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08/11/2012 | FRANCE | N°12NC00502

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 12NC00502


Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2012, présentée pour Mme Susanna , demeurant à la plate-forme départementale d'accueil des demandeurs d'asile, 1 A rue Sainte-Claire à Mulhouse (68100), par Me Airoldi-Martin ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105948 du 21 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 14 septembre 2011 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

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°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 septembre 2011 ;

3°) d'enjoindre a...

Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2012, présentée pour Mme Susanna , demeurant à la plate-forme départementale d'accueil des demandeurs d'asile, 1 A rue Sainte-Claire à Mulhouse (68100), par Me Airoldi-Martin ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105948 du 21 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 14 septembre 2011 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 septembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Airoldi-Martin en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Elle soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé en ce qui concerne les réponses apportées au moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait lui refuser l'admission au séjour une seconde fois et à celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle, soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le refus de titre de séjour est signé par une autorité incompétente ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'un second refus d'admission au séjour, dès lors qu'elle n'avait déposé qu'une seule demande ;

- le refus de séjour a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

- le préfet du Haut-Rhin ne pouvait prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français au titre des dispositions du 5° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est à tort cru lié par la décision rendue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 mars 2012, présenté pour Mme , par Me Roussel, se substituant à Me Airoldi-Martin, qui persiste dans les conclusions de sa requête, à l'exception de celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et sollicite en outre qu'à défaut de la délivrance d'un titre de séjour, il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, période durant laquelle une autorisation provisoire de séjour lui sera délivrée ;

Elle soutient en outre que :

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est signée par une autorité incompétente ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle répondait aux conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2012, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête de Mme ;

Il soutient que son arrêté du 14 septembre 2011 n'est pas entaché d'illégalité externe ou interne ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, du 11 juin 2012, rejetant la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant, d'une part, que les premiers juges, après avoir cité les articles L. 314-11, L. 741-4, L. 742-3, L. 742-5 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont estimé que Mme avait fait l'objet de la procédure d'instruction prioritaire en application des dispositions de l'article L. 741-4-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que sa demande d'asile constituait un recours abusif aux procédures d'asile ; que la décision du 30 mars 2011, par laquelle le préfet du Haut-Rhin s'est borné à refuser à Mme la délivrance du document provisoire de séjour en vue de demander l'asile ne pouvait être regardée comme une décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement manque en fait et doit être écarté ;

2. Considérant, d'autre part, que le tribunal a motivé sa réponse au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressée par référence à la réponse, suffisamment motivée, qu'il avait faite à ce moyen soulevé à l'encontre du refus de titre de séjour ; que, dès lors, ce moyen manque également en fait et doit être écarté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par M. Guyon, secrétaire général de la préfecture, qui dispose d'une délégation de signature du préfet du Haut-Rhin du 17 août 2011, à l'effet de signer notamment " tous arrêtés, décisions, circulaires " ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. Guyon n'aurait pas reçu délégation pour signer la décision attaquée manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait lui refuser à deux reprises l'admission au séjour ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ;

6. Considérant que Mme , ressortissante russe, soutient qu'elle réside en France depuis plus d'un an, qu'elle entretient une relation amoureuse avec M. Radjavi, ressortissant géorgien titulaire d'une carte de résident, et qu'elle est enceinte de ses oeuvres ; que, toutefois, l'intéressée n'était entrée en France que depuis huit mois à la date de la décision contestée ; que sa relation avec M. Radjavi est récente ; qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans ; que, dès lors, le refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, enfin, que le refus de titre de séjour n'implique pas le retour de l'intéressée dans son pays d'origine ; que, par suite, est inopérant à l'encontre d'une telle décision le moyen tiré de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences à l'égard de l'intéressée en cas de retour dans son pays d'origine ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision du 14 septembre 2011, par laquelle le préfet du Haut-Rhin a fait obligation à Mme de quitter le territoire français, doit être annulée comme dépourvue de base légale par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant d'accorder un titre de séjour à l'intéressée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit précédemment concernant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme ne répondait pas aux conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour ; que, dès lors, elle pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français aurait été signée par une autorité incompétente et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reprennent les éléments précédemment développés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait prendre à l'encontre de la requérante une obligation de quitter le territoire français au titre du 5° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée, notamment son état de santé, dès lors qu'aucune pièce du dossier n'établit que ce dernier nécessiterait une prise en charge médicale, ni qu'elle ne pourrait pas voyager ;

En ce qui concerne la fixation du pays de destination :

13. Considérant, d'une part, qu'il y a lieu d'adopter le motif retenu par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru à tort en situation de compétence liée par rapport à la décision rendue l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

14. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que s'il est constant que l'époux de Mme a été violemment agressé par un groupe de personnes qui l'ont roué de coups, ce qui a entraîné son décès le 25 octobre 2009, la réalité des menaces proférées à l'encontre de la requérante n'est en revanche pas établie ; que le récit présenté au cours de sa demande d'asile comporte sur ce point des déclarations contradictoires et que la demande de l'intéressée visant à se voir reconnaître la qualité de réfugié a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 mai 2011 ; que, dès lors, le préfet du Haut-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions aux fins d'injonction de Mme ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que si Me Aroldi-Martin avait présenté des conclusions tendant à l'application des dispositions susvisées, Me Roussel, avocat de Mme se substituant à Me Aroldi-Martin, ne les a pas reprises ; que, par suite, la requête doit être regardée comme ne comportant pas de telles conclusions ;

D E C I D E :

Article 1er. La requête de Mme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Susanna et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 12NC00502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00502
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-08;12nc00502 ?
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