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08/11/2012 | FRANCE | N°11NC01805

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 11NC01805


Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2011, complétée par des mémoires enregistrés respectivement les 19 avril 2012 et 6 juillet 2012, présentée pour M. Christophe A demeurant ... par Me Bouret, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902272 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 septembre 2011 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 septembre 2009 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation formulée devant la commission de recours des militaires en exécut

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Vu la requête, enregistrée le 17 novembre 2011, complétée par des mémoires enregistrés respectivement les 19 avril 2012 et 6 juillet 2012, présentée pour M. Christophe A demeurant ... par Me Bouret, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902272 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 septembre 2011 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 septembre 2009 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation formulée devant la commission de recours des militaires en exécution de l'arrêt définitif de la Cour administrative d'appel de Nancy du 8 avril 2004 ;

2°) d'annuler l'ordre de mutation du 22 octobre 2008 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser :

- la somme de 113 880 euros en réparation de la perte de revenus constituée par le différentiel entre sa solde d'active et sa pension de retraite ;

- la somme de 130 416 euros en réparation de la perte de chance de percevoir son indemnité pour services aériens ;

- la somme de 229 721,60 euros en réparation de la perte de chance de percevoir ses primes pour missions outre-mer ;

- la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4°) d'enjoindre au ministre de la défense de régulariser son droit à pension de retraite ;

5°) de juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter du 8 avril 2004 ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités formelles ;

- les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la mutation prononcée le 22 octobre 2008 était justifiée ;

- le jugement a procédé à une substitution irrégulière des motifs sans lui permettre de présenter ses observations ;

- le jugement méconnaît les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative alors que l'ordre de mutation du 22 octobre 2008 ne comporte pas la mention des délais et voies de recours ;

- les premiers juges se sont fondés sur un moyen d'ordre public sans le soumettre au contradictoire ;

- les premiers juges se sont mépris sur l'interprétation de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy du 8 avril 2004 ;

- la décision du 22 octobre 2008 par laquelle le ministre de la défense a procédé à sa mutation au centre de Givet est irrégulière et fictive et n'a pu faire disparaître ou réparer le préjudice causé par l'illégalité de la mutation prononcée en 1995 ;

- la décision du 22 octobre 2008 de le muter dans un centre de formation et d'entrainement est une sanction déguisée ;

- l'illégalité fautive dont sont entachées les décisions de mutation prononcées à son encontre en 1995 et en 2008 lui ont causé un préjudice ouvrant droit à réparation et au versement des sommes représentant les pertes de revenus constituées par la différence entre sa solde et sa pension de retraite, la perte de chance et le préjudice moral ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés respectivement les 7 mars 2012, 8 juin 2012 et 9 août 2012, présentés par le ministre de la défense et des anciens combattants qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité ; qu'en exécution de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy du 8 avril 2004, il a mis fin au vice de forme à l'origine de l'annulation de l'ordre de mutation du 21 mars 1995, par une nouvelle décision du 22 octobre 2008 qui n'a pas été contestée devant le tribunal administratif et est devenue définitive ; qu'aucune indemnisation n'est due au requérant, puisque la décision du 22 octobre 2008 a emporté les mêmes effets que celle du 21 mars 1995 qui a été annulée pour vice de forme ; que l'intervention d'une décision illégale ne peut ouvrir droit à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise ; que M. A ne peut prétendre obtenir les primes qu'il aurait pu percevoir s'il n'avait pas fait valoir ses droits à la retraite, ni bénéficier d'une reconstitution de carrière ; qu'il a volontairement fait valoir ses droits à la retraite et a obtenu un congé de reconversion de six mois, du 8 novembre 1995 au 7 mai 1996 ;

Vu l'ordonnance du 5 septembre 2012 fixant la clôture de l'instruction au 14 septembre 2012 en application de l'article R 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 22 avril 1905 et notamment son article 65 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Bourrel substituant Me Bouret, avocat de M. A ;

Vu, enregistrée le 17 octobre 2012, la note en délibéré présentée pour M. A, par Me Bourrel ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que, pour rejeter les conclusions de M. A tendant à obtenir la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 21 mars 1995 prononçant sa mutation, les premiers juges ont considéré que la décision contestée aurait, en tout état de cause, été la même si l'intéressé avait reçu communication de son dossier ; qu'en se bornant à un tel constat sans examiner les faits qui avaient motivé l'ordre de mutation litigieux, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que le jugement est irrégulier ; que, par suite, il y a lieu, pour la Cour, d'annuler le jugement par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A ;

2. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'indemnisation de ses préjudices résultant de l'annulation de la décision du 21 mars 1995 :

3. Considérant que si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu être légalement prise ;

4. Considérant que M. A, adjudant affecté au centre parachutiste d'instructions spécialisées de Perpignan, a fait l'objet d'un ordre de mutation en date du 21 mars 1995 l'affectant, à compter du 1er août 1995, au centre d'entraînement commando du 9ème régiment de zouaves à Givet, confirmé par le ministre de la défense le 25 janvier 1996 ; que cette décision a été contestée par M. A d'abord devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne puis devant la Cour administrative d'appel de Nancy qui l'a annulée par un arrêt n° 98NC01701 du 8 avril 2004, au motif que la mutation de M. A, qui présentait le caractère d'un déplacement d'office au sens de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, avait été prise au terme d'une procédure irrégulière faute pour l'intéressé d'avoir été mis à même de demander la communication complète de son dossier ; que, par une décision en date du 22 octobre 2008, le ministre de la défense a, à nouveau, prononcé la mutation de M. A ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision de mutation du 21 mars 1995 est intervenue en raison des relations conflictuelles de M. A avec sa hiérarchie et de son attitude revendicative ; que, dans ces conditions, si la décision contestée, qui n'a pas le caractère d'une sanction déguisée, était entachée d'un vice de procédure qui a motivé son annulation par la Cour administrative d'appel de Nancy, elle était justifiée par le comportement de l'intéressé ; que M. A n'établit pas que ce motif reposerait sur des faits matériellement inexacts ou serait entaché d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste dans l'appréciation de son comportement ; qu'enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; qu'ainsi, la décision du 21 mars 1995 étant justifiée au fond, M. A ne peut prétendre à la réparation des préjudices que lui aurait causés cette décision ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2008 :

6. Considérant que ces conclusions, nouvelles en appel, sont irrecevables ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0902272 en date du 20 septembre 2011 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christophe A et au ministre de la défense.

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11NC01805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01805
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BOURET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-08;11nc01805 ?
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