La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2012 | FRANCE | N°12NC00494

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2012, 12NC00494


Vu la décision n° 346307 du 22 février 2012, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy le 16 mars 2012 sous le n° 12NC00494, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. Gaston A, renvoyé le jugement de l'affaire devant la même Cour, après annulation de son arrêt n° 09NC01554 du 2 décembre 2010 ;

Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2009, complétée par un mémoire enregistré le 25 juin 2010, présentée pour la Société Pierburg Pump Technology France, dont le siège est Z.I. de Thionville N

ord Est à Basse Ham (57970), représentée par son gérant en exercice, par la S...

Vu la décision n° 346307 du 22 février 2012, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy le 16 mars 2012 sous le n° 12NC00494, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté pour M. Gaston A, renvoyé le jugement de l'affaire devant la même Cour, après annulation de son arrêt n° 09NC01554 du 2 décembre 2010 ;

Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2009, complétée par un mémoire enregistré le 25 juin 2010, présentée pour la Société Pierburg Pump Technology France, dont le siège est Z.I. de Thionville Nord Est à Basse Ham (57970), représentée par son gérant en exercice, par la SCP d'avocats Baum et Cie ;

La Société Pierburg Pump Technology France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701113 du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de l'inspecteur du travail de Metz en date du 18 janvier 2007 autorisant le licenciement de M. A ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail ont été respectées dès lors que M. A a été assisté par le délégué syndical de l'entreprise ;

- l'employeur a été régulièrement représenté lors de l'enquête contradictoire ;

- le code du travail et le principe des droits de la défense ne prévoient que l'obligation pour l'administration de mettre à même le salarié protégé de prendre connaissance des documents produits par l'employeur ;

- M. A a eu communication des griefs qui lui sont reprochés au cours tant de l'entretien préalable que de l'enquête contradictoire ;

- les détournements opérés par M. A en sa qualité de salarié sont prouvés ;

- il s'agit d'une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement ;

- ce dernier est sans rapport avec les fonctions représentatives ;

- aucun motif d'intérêt général ne s'oppose au licenciement ;

- M. A a été licencié pour faute grave par son ancien employeur en 2003 mais aussi par son nouvel employeur en 2009 ;

- la décision de l'administration fiscale, au demeurant non explicitée, est sans incidence sur le présent litige, qui est d'une autre nature ;

- la société a d'ailleurs été redressée par l'administration fiscale au titre des années 2004 et 2005 et par l'URSSAF au titre de l'année 2006 sur les sommes détournées par le requérant et ses collègues également licenciés ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les mémoires, enregistrés le 27 avril 2010 et le 11 mai 2012, présenté pour M. A par Me Welsch ; M. A conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, en cas d'annulation du jugement, à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de Metz en date du 18 janvier 2007 autorisant son licenciement ;

2°) à la condamnation de la Société Pierburg Pump Technology France à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- malgré la demande expresse et écrite de son conseil, il n'a pas eu communication de l'ensemble des pièces produites par son employeur à l'inspecteur du travail et n'a pu préparer utilement sa défense ;

- la décision de l'inspecteur du travail est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail ;

- l'inspecteur du travail n'a pas distingué les dépenses engagées en qualité de salarié de celles engagées en qualité de cogérant ;

- tous les frais en litige ont été engagés en sa qualité de co-gérant soumis au seul contrôle de l'associé unique et du commissaire au compte ;

- les salariés dont il aurait encouragé les malversations ont respecté les modalités de remboursement des frais professionnels, notamment en obtenant la validation de leurs dépenses par la responsable des ressources humaines ;

- l'administration fiscale a considéré que les dépenses incriminées avaient été exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- si les dépenses ne sont pas à caractère privé, elles ne peuvent constituer un avantage occulte et par conséquent leur engagement ne peut constituer une faute ;

Vu l'ordonnance du 21 juin 2012 fixant la clôture de l'instruction au 20 juillet 2012 à 16 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,

- les conclusions de M. Féral, rapporteur public,

- et les observations de Me Runge, avocat Société Pierburg Pump Technology France et les observations de Me Welsch, avocat de M. A ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

1. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail alors applicable, devenu l'article R. 2421-11, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat " ;

2. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui s'en estiment victimes ; qu'il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation ; qu'enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour autoriser le licenciement de M. A, directeur d'usine et, par ailleurs, conseiller prud'homal bénéficiant à ce titre de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18, du code du travail alors en vigueur, l'inspecteur du travail de la 3ème section de Metz, s'est fondé sur les griefs invoqués par l'employeur, tirés de ce que M. A avait commis des détournements de fonds au préjudice de la Société Pierburg Pump Technology France, d'une part, en faisant financer par son employeur, pour son Compte personnel, des achats de vins, des frais d'hôtel, de restaurant, de matériels informatiques et des dépenses diverses, d'autre part, en cautionnant des malversations opérées par deux de ses collaborateurs alors qu'il savait que certaines dépenses exposées par ces derniers ne correspondaient pas à des frais professionnels ; que pour considérer que ces faits étaient matériellement établis, l'inspecteur du travail, qui avait notamment pris en compte les tableaux produits par la société requérante et sur lesquels avait été répertorié l'ensemble des dépenses injustifiées reprochées à son salarié, a estimé au vu de ces éléments, que M. A s'était affranchi du respect des procédure internes relatives aux modalités de remboursement des frais professionnels et n'avait apporté aucune justification précise sur la validation des frais de déplacement de ses collaborateurs ;

4. Considérant, toutefois, qu'il n'est pas contesté que malgré une demande présentée en ce sens par l'intermédiaire de son conseil, M. A n'a pu, préalablement à l'autorisation de licenciement, obtenir la communication des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement et notamment des tableaux sur lesquels la société entendait se fonder pour prononcer son licenciement ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que l'inspecteur du travail ait opposé à la demande dont il avait été régulièrement saisi, la circonstance que l'accès auxdits documents aurait été de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs ; que, dans ces conditions, en se bornant à lire et à présenter les pièces une à une au salarié alors que ce dernier devait, dès lors qu'il en avait expressément manifesté le souhait, être mis à même de prendre pleinement connaissance de l'intégralité des pièces produites par son employeur à l'appui de sa demande de licenciement, soit en les consultant, soit, le cas échéant en en prenant copie, l'inspecteur du travail a méconnu le respect du caractère contradictoire de l'enquête qu'il a menée ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision de l'inspecteur du travail était intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions R. 436-4 du code du travail devenu

R. 2421-4 et R. 2421-11 du même code et se sont fondés sur ce motif pour en prononcer l'annulation ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société Pierburg Pump Technology France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 septembre 2009, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 18 janvier 2007 de l'inspecteur de travail de la 3ème division de Metz autorisant le licenciement de M. A ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la Société Pierburg Pump Technology France une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Société Pierburg Pump Technology France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Société Pierburg Pump Technology France est rejetée.

Article 2 : La Société Pierburg Pump Technology France versera à M. A une somme de 2 000 (deux mille) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Société Pierburg Pump Technology France à M. Gaston A et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

''

''

''

''

2

12NC00494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00494
Date de la décision : 27/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Modalités d'instruction de la demande. Enquête contradictoire.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : SCP BAUM ET CIE ; SCP BAUM ET CIE ; SCP BAUM ET CIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-09-27;12nc00494 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award