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05/04/2012 | FRANCE | N°10NC01767

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 05 avril 2012, 10NC01767


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 novembre 2010, complétée par un mémoire enregistré le 4 novembre 2011, présentée pour la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ, dont le siège est 6 Grande rue à Fontette (10360), par Me Pierre, avocat ;

La SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701546 en date du 16 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en réduction, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er

août 2001 au 31 juillet 2004 par avis de mise en recouvrement du 9 décembre 2005,...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 novembre 2010, complétée par un mémoire enregistré le 4 novembre 2011, présentée pour la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ, dont le siège est 6 Grande rue à Fontette (10360), par Me Pierre, avocat ;

La SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701546 en date du 16 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en réduction, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er août 2001 au 31 juillet 2004 par avis de mise en recouvrement du 9 décembre 2005, d'autre part, du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2002, 2003 et 2004 ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) de prononcer les réductions demandées ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que l'administration a refusé la déduction de 25% de la taxe sur la valeur ajoutée exposée par la société pour la construction de la maison d'habitation située à Grasse, dès lors que la société justifie que M. et Mme y déploient une activité commerciale ;

- que c'est à tort que l'administration n'a admis la déduction que d'une partie de la taxe sur la valeur ajoutée exposée lors de la construction d'une cave et de son tunnel d'accès sous cette maison, ces locaux étant exclusivement et intégralement consacrés à la vente de champagne ;

- qu'elle avait dès le départ l'intention d'utiliser cette propriété pour développer son activité commerciale ;

- que les redressements opérés en matière d'impôt sur les sociétés doivent, en conséquence, être déduits du profit sur le Trésor retenu par l'administration ;

- que la participation du gérant dans la construction de la maison de Grasse n'a pas excédé un tiers de son temps de travail sur place et que c'est à tort que l'administration a, au-delà de cette proportion, réintégré le coût de sa participation dans le prix de revient de la maison ;

- qu'elle apporte les justifications du bien-fondé de la déduction de la totalité de la provision pour créances douteuses dont le service n'a admis qu'une déduction partielle ;

- qu'en utilisant une méthode de calcul inadaptée, l'administration a procédé à une surévaluation de l'avantage procuré à son gérant par la mise à disposition d'une maison d'habitation ;

- qu'eu égard à l'utilisation qu'elle a faite de cette propriété, c'est à tort que l'administration lui a appliqué des pénalités pour manquement délibéré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- qu'en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible relative à la maison, il résulte de tous les documents dont l'administration a disposé que la maison était affectée à un usage d'habitation principale et que les dépenses exposées ne l'ont pas été pour un bien initialement destiné à une utilisation professionnelle ;

- qu'en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible relative à la cave, il maintient ses précédentes écritures et qu'il n'est pas établi que l'intégralité de la cave était affectée à l'entreposage de bouteilles de champagne ;

- qu'en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible relative au tunnel d'accès, il résulte de ce qui précède que seule une déduction partielle pouvait être admise ;

- qu'en ce qui concerne l'insuffisance d'actif, la requérante n'apporte aucun élément démontrant que la participation de son gérant aux travaux de construction excédait celle qui avait été retenue pour l'application de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ;

- qu'il n'est pas démontré que la provision pour créance douteuse était déductible au-delà de 12 184 euros à la fin de l'exercice 2003, somme mentionnée par un courrier de l'avocat de la société comme étant le montant figurant alors dans l'assignation adressée au juge judiciaire ;

- que la valeur locative de la maison mise à la disposition de M. et Mme n'est pas appuyée de justifications précises et ne constitue pas une critique convaincante du montant de l'acte anormal de gestion résultant de cette mise à disposition ;

- qu'eu égard à l'envergure de l'opération de construction de cette maison, de la connaissance qu'en avait la société requérante, la majoration de 40% prévue par l'article 1729 du code général des impôts est justifiée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2012 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant, d'une part, que l'article 236 alors en vigueur de l'annexe II au code général des impôts prévoyait que la taxe sur la valeur ajoutée qui avait grevé les dépenses supportées par les entreprises pour assurer le logement de leurs dirigeants et de leur personnel était exclue du droit à déduction.

Considérant que la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ, producteur de champagne à Fontette dans la Marne, a déduit la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux travaux, effectués de 2001 à 2004, de construction d'une maison située à Grasse et de ses dépendances souterraines, composées de deux garages, d'une cave et de leur tunnel d'accès ; que le service, qui a estimé que la maison était exclusivement destinée à l'habitation des gérants de la société, M. et Mme , après leur retraite et que seule une partie de la cave servait à entreposer des marchandises destinées à la vente, n'a admis la déduction que de 30, 8 % du montant de la taxe sur la valeur ajoutée exposée au titre des travaux relatifs aux dépendances ; que pour soutenir qu'il convient de déduire 25% de la taxe sur la valeur ajoutée relative à la totalité des travaux, la société requérante fait valoir que M. et Mme ont développé, depuis cette propriété, une intense activité commerciale propre à accroître les ventes de champagne vers le Sud de la France et l'Italie et qu'ils y ont créé un établissement secondaire permettant l'accueil du public, la vente et l'expédition d'un nombre croissant de bouteilles entreposées sur place ; que, toutefois, les documents relatifs aux travaux font exclusivement état de la construction d'une maison destinée à l'habitation et de ses dépendances ; que les éléments produits par la contribuable ne montrent la création d'un véritable établissement secondaire à Grasse qu'à partir de 2010 et non au cours de la période vérifiée, alors même qu'à cette époque M. et Mme participaient à la vie associative locale et que certaines factures établies au nom et à l'adresse de la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ à Fontette comportaient un ajout manuscrit mentionnant "Grasse" ; que le tableau produit en appel, en vue de démontrer que le pourcentage de ventes effectuées sur le site de Grasse aurait été en constante progression à partir de 2001, n'est assorti d'aucune pièce justificative ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration n'a pas admis la déduction pour un montant supplémentaire de la taxe sur la valeur ajoutée exposée au titre des travaux de construction en cause ;

Considérant, d'autre part, que si la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ fait valoir pour la première fois en appel qu'elle était en droit de déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse, dès lors qu'elle avait, dès l'origine, entrepris les travaux en vue de réaliser dans la propriété de Grasse des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, une telle intention, en tout état de cause, ne résulte pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des pièces jointes au dossier, dès lors que la création d'un établissement secondaire n'est démontrée qu'à compter de 2010 ;

Sur l'impôt sur les sociétés :

En ce qui concerne le profit sur le Trésor :

Considérant qu'il résulte de ce qui est dit ci-dessus que la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ n'est pas fondée à demander, en conséquence de l'absence de bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés, la réduction des redressements assignés au titre du profit sur le Trésor correspondant ;

En ce qui concerne l'insuffisance d'actif :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : ... / Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières ou fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers." ;

Considérant que l'administration a intégré dans le prix de revient des bâtiments édifiés par la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ à Grasse, des charges indirectes de construction correspondant à la rémunération du gérant de la société à raison de son activité de surveillance des travaux, évaluées à un mois et demi de travail en 2002 et à deux mois de travail en 2003 ; que la société requérante se borne à faire valoir, sans autres précisions, que M. n'avait en réalité consacré qu'un quart de son temps à cette surveillance, dès lors qu'il devait également remplir de nombreuses autres tâches, administratives, commerciales et comptables lorsqu'il se trouvait à Grasse ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardé comme justifiant le montant du redressement en litige ;

En ce qui concerne la provision pour créance douteuse :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges,... notamment .... / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice..." ;

Considérant que la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ a constaté dans ses écritures de l'exercice clos le 31 juillet 2004, une provision pour créance douteuse d'un montant de 15.017 euros hors taxes correspondant à un montant de 18.110, 79 euros TTC en raison d'un litige avec l'un de ses agents commerciaux ; qu'au vu d'une lettre de l'avocat de la contribuable, mentionnant que la dette pour laquelle il avait assigné cet agent commercial à la fin de l'année 2003 devant le tribunal de commerce, n'était plus que de 10.186 euros hors taxes, le vérificateur a réintégré dans le bénéfice imposable de la société, la différence entre ce montant et celui inscrit en comptabilité ; que pour contester cette réintégration, la société se borne à soutenir que la lettre de son avocat comportait une erreur matérielle et ne produit qu'une assignation de 2006, postérieure à la période vérifiée, portant sur le montant de 15.017 euros hors taxes ; que, dans ces conditions, la société requérante ne justifie pas qu'à la date de clôture de l'exercice 2004, elle n'avait pas renoncé à poursuivre le recouvrement de la totalité de sa créance et que des événements en cours à cette date rendaient la perte probable au-delà de la somme de 10.186 euros hors taxes ;

Sur l'acte anormal de gestion :

Considérant que le service a réintégré dans le bénéfice imposable de la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ au titre de l'exercice clos en 2004, un montant de 7.000 euros correspondant à l'avantage en nature résultant de la mise à disposition de M. et Mme de la maison de Grasse à partir du mois de juin 2004 ; que faute d'éléments de comparaison, le service à évalué la valeur locative de l'immeuble à 6% de son prix de revient, par référence aux taux constatés sur le marché local ; que la contribuable, qui admet l'absence d'éléments de comparaison pour ce type de maison compte tenu de ses modalités d'occupation, propose d'exclure du calcul de la valeur locative, les parties de la construction destinées à un usage professionnel et commercial ; que, toutefois, ainsi qu'il est dit ci-dessus, la réalité d'une telle utilisation professionnelle au cours de la période d'imposition en litige ne résulte pas de l'instruction ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe du bien-fondé des redressements en cause ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : "Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré /..." ;

Considérant que l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe, dès lors qu'elle a reconnu que la maison située à Grasse faisait l'objet d'une usage professionnel partiel, de ce que la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ ne pouvait ignorer que les dépenses qu'elle avait supportées avaient été exposées, au-delà des redressements assignées, uniquement en vue d'assurer le logement de ses dirigeants ; qu'ainsi, elle n'établit pas que les manquements commis par la requérante étaient délibérés et justifiaient l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur la majoration pour manquement délibéré ;

D E C I D E :

Article 1er : La SAS CHAMPAGNE CRISTIAN est déchargée des pénalités pour manquement délibéré.

Article 2 : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 4 novembre 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ est rejeté.

Article4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS CHAMPAGNE CRISTIAN SENEZ et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.

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N° 10NC01767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01767
Date de la décision : 05/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : SELARL NOMODOS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-04-05;10nc01767 ?
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