La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2012 | FRANCE | N°11NC01179

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 04 juin 2012, 11NC01179


Vu I) le recours, enregistré le 19 juillet 2011 sous le n° 11NC01179 présenté par le PREFET DU BAS-RHIN ; le Préfet demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 1103239 du 4 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 20 avril 2011 en tant qu'il fait obligation à M. de quitter le territoire et fixe le pays de destination ;

2) de rejeter la demande présentée par M. devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- la décision a été prise par une autorité disposant d'une délégation de compéte

nce régulière ;

- la décision est suffisamment motivée ;

- la commission du titre de séjo...

Vu I) le recours, enregistré le 19 juillet 2011 sous le n° 11NC01179 présenté par le PREFET DU BAS-RHIN ; le Préfet demande à la Cour :

1) d'annuler le jugement n° 1103239 du 4 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 20 avril 2011 en tant qu'il fait obligation à M. de quitter le territoire et fixe le pays de destination ;

2) de rejeter la demande présentée par M. devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- la décision a été prise par une autorité disposant d'une délégation de compétence régulière ;

- la décision est suffisamment motivée ;

- la commission du titre de séjour n'avait pas à être saisie ;

- le médecin de l'agence régionale de santé a été valablement consulté ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) manque en fait alors que les soins sont disponibles dans son pays d'origine ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant ;

- l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 n'a pas été méconnu ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 permet une motivation par référence de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le requérant ne démontre pas que sa situation personnelle justifie un délai de départ volontaire prolongé ;

- le requérant ne démontre pas la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2012, présenté pour M. Roustan , demeurant au CASAS 13 quai Saint-Nicolas à Strasbourg (67000), par Me Chebbale, avocat, qui conclut au rejet du recours et à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU BAS-RHIN, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard, principalement, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me Chebbale au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991;

M. soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre ;

- elle méconnaît la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance en date du 29 mars 2012 fixant la clôture d'instruction au 23 avril 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision du président du bureau de l'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), en date du 29 septembre 2011, accordant à M. l'aide juridictionnelle totale ;

Vu II) la requête, enregistrée le 26 décembre 2011 sous le n° 11NC02042, présentée pour M. Roustan , demeurant au CASAS 13 quai Saint-Nicolas à Strasbourg (67000), par Me Chebbale ;

M. demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103239 du 21 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, et ce dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard, principalement, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me Chebbale au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision a été prise par une autorité ne bénéficiant pas d'une délégation de signature ;

- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée et qu'elle est entachée d'une erreur matérielle ;

- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA car il est atteint d'une pathologie grave insusceptible de faire l'objet de soins en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du CESEDA et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a porté une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la meure sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2012, présenté par le préfet du Bas-Rhin qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu l'ordonnance en date du 29 mars 2012 fixant la clôture d'instruction au 23 avril 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision du président du bureau de l'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), en date du 22 novembre 2011, accordant à M. l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement dispensant le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer ses conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :

- le rapport de M. Wallerich, premier conseiller,

Considérant que les requêtes susvisées n° 11NC01179 et 11NC02042 sont dirigées contre un même arrêté et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Sur la requête n° 11NC02042 :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de séjour :

S'agissant du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

Considérant que par un arrêté en date du 28 janvier 2011, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 1er février 2011, le préfet Bas-Rhin a donné délégation de signature M. Michel Theuil, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté litigieux, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des déclinatoires de compétence et des arrêtés de conflit et des réquisitions de la force armée " ; que, dès lors que l'article 43 du décret du 29 avril 2004 dispose que " Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission ", M. n'est pas fondé à soutenir que cette délégation serait illégale pour être trop générale et non limitée dans le temps ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté ;

S'agissant du moyen tiré du défaut de motivation :

Considérant que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour comporte les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, quand bien même le préfet du Bas-Rhin a commis une erreur de plume en mentionnant une date d'entrée sur le territoire français erronée, cette décision répond aux exigences de motivation posées par la loi du 11 juillet 1979 ;

S'agissant des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du CESEDA : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l' étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l' autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 1999 : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire en application de l'article 12 bis (11°) ou qui invoque les dispositions de l'article 25 (8°) de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier " ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : " (...) le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d 'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé " ; qu'en vertu de l'article 4 du même arrêté, au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique, désormais remplacé par le médecin désigné de l'agence régionale de santé, émet un avis, transmis au préfet, précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d' un traitement approprié dans le pays dont il est originaire et la durée prévisible du traitement et, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné auxdites dispositions, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que, si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de M. , qui souffre d'une hépatite B, nécessite un traitement et une surveillance régulière dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, pour refuser de procéder à la délivrance du titre de séjour sollicité, le PREFET DU BAS-RHIN s'est notamment fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, ainsi que l'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis du 31 mars 2011 ; que, si pour soutenir qu'il ne peut bénéficier d'un accès effectif aux soins appropriés dans son pays d'origine, M. fait valoir, d'une part, qu'en l'absence de ressources et de logement, il ne peut avoir accès à une aide médicale dans son pays d'origine, d'autre part, qu'il est recherché par les autorités judiciaires en raison de son origine Tchétchène, ses allégations ne sont assorties d'aucun élément probant permettant d'en établir la vraisemblance ; que, par ailleurs, l'unique certificat médical produit par le requérant en date du 6 décembre 2010, s'il fait état, notamment, de la nécessité d'une surveillance médicale et de traitements réguliers, ne mentionne pas pour autant que ceux-ci ne lui seraient pas effectivement accessibles dans son pays d'origine ; que la seule circonstance qu'il habiterait un petit village, dépourvu d'infrastructure médicale appropriée, n'est pas de nature à établir cette impossibilité dans la mesure où il peut bénéficier d'un suivi médical dans d'autres parties du territoire de son pays d'origine ; qu'ainsi, M. n'établit pas qu'il ne pourrait effectivement pas avoir accès à un traitement médical approprié à sa pathologie en Russie ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du CESEDA doit être écarté ;

S'agissant des autres moyens :

Considérant qu'au soutien de la décision portant refus de séjour, M. reprend, ses moyens de première instance tirés, de la méconnaissance des articles L. 312-1 et L. 313-11,7° du CESEDA, des stipulations des articles 8 de la convention internationale des droits de l'homme et du citoyen et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur de faits ou de droit en écartant ces moyens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 septembre 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 avril 2011 en tant qu'il porte refus de séjour ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur le recours n° 11NC01179 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant que l'exception d'illégalité du refus de séjour qui est opposé à M. ne peut, compte tenu de ce qui précède, qu'être écartée ; que dès lors, c'est à tort que, le Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur ce motif, pour annuler l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. devant le Tribunal administratif de Strasbourg à l'encontre de la décision susvisée ;

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 de la directive 2008/115 CE :

Considérant, d'une part, que la transposition en droit interne des directives européennes, qui est une obligation résultant du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, revêt, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit de l'Union européenne, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut, en conséquence, faire valoir, par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives, y compris en ce qu'elles ne prévoient pas des droits ou des obligations prévues par ces dernières ; qu'il peut également se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; que, s'agissant de la directive 2008/115/CE susvisée, le délai imparti aux Etats membres pour la transposer expirait, en vertu du paragraphe 1er de son article 20, le 24 décembre 2010 ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du CESEDA, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 paragraphe 1er de la même directive: " Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. (...) " ; que le 4° de l'article 3 de ladite directive définit la décision de retour comme " une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour " ; qu'il résulte de ces dispositions que, si les dispositions du I de l'article L. 511-1 du CESEDA dans sa rédaction alors en vigueur prévoient que l'obligation de quitter le territoire français, qui constitue une décision de retour au sens du 4° de l 'article 3 de la directive du 16 décembre 2008, n'a pas à faire l'objet d'une motivation, elles ne font pas, pour autant, obstacle à ce que cette décision soit prise conformément aux exigences de forme prévues par l'article 12 de la directive susvisée ; que la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 12 paragraphe 1er de la directive 2008/115/CE ;

Considérant que l'arrêté du 20 avril 2011 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à M. comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et vise les dispositions du I de l'article L. 511-1 du CESEDA qui permettent d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; que cette motivation révèle un examen particulier des circonstances de l'espèce ; qu'il suit de là que le moyen susvisé doit être écarté ;

S'agissant des autres moyens :

Considérant que les moyens tirés de l'absence de délégation de signature confiée à l'auteur de la décision attaquée, de la méconnaissance des articles L. 313-11 7° et L. 511-4 10° du CESEDA, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, qui reprennent ce qui a été précédemment développé à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs ;

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, (...). / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du CESEDA : " I.-L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...)/L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. " ; que l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 précitée prévoit que le délai de départ volontaire peut faire l'objet d'une prolongation, d'une durée appropriée, tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux ;

Considérant que M. soutient que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en limitant son délai de départ volontaire à trente jours ; que si le requérant soutient à l'appui de sa requête qu'il est malade et qu'il ne pourra effectivement bénéficier de soins en Russie en raison de son origine tchétchène et qu'il est père de trois enfants dont un né en France et dont deux sont scolarisés, il ressort des pièces du dossier que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et que ses deux enfants, Magomed et Abdoulla sont scolarisés en école maternelle ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée, par laquelle le préfet a fixé le délai de départ volontaire du requérant à trente jours, serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé qui n'établit pas avoir expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation auprès des services de la préfecture, et ne fait au surplus état d'aucune circonstance particulière de nature à rendre nécessaire la prolongation du délai qui lui était imparti pour quitter volontairement le territoire ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

Considérant que si M. soutient qu'il serait exposé à des représailles en cas de retour en Russie, aucun élément du dossier ne permet toutefois d'établir qu'il serait personnellement exposé à de tels risques ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée à deux reprises par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile ; que par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant la Russie comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le prefet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 juillet 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté en date du 20 avril 2011 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire à l'encontre de M. et fixe le pays de destination ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 4 juillet 2011 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 20 avril 2011 du préfet du Bas-Rhin faisant obligation à M. de quitter le territoire et fixant le pays de destination.

Article 2 : La demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 avril 2011 du préfet du Bas-Rhin lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination , ainsi que les conclusions de sa requête présentée devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'interieur et à M. Roustam

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin et au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Strasbourg.

''

''

''

''

2

11NC01179 - 11NC02042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01179
Date de la décision : 04/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-04;11nc01179 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award