Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2011, présentée pour M. Abdil A, demeurant chez M. B, ..., par Me Jove Dejaiffe ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101065 en date du 19 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2011 du préfet du Haut-Rhin portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 1er février 2011 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour en application des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, injonction assortie d'une astreinte fixée à 80 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le Tribunal ne lui a pas communiqué l'arrêté portant délégation de signature à M. Guyon en méconnaissance du principe du contradictoire défini à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à défaut de délégation de signature régulièrement publiée, la décision portant refus de séjour a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision portant refus de séjour, qui ne reproduit pas les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, n'est pas suffisamment motivée en droit conformément aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;
- elle est entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet du Haut-Rhin d'avoir saisi la commission du titre de séjour alors qu'il remplit les conditions à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet du Haut-Rhin aurait dû l'admettre au séjour pour motif exceptionnel sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il justifie d'une promesse d'embauche ferme en qualité de chef de chantier, métier sous tension dans la région Alsace pour lequel il justifie d'une expérience professionnelle à Istanbul et d'un diplôme obtenu en Turquie, sans que lui soit opposable la condition relative à l'expérience professionnelle de cinq ans en France ;
- la décision portant refus de séjour a été prise en violation des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré le 4 février 2006 en France où vivent sa soeur et son beau-frère et où il justifie d'une promesse d'embauche ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle au regard de sa vie privée et familiale ;
- à défaut de délégation de signature régulièrement publiée, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2012, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ; le préfet soutient que :
- le jugement attaqué est régulier dès lors que l'arrêté portant délégation de signature à M. Guyon a été produit en première instance ;
- les décisions attaquées sont suffisamment motivées dans la mesure où M. Guyon a reçu délégation à l'effet de signer les décisions faisant grief par arrêté du 6 novembre 2009 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Haut-Rhin ;
- aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soient repris in extenso dans le corps de l'arrêté ;
- il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour dès lors que M. A ne justifie pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans mais se borne à se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le motif de séjour en France de M. A ne saurait revêtir un caractère exceptionnel dès lors que le requérant est venu en France dans le seul but de rejoindre sa soeur, qu'il ne justifie pas de sa présence en France avant le 15 mai 2009 et que la promesse d'embauche dont il se prévaut ne suffit pas à elle seule à justifier son admission exceptionnelle au séjour par le travail alors qu'il ne démontre pas son expérience professionnelle en France en qualité de chef de chantier ;
- il n'a pas méconnu l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où M. A, célibataire et sans charge de famille, n'atteste pas de sa présence continue et réelle en France depuis plus de cinq ans et conserve des liens étroits avec sa famille en Turquie ;
- le requérant ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012 :
- le rapport de M. Luben, président ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche requête de première instance, que le 31 mars 2011, le greffe du Tribunal administratif de Strasbourg a communiqué à M. A le mémoire en défense produit par le préfet du Haut-Rhin et comportant huit pièces jointes, parmi lesquelles l'arrêté préfectoral du 6 novembre 2009 portant délégation de signature à M. Guyon ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire prévu à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en négligeant de lui transmettre cette pièce ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision portant refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges, M. A ne développant en appel aucune argumentation nouvelle au regard de celle présentée en première instance ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
Considérant que la décision attaquée comporte dans ses visas et ses motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables, notamment au regard de sa vie privée et familiale et de sa situation professionnelle en application des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aucun article du code ni aucun autre texte n'exige que les stipulations et dispositions législatives et réglementaires applicables à la situation de l'intéressé soient citées dans leur intégralité dans le corps de la décision administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de séjour en méconnaissance de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté comme manquant en fait ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A ne remplit pas la condition de résidence habituelle en France depuis dix ans prévue par les dispositions susmentionnées ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté ;
En e qui concerne la légalité interne de la décision portant refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. / La carte porte la mention "salarié" lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention "travailleur temporaire" lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " (...) la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
Considérant que si M. A se prévaut d'un diplôme en qualité de chef de chantier BTP délivré par le ministère de l'éducation nationale de la République de Turquie et d'une promesse d'embauche ferme et réitérée de la part d'une société de construction implantée dans une région où le métier de chef de chantier de BTP est sous tension, il ne justifie que d'une expérience professionnelle dans ce domaine inférieure à deux ans, attestée par un certificat de travail faisant état d'une activité menée à ce titre en Turquie du 6 octobre 2003 au 26 septembre 2005, date à laquelle il a démissionné ; qu'en outre, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas des termes de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin que celui-ci a, pour la délivrance, à titre exceptionnel, d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", exigé que M. A justifiât d'une expérience professionnelle en France sur une période supérieure à cinq années ; qu'il s'est seulement borné à constater que M. A ne démontrait aucune expérience professionnelle en France et n'établissait pas avoir exercé en qualité de chef de chantier BTP depuis la rupture de son dernier contrat de travail il y a cinq ans, soit en 2006 ; qu'il n'a, dès lors, ni ajouté à la loi, ni commis d'erreur de droit ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour en qualité de salarié, le préfet du Haut-Rhin a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A, ressortissant turc, est entré en France le 4 février 2006 selon ses dires sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable trois mois ; que si le requérant, au demeurant célibataire et sans charge de famille, se prévaut de la présence en France de sa soeur et de son beau-frère, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie où résident son père, sa mère et son frère et où il a demeuré lui-même l'essentiel de sa vie depuis sa naissance jusqu'à l'âge de 25 ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a par suite méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de ce qui précède que la décision attaquée n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. A au regard de sa vie privée et familiale ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges, M. A ne développant en appel aucune argumentation nouvelle au regard de celle présentée en première instance ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'a pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que, par suite, l'exception d'illégalité de ladite décision soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne peut qu'être écartée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. A ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2011 du préfet du Haut-Rhin portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction de M. A ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdil A et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N°11NC00812