défavorable ;

- les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées ; le conseil municipal de la commune de Fèves n'a pas délibéré sur les objectifs poursuivis par la révision du plan local d'urbanisme ; les délibérations des 28 avril 2003 et 28 janvier 2004 sont, à ce titre, insuffisantes ;

- les modalités de concertation prévues par les délibérations des 28 avril 2003 et 28 janvier 2004 n'ont pas été respectées ; une seule réunion publique a été organisée le 3 novembre 2004 alors que plusieurs étaient initialement prévues ;

- la commune de Fèves ne démontre pas qu'elle a respecté les dispositions de l'article L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales lorsqu'elle a convoqué les conseils municipaux qui se sont tenus les 28 janvier 2003, 28 avril 2004 et 12 novembre 2007 ;

- des contradictions existent entre les différents documents d'urbanisme, notamment concernant la zone 1AUe ; le préfet de la Moselle les a soulignées dans son avis défavorable rendu le 23 mai 2007 ; la zone 1AUe apparait dans le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) comme une zone de 6,8 hectares à vocation d'équipements publics et privés, superficie qui, au demeurant, est disproportionnée au regard des projets communaux ; le rapport de présentation du plan local d'urbanisme (PLU) parle d'une zone de 6 ha destinée aux équipements publics et à l'habitat social ; le règlement du PLU y voit une zone réservée aux équipements collectifs et de service ; d'ailleurs, lors de la réunion de travail qui s'est tenue le 25 octobre 2007, aucune réponse n'a été apportée par la commune à cette contradiction ; par ailleurs, le projet d'aménagement et de développement durable affiche comme objectif la préservation et la valorisation du cadre naturel ; le rapport de présentation va dans le même sens ; or, le zonage établi par le nouveau PLU réduit considérablement les zones A, ce qui a motivé l'avis défavorable délivré par la chambre d'agriculture de la Moselle le 6 février 2007 ; ces contradictions démontrent une certaine négligence dans l'élaboration du PLU ;

- le plan local d'urbanisme approuvé ne respecte pas les principes de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme ; le préfet de la Moselle a notamment noté dans son avis défavorable du 23 mai 2007 que la zone 2AU située à l'est du territoire communal et destinée à la future extension de la ZAC ECOPARC, était en contradiction avec lesdits principes ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 16 juin 2011, le mémoire en défense présenté pour la commune de Fèves, par Me Iochum, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'enquête publique a été régulière ; les dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme ont été respectées ; les avis des personnes publiques consultées figuraient au dossier soumis au public ; le commissaire enquêteur atteste de leur présence dans son rapport ; les constatations des huissiers n'ont que valeur de simples renseignements ; le constat d'huissier n'établit pas que les avis n'étaient pas présents au dossier mais qu'il ne les a pas vus ou qu'il n'a pas souhaité les voir ; le fils de M. s'est rendu en mairie le 29 août 2007 et n'a pas protesté sur le caractère incomplet du dossier soumis à enquête ; Me De Zolt qui est allé sur place le 4 septembre 2007 a pu consulter les avis des personnes publiques consultées puisqu'il n'a formulé aucune remarque ; la sommation interpellative signée par Me Rohrbacher fait apparaître une écriture qui n'est pas la sienne ; il serait utile que M. produise l'original du constat et de la sommation interpellative ;

- le conseil municipal de Fèves a délibéré sur les objectifs poursuivis par la révision du PLU conformément aux exigences de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; les délibérations des 28 avril 2003 et 28 janvier 2004 mentionnent ces objectifs, au moins dans leur grandes lignes ;

- il n'existe pas de contradiction entre les différents documents du PLU concernant la zone 1AUe ; lors de la réunion de travail qui s'est tenue le 25 octobre 2007, il a été prévu que la destination de la zone 1AUe serait harmonisée dans les différents documents du PLU ; de même, il n'y a pas de contradiction entre le projet d'aménagement et de développement durable (PADD), qui définit comme objectif la préservation et la valorisation du cadre naturel et le zonage qui réduit les zones A ; le cadre général du village n'est pas modifié ; il reste riche en terres agricoles et en forêts, bien qu'il n'y ait aucune exploitation agricole sur le ban de Fèves ; le PADD prévoit cette conciliation entre ces deux objectifs : le développement économique et urbanistique et le respect et la valorisation des sites naturels et urbains remarquables ;

- le préfet a donné un avis favorable daté du 31 août 2006 à l'urbanisation de la zone 2AU située à l'est du territoire communal et jouxtant le territoire de Maizières les Metz, revenant sur l'avis défavorable qu'il avait initialement délivré le 23 mai 2007 ; la zone 2AU concernée, destinée à l'urbanisation future, est en cohérence avec la directive territoriale d'aménagement (DTA) adopté en 2005 qui répertorie le secteur concerné parmi les secteurs peri-urbains à maîtriser et organiser ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de l'urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Ponseele, avocat de M. ;

Sur la légalité de la délibération du 12 novembre 2007 par laquelle le conseil municipal de Fèves a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération contestée : " Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique par le maire. Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. (..) " ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du constat d'huissier daté du 20 septembre 2007, dont il n'y pas lieu de douter de l'authenticité quand bien même les constatations matérielles qu'il établit n'ont que la valeur de simples renseignements, que le dossier soumis à enquête publique ne comprenait pas les avis des personnes publiques consultées ; que si le commissaire enquêteur affirme le contraire en préambule de son rapport en date du 20 octobre 2007, il reconnaît page huit dudit rapport que les avis des personnes publiques se trouvaient parfois dans le bureau du maire et non dans la salle où se trouvait le dossier soumis au public ; que la circonstance que le bureau du maire était ouvert et que personne n'a demandé à consulter lesdits avis ne saurait faire regarder comme respectées les dispositions précitées de l'alinéa premier de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme ; que, dans ces conditions, la commune de Fèves n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le dossier mis à la disposition du public comprenait l'ensemble des avis des collectivités ou organismes associés à l'élaboration du P.L.U. alors même qu'en l'espèce l'avis du préfet de la Moselle en date du 23 mai 2007 et celui de la chambre d'agriculture de la Moselle en date du 6 février 2007 étaient défavorables ; que l'enquête publique doit ainsi être regardée comme s'étant déroulée en méconnaissance des dispositions précitées du code de l'urbanisme ; que cette irrégularité est de nature à entraîner l'annulation de la délibération litigieuse ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; (...) Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. (..) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la délibération du conseil municipal doit porter, d'une part, et au moins dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser un document d'urbanisme, d'autre part, sur les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ; que cette délibération constitue, dans ses deux volets, une formalité substantielle dont la méconnaissance entache d'illégalité le document d'urbanisme approuvé ;

3. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération du 28 avril 2003 du conseil municipal de Fève a fixé comme objectifs à la révision du PLU la " redéfinition de nouvelles zones d'habitat, d'activités ou de loisirs " et " l'amélioration et la mise à jour du règlement du PLU " ; que, lors du conseil municipal du 28 janvier 2004, le maire a expliqué qu'eu égard à la vétusté du foyer communal, il était nécessaire de modifier la destination de certaines parcelles classées en zone naturelle pour les rendre urbanisables à terme afin de construire une salle des fêtes ; que ni la délibération du 28 avril 2003 qui comprend des formules excessivement générales et dépourvues de réelle consistance, ni celle du 28 janvier 2004 qui est focalisée sur un projet particulier d'équipement communal à réaliser, ne porte, même dans leurs grandes lignes, sur les objectifs poursuivis par la révision du plan local d'urbanisme ; qu'ainsi ni les mentions de ces délibérations, ni aucune autre pièce du dossier ne permettent d'établir que le conseil municipal aurait respecté les dispositions de l'alinéa premier de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la délibération du 12 novembre 2007 approuvant cette révision est entachée d'illégalité ;

4. Considérant, d'autre part, que, par délibérations des 28 avril 2003 et 28 janvier 2008, le conseil municipal de la commune de Fèves a prévu, au titre des modalités de concertation mentionnées par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, l'organisation de " réunions publiques " ; que s'il ressort des termes mêmes du rapport du commissaire enquêteur qu'une réunion publique a été organisée le 3 novembre 2004, il n'est fait état d'aucune autre réunion publique ; que l'exposition permanente en mairie du 3 novembre 2004 au 31 janvier 2005, pas davantage que l'organisation de l'enquête publique du 20 août au 20 septembre 2007, qui certes permettaient aux administrés de faire connaître leurs observations sur le projet en cours d'adoption, ne sauraient être regardées comme des réunions publiques au sens des délibérations susmentionnées ; qu'ainsi, les modalités de concertation prévues par les délibérations des 28 avril 2003 et 28 janvier 2004 n'ont pas été respectées et entachent d'irrégularité la délibération en date du 12 novembre 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Fèves a approuvé le plan local d'urbanisme ;

5. Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par le requérant en première instance et en appel ; que ces moyens ne paraissent pas, en l'état du dossier, susceptibles de fonder l'annulation de la délibération litigieuse ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

8. Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Fèves le paiement de la somme de 1 500 euros au bénéfice de M. en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

9. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. , qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Fèves au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 mars 2011 est annulé.

Article 2 : La délibération en date du 12 novembre 2007 par laquelle le conseil municipal de Fèves a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune est annulée.

Article 3 : La commune de Fèves versera à M. une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Fèves tendant à la condamnation de M. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Lucien et à la commune de Fèves.

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11NC00701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00701
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d'occupation des sols et plans locaux d'urbanisme - Légalité des plans - Procédure d'élaboration.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d'occupation des sols et plans locaux d'urbanisme - Légalité des plans - Procédure d'élaboration - Enquête publique.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : SELARL COSSALTER et DE ZOLT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-22;11nc00701 ?
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