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14/05/2012 | FRANCE | N°11NC00658

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 14 mai 2012, 11NC00658


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 avril 2011, complétée par des mémoires enregistrés les 22 avril 2011 et 22 juin 2011, présentée pour Mlle Beyhan A, demeurant ..., par Me Moser, avocat ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004837 en date du 24 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 17 septembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé

le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 avril 2011, complétée par des mémoires enregistrés les 22 avril 2011 et 22 juin 2011, présentée pour Mlle Beyhan A, demeurant ..., par Me Moser, avocat ; Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004837 en date du 24 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté en date du 17 septembre 2010 par lequel le préfet du Bas-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- c'est à tort que le tribunal a écarté son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) alors qu'elle ne pourra être soignée de façon effective et appropriée dans son pays d'origine eu égard à l'éloignement des établissements de soins de son domicile, au coût du traitement et de l'absence de couverture sociale alors qu'elle souffre également d'une sclérose en plaque et d'une hypothyroïdie ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- son retour en Turquie l'exposerait à des peines et traitements inhumains en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2011, présenté par le préfet du Bas-Rhin qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- son arrêté n'a pas méconnu les dispositions de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), en date du 30 juin 2011, accordant à Mlle A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2012 :

- le rapport de M. Wallerich, premier conseiller ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L.313-11 du CESEDA: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L.311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police." ; qu'aux termes de l'article R.313-22 du même code en vigueur à la date de la décision litigieuse : " Pour l'application du 11° de l'article L.313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire en application de l'article 12 bis (11°) ou qui invoque les dispositions de l'article 25 (8°) de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou un praticien hospitalier. " ; qu'aux termes de l'article 3 du même arrêté : " (...) le médecin agréé ou le praticien hospitalier établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution et, éventuellement, la possibilité de traitement dans le pays d'origine. Ce rapport médical est transmis, sous pli confidentiel, au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dont relève la résidence de l'intéressé " ; que l'article 4 du même arrêté prévoit que : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - si l'intéressé peut effectivement ou non bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; /- et la durée prévisible du traitement. / Il indique, en outre, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers son pays de renvoi. /. Cet avis est transmis au préfet par le directeur départemental des affaires sanitaires et sociales. " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont sont issues les dispositions précitées de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L.313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l' article R.313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant, d'une part, que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 27 août 2010, indiquant que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette dernière peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si la requérante produit un certificat médical en date du 25 janvier 2011 dans lequel un médecin généraliste indique que le traitement suivi par la requérante n'est pas disponible en Turquie, il ressort du certificat d'un praticien de l'hôpital américain d'Istanbul produit à l'appui de ses propres déclarations que le traitement y est bien disponible ; qu'au surplus, il est établi qu'un traitement alternatif pourrait lui être administré ; que la requérante ne peut utilement faire valoir qu'elle est probablement atteinte de plusieurs autres maladies en se prévalant de certificats postérieurs à la date de la décision attaquée ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les pathologies dont souffre Mlle A ne pourraient être prises en charge dans son pays d'origine ;

Considérant, d'autre part, que si la requérante fait valoir qu'en raison de ses ressources insuffisantes, elle ne peut accéder effectivement aux soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, elle ne produit, à l'appui de ses allégations, aucun document circonstancié permettant d'attester de l'insuffisance de ses ressources ou de son impossibilité de bénéficier d'une couverture sociale en Turquie ; qu'ainsi, il ressort de tout ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

Considérant que si Mlle A soutient qu'elle sera exposée à des traitements contraires aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Turquie, elle ne produit aucun élément probant de nature à établir le bien fondé de ses allégations ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions susvisées ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées aux fins d'injonction et sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991;

D E C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de Mlle A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Beyhan A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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11NC00658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00658
Date de la décision : 14/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : MOSER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-05-14;11nc00658 ?
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