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08/11/2012 | FRANCE | N°12NC00230

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 12NC00230


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2012, complétée par un mémoire enregistré le 19 avril 2012, présentée par le préfet de l'Aube ;

Le préfet de l'Aube demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1101993 du 10 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé son arrêté du 9 novembre 2011 rejetant la demande de titre de séjour de M. A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour portant la

mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la noti...

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2012, complétée par un mémoire enregistré le 19 avril 2012, présentée par le préfet de l'Aube ;

Le préfet de l'Aube demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 1101993 du 10 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé son arrêté du 9 novembre 2011 rejetant la demande de titre de séjour de M. A, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. A un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

- de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

- de rejeter les conclusions présentées par M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le préfet de l'Aube soutient que :

- les premiers juges ont fait une inexacte appréciation de la situation familiale de M. A, dans la mesure où il n'est nullement établi que la fille de l'épouse de l'intéressé entretiendrait avec son père, domicilié dans le département du Loiret, des liens familiaux tels qu'ils empêcheraient la reconstitution de la vie familiale de M. A en Turquie ;

- la situation de l'intéressé entre dans le cadre du regroupement familial ;

- l'autorité publique est en droit de déroger au droit garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- M. A ne peut se prévaloir des circulaires qu'il invoque ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 19 mars 2012, 19 mai 2012 et 18 juin 2012, présentés pour M. A par Me Gervais, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la requête du préfet n'est pas fondée, dès lors que l'arrêté du 9 novembre 2011 méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet ne peut se prévaloir de la situation irrégulière qu'il a concouru à créer ; qu'il remplit les conditions posées par les circulaires des 31 octobre 2005 et 13 juin 2006 ; que l'arrêté du 9 novembre 2011 a porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gervais, avocat de M. A ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant turc né en 1986, est entré irrégulièrement en France en 2004 et s'y est maintenu malgré le refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui reconnaître le statut de réfugié et les décisions du préfet de l'Aube refusant, en 2005, de lui délivrer un titre de séjour et de procéder, le 30 septembre 2009, à la régularisation de sa situation administrative après son mariage, le 10 septembre 2009, avec une compatriote turque en situation régulière depuis 2000, dont il a eu un enfant ; que si l'épouse de M. A est également la mère d'une enfant née en 2001 d'une précédente union avec M. B, de nationalité turque, dont elle a divorcé en 2008, le préfet de l'Aube soutient, sans être utilement contredit, que M. B, adulte handicapé hébergé chez ses parents dans le Loiret, n'entretient plus aucune relation avec sa fille, ne participe ni à son entretien ni à son éducation et n'a entrepris aucune démarche pour lui permettre de bénéficier de la nationalité française lors de sa demande de naturalisation effectuée en 2006 ; que, dès lors, compte tenu des conditions de séjour en France de l'intéressé, de l'absence de lien entre la fille de son épouse et son père résidant en France, du caractère récent de son mariage et de l'absence d'éléments s'opposant soit à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine commun, soit à ce qu'une procédure de regroupement familial soit mise en oeuvre, le préfet de l'Aube n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels sa décision portant refus de séjour a été prise ;

3. Considérant que, par suite, le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur le motif tiré de ce que le refus de titre de séjour opposé à M. A méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme pour annuler sa décision du 9 novembre 2011 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A en première instance et en appel ;

5. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 9 novembre 2011 pris à l'encontre de M. A énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour apprécier la situation personnelle de l'intéressé et refuser de lui délivrer un titre de séjour ; que, dès lors, le moyen tiré de son insuffisante motivation manque en fait ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que M. A n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 13 juin 2006, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs indiqués ci-dessus, l'arrêté litigieux ne porte pas une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que M. A, qui ne figure pas au nombre des étrangers mentionnés à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé serait illégal faute d'avoir été précédé de la consultation de la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 312-2 du même code ;

9. Considérant, enfin, que M. A ne peut utilement soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en 2005 et 2010, le préfet de l'Aube aurait méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, les décisions en cause étant devenues définitives ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté du 9 novembre 2011 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 10 janvier 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Saban A.

Une copie sera transmise au préfet de l'Aube.

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12NC00230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00230
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : GERVAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-08;12nc00230 ?
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