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15/03/2012 | FRANCE | N°10NC01158

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 15 mars 2012, 10NC01158


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2010, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE, dont le siège est 16-18 boulevard de la Marne, BP 759, à Auxerre (89007 cedex), par Me Lefebvre, avocat ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801497 en date du 20 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de La Chapelle Saint-Luc à lui payer à titre de dommages et intérêts

la somme de 137 204,11 euros augmentée des intérêts légaux à compter...

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2010, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE, dont le siège est 16-18 boulevard de la Marne, BP 759, à Auxerre (89007 cedex), par Me Lefebvre, avocat ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801497 en date du 20 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de La Chapelle Saint-Luc à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 137 204,11 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 22 avril 1997, ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et de condamner la commune de La Chapelle Saint-Luc à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 137 204,11 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 22 avril 1997 ;

3°) de condamner la commune de La Chapelle Saint-Luc à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Chapelle Saint-Luc le paiement d'une somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le juge administratif est compétent pour connaître de la responsabilité quasi-délictuelle d'une commune à raison de son comportement dans la garantie qu'elle a donnée ;

- le défaut d'annulation du cautionnement par le juge judiciaire n'a aucune incidence sur la responsabilité extracontractuelle de la commune dans la mesure où le contrat de cautionnement est, consécutivement à l'irrégularité de la délibération qui l'a autorisé, qui a été jugée par le Tribunal administratif le 21 décembre 2006, inopposable à la commune ; le Tribunal administratif ne pouvait, par le jugement attaqué, rejeter l'action fondée sur la responsabilité extracontractuelle de la commune au motif que le juge judiciaire n'avait pas déclaré nul le cautionnement et que l'action en responsabilité ne pouvait avoir qu'un fondement contractuel ; en l'espèce, un acte illégal ne pouvant être mis en oeuvre, le cautionnement donné par la commune de La Chapelle Saint-Luc ne pourra pas jouer ; cette inopposabilité ne saurait être opposée à la requérante, qui n'a aucune responsabilité quant à l'irrégularité de la délibération du conseil municipal autorisant le maire à souscrire l'engagement de caution, ni connaissance de cette irrégularité, ni ne pouvait avoir aucune possibilité d'intervention ; la faute de la commune de La Chapelle Saint-Luc étant à l'origine de l'impossibilité pour la requérante de se prévaloir du cautionnement, sa responsabilité extracontractuelle doit être engagée et elle doit être condamnée au versement de la somme de 137 204,11 euros (900 000 francs) ;

- l'attitude de la commune de La Chapelle Saint-Luc consistant à attirer des investisseurs dans la commune par le biais de garanties pour, à la première difficulté, renier ses engagements en se prévalant de ses propres fautes doit être sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 5 000 euros ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2010, présenté pour la commune de La Chapelle Saint-Luc, qui conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requérante ne saurait soutenir qu'il ne s'agit pas d'invoquer la nullité du contrat, mais seulement son inopposabilité ;

- l'annulation ou l'illégalité déclarée d'un acte détachable d'un contrat n'entraînant de facto ni l'annulation, ni l'inopposabilité du contrat conclu sur le fondement de cet acte, c'est à bon droit que le Tribunal administratif a constaté que le contrat subsistait tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge compétent ;

- la CRCAM ne peut exercer d'autre action que celle procédant de ce contrat, et ne peut invoquer, devant le juge administratif, une faute de la commune sur le terrain de sa responsabilité extra-contractuelle ;

- il s'agit en l'espèce d'un contrat de droit privé, qui relève de la compétence du juge judiciaire ;

- une éventuelle responsabilité extra-contractuelle résultant des conditions de conclusion de ce contrat relève également de la compétence du juge judiciaire ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :

- le rapport de M. Luben, président,

- et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;

Considérant que, par une délibération en date du 4 mars 1988, la commune de La Chapelle Saint-Luc s'est portée caution à hauteur de 900 000 francs d'un prêt consenti par la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Aube à la société Bestiss ; que la convention de prêt a été conclue le 17 mai 1988 ; que, par un jugement du 18 février 1991, le Tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Bestiss ; que, par un jugement du 2 juin 1999, le Tribunal de grande instance de Troyes a déclaré que l'appréciation de la légalité de la délibération susvisée, en vertu de laquelle le cautionnement avait été souscrit, constituait une question préjudicielle relevant de la compétence de la juridiction administrative ; que, par un courrier en date du 9 août 1996, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE, venant aux droits de la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Aube, a demandé à la commune de La Chapelle Saint-Luc le remboursement du montant de la caution ; que cette demande a été rejetée par un courrier en date du 8 octobre 1996 par la commune de La Chapelle Saint-Luc ; que, par un jugement du 21 décembre 2006, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a déclaré illégale la délibération en date du 4 mars 1988, celle-ci ayant été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune de La Chapelle Saint-Luc à verser la somme de 137 204,11 euros :

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la suite du jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne déclarant illégale la délibération du conseil municipal de la commune de La Chapelle Saint-Luc en date du 4 mars 1988, le contrat de cautionnement conclu sur cette base par le maire de la commune de La Chapelle Saint-Luc avec la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Aube ait été déclaré inopposable ou nul par le juge du contrat, soit le juge judiciaire, seul compétent en l'espèce, le contrat étant de droit privé ; que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE ne peut exercer à l'encontre de la commune de La Chapelle Saint-Luc, en raison du préjudice dont elle demande réparation, d'autre action que celle procédant de ce contrat tant que ce dernier subsiste ; qu'elle n'est ainsi pas recevable à invoquer sur le terrain de la responsabilité extra contractuelle les fautes qu'elle impute à la commune de La Chapelle Saint-Luc, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune de La Chapelle Saint-Luc à verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de son attitude :

Considérant que, comme l'ont à bon droit jugé les premiers juges, cette attitude de la commune, à la supposer fautive et de nature à engager la responsabilité de celle-ci sur un fondement autre que le contrat, ne peut être regardée comme ayant entraîné un préjudice distinct du préjudice financier s'élevant au montant de la caution non versée ; que, par suite, les conclusions susvisées doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 20 mai 2010, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de La Chapelle Saint-Luc à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 137 204,11 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 22 avril 1997, ainsi que la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE le paiement à la commune de La Chapelle Saint-Luc de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE est rejetée.

Article 2 : La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE versera à la commune de La Chapelle Saint-Luc une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CHAMPAGNE-BOURGOGNE et à la commune de La Chapelle Saint-Luc.

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