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08/11/2012 | FRANCE | N°11NC01466

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2012, 11NC01466


Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2011, présentée pour Mlle Aravni , demeurant ..., par Me Jeannot, avocat ; Mlle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002095-1002402 du Tribunal administratif de Nancy du 22 mars 2011 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2010 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a

obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destinatio...

Vu la requête, enregistrée le 1er septembre 2011, présentée pour Mlle Aravni , demeurant ..., par Me Jeannot, avocat ; Mlle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002095-1002402 du Tribunal administratif de Nancy du 22 mars 2011 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2010 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision en litige ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Jeannot en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Mlle soutient que :

En ce qui concerne la décision relative au titre de séjour :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en tant que le tribunal n'a pas répondu de manière satisfaisante aux moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse, de l'insuffisante motivation de cette décision et de l'erreur manifeste d'appréciation quant à la possibilité pour elle d'être soignée dans son pays et quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- l'auteur de l'acte attaqué était incompétent, faute de bénéficier d'un arrêté de délégation de signature régulièrement publié ;

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée, dès lors que le préfet ne fait que reprendre l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ;

- l'avis médical est illégal du fait de l'incompétence du médecin de l'agence régionale de santé, dont il n'est pas établi que la désignation serait régulière ni qu'il est bien le signataire de l'avis ;

- l'avis médical est insuffisamment motivé ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation car elle ne pourra être médicalement prise en charge dans son pays d'origine et qu'un retour en Arménie risque d'aggraver les troubles dont elle souffre ;

- c'est à tort que le préfet s'est estimé lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sans apporter aucun élément d'appréciation ;

- le préfet n'a pas apporté la preuve qui lui incombe qu'elle pourra bénéficier de traitements appropriés à son état en cas de retour en Arménie ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

En ce qui concerne la décision relative à l'obligation de quitter le territoire :

- l'annulation de cette décision s'impose comme la conséquence de celle du refus de séjour ;

- la décision litigieuse a été signée par une autorité incompétente ;

- la décision est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- la décision n'est pas motivée au regard des exigences de forme et de fond de la directive " retour " du 16 décembre 2008, qu'elle ne peut être motivée par référence au refus de séjour et méconnaît ainsi les dispositions de l'article 12 de cette directive, que l'article L. 511-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers est incompatible avec les objectifs définis par le considérant 6 et l'article 12 de la directive ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en ne recueillant pas ses observations sur le délai de départ volontaire et en ne l'informant pas de la possibilité de bénéficier d'une durée de départ volontaire supérieure à un mois ;

- l'avis médical n'est pas visé et n'est pas motivé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et la décision est entachée d'erreur de droit car le préfet devait vérifier la disponibilité des soins dans le pays de renvoi ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu des conséquences manifestement graves que peut entrainer une mesure d'éloignement ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité des autres décisions ;

- l'auteur de l'acte était incompétent ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison des risques de persécution dans son pays qu'elle a été contrainte de quitter en 1992 dans des conditions tragiques ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu, enregistré le 6 décembre 2011, le mémoire en défense présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- sa décision est motivée en droit et en fait ;

- le médecin de l'agence régionale de santé était compétent et son avis est motivé ;

- il n'a pas entendu faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ; sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les dispositions de la directive n'ont pas été méconnues ;

- l'intéressée, qui ne justifie pas d'une vie familiale en France, n'établit pas encourir des risques en cas de retour dans son pays ;

- la décision ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative) statuant seul, en date du 30 juin 2011, accordant à Mlle le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 modifiée, relative aux normes et procédures communes applicables dans les états membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président ;

Sur l'arrêté du 25 octobre 2010 pris dans son ensemble :

1. Considérant que Mlle reprend, avec la même argumentation, le moyen développé en première instance tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 25 octobre 2010 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs circonstanciés qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen ;

Sur la légalité de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 25 octobre 2010 en tant qu'elle porte refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est donc suffisamment motivée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) " ; que l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application du 11º de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé (...)/. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du contrat produit par le préfet ainsi que de la délégation de signature du directeur de l'agence régionale de santé, que le médecin qui a émis le 11 octobre 2010 l'avis médical relatif à l'état de santé de Mlle était régulièrement habilité ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en mentionnant que l'état de santé de Mlle nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le médecin de l'agence régionale de santé a suffisamment motivé cet avis ;

6. Considérant, enfin, que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet, qui n'a pas méconnu sa compétence, s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que Mlle n'apporte aucun élément de nature à contredire cet avis et à établir que les pathologies dont elle souffre ne pourraient être prises en charge dans son pays d'origine ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers doit être écarté ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à l'examen particulier de la situation de droit et de fait de la requérante ; que, dès lors, Mlle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de faire droit à sa demande, le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ni qu'il aurait, au regard de la durée et des conditions de sa présence en France, méconnu les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la requérante, entrée en France en 2008 à l'âge de 38 ans, se borne à soutenir qu'elle n'aurait plus d'attaches dans son pays sans apporter d'éléments sur la réalité des liens ou des attaches particuliers qu'elle aurait en France ; que le moyen doit ainsi être écarté ;

Sur la légalité de la décision du préfet de Meurthe-et-Moselle du 25 octobre 2010 en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'état de santé de la requérante et de l'absence de disponibilité des soins dans son pays d'origine, qui reprennent ce qui a été développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, ainsi que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être indiqués ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, prise par le préfet de Meurthe-et-Moselle le 25 octobre 2010, est intervenue avant l'expiration du délai de transposition en droit interne imparti par la directive du 16 décembre 2008 ; que, dans ces conditions, Mlle ne peut utilement invoquer la méconnaissance des articles 7, 8 et 12 de cette directive à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire national ni soutenir que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient incompatibles avec les objectifs de ces mêmes articles 7, 8 et 12 ;

10. Considérant, en dernier lieu, que si Mlle soutient, sans apporter de précision, que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, elle ne l'établit pas ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

11. Considérant, en premier lieu, que Mlle qui n'établit pas l'illégalité dont seraient affectées les décisions relatives au refus de lui délivrer un titre de séjour et à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, n'est pas fondée à exciper de cette illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;

12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

13. Considérant que Mlle ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'elle serait exposée à des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation de ces stipulations ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 25 octobre 2010 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mlle est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mlle Aravni et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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11NC01466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01466
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-08;11nc01466 ?
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