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09/01/2012 | FRANCE | N°10NC00413

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 09 janvier 2012, 10NC00413


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2010, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES représenté par son directeur général, ayant son siège 101 avenue Anatole France à Troyes (10 003), par la SCP d'avocats Delachenal et Bimet ; Le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601972-0801253 en date du 22 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à payer à la SA Demathieu et Bard la somme de 458 381,65 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter de la date de

réception du mémoire de réclamation du 27 février 2006, et capitalisation ...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2010, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES représenté par son directeur général, ayant son siège 101 avenue Anatole France à Troyes (10 003), par la SCP d'avocats Delachenal et Bimet ; Le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601972-0801253 en date du 22 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à payer à la SA Demathieu et Bard la somme de 458 381,65 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réception du mémoire de réclamation du 27 février 2006, et capitalisation des intérêts à compter du 13 mai 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Demathieu et Bard devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

3°) de condamner la SA Demathieu et Bard à lui verser une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif a considéré que seule la requête enregistrée le 27 octobre 2006 était irrecevable faute d'avoir été régularisée dans un délai de six mois à compter du rejet par le maître d'ouvrage du projet de décompte de l'entreprise qui lui a été notifié par courrier reçu le 3 avril 2006 alors que la requête enregistrée le 15 mai 2008 était également irrecevable en application de l'article 50.32 du CCAG travaux ;

- les demandes de la SA Demathieu et Bard étaient également irrecevables en application des articles 50.11 et 50.21 du CCAG dès lors que son mémoire en réclamation n'a fait l'objet d'aucun mémoire complémentaire dans le délai de trois mois ; en application de l'article 13.44 du CCAG travaux, la société ne pouvait en effet reprendre dans le cadre de la contestation de l'établissement du décompte général des réclamations antérieurement formulées qu'à la condition qu'elles n'aient pas fait l'objet d'un règlement définitif ;

- l'expert a fait preuve de partialité durant le déroulement des opérations d'expertise et dans ses conclusions dès lors qu'il a arrêté sa position avant d'être en possession de l'intégralité des documents nécessaires à la formalisation d'un avis objectif alors que la maîtrise d'oeuvre et l'OPC ont été absents de certaines réunions et qu'en se qualité de maître d'ouvrage il ne pouvait répondre aux questions relevant de la compétence de la maîtrise d'oeuvre ;

- c'est à tort que l'allongement des délais d'exécution a été estimé à 9,5 mois alors que l'expert n'a effectué aucune décomposition du déroulement chronologique du chantier période par période ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le CENTRE HOSPITALIER avait commis des négligences en termes de direction et de contrôle du marché consécutives d'une faute de nature à engager la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage alors qu'en sa qualité de maître d'ouvrage non professionnel, il s'est rapporté au cabinet Asciste Ingénierie ainsi qu'à la maîtrise d'oeuvre et que la désignation tardive des titulaires de certains lots de second oeuvre résulte d'appels d'offres infructueux et que les conséquences de la nécessité de procéder à la démolition d'une galerie technique traversant le chantier ne peuvent lui être imputées ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de l'entreprise susceptible d'atténuer cette responsabilité alors que les retards sont partiellement imputables à l'entreprise SA Demathieu et Bard dont trois semaines au titre de la fourniture tardive des plans, quatre semaines au démarrage du chantier et deux mois et demi sur les verticaux en rez-de-jardin, les panneaux préfabriqués et les dallages files 1 à 10 ;

- l'entreprise n'a pas justifié du caractère certain et direct des préjudices liés à des ruptures dans le rythme de la production alors que les immobilisations de matériels et de personnels correspondant ne sont pas justifiées ;

- c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'une somme de 51 370,89 € devait être allouée au titre des travaux supplémentaires alors que la maîtrise d'oeuvre a pris en considération l'ensemble des ordres services correspondants ;

- l'entreprise s'est vue appliquer 29 jours de pénalités de retard pour un montant de 55 749,08 € en application de l'article 4.3 de l'additif au CCAG ;

- l'entreprise doit également supporter une retenue de 5 960,44 € au titre de travaux non réalisés ;

- c'est à tort que le Tribunal a ordonné une mesure d'expertise avant de procéder à l'examen de ses demandes indemnitaires complémentaires au titre de la période postérieure à celle prise en compte par le rapport d'expertise ;

- le Tribunal n'a pas statué sur ses conclusions d'appel en garantie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2010, présenté pour la SA Demathieu et Bard ayant son siège social 17 rue Vénizélos à Montigny-les-Metz (57950), représentée par son président, par Me Lebon, avocat ; la société SA Demathieu et Bard demande à la Cour, d'une part, de rejeter la requête susvisée, d'autre part, par la voie du recours incident, de condamner le CENTRE HOSPITALIER GENERAL (CHG) DE TROYES à lui verser la somme complémentaire de 298 169, 41 euros augmentée des intérêts moratoires au taux en vigueur à compter du 27 février 2006, avec capitalisation des intérêts à compter du 13 mai 2008, puis à chaque échéance annuelle, enfin de mettre à la charge du CHG DE TROYES une somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- sa demande est recevable dès lors qu'un décompte général a été élaboré par le centre hospitalier qui ne l'a pas notifié à l'entrepreneur dans les conditions prévues par l'article 13.42 du CCAG ;

- dès lors qu'elle avait adressé un mémoire en réclamation au maître d'oeuvre, elle n'était pas tenue d'adresser un nouveau mémoire de réclamation à la personne responsable du marché ;

- l'appel du centre hospitalier est irrecevable dès lors qu'il se borne à reprendre ses moyens de première instance sans les assortir d'aucune critique du jugement attaqué ;

- le Tribunal administratif a pu constater que les travaux de la phase 2 ont été achevés le 28 février 2003 alors que le planning contractuel prévoyait la fin de ces travaux le 16 mai 2002 ;

- aucun retard ne peut lui être imputé dès lors que les plans de synthèse n'ont pu être établis en raison de la seule négligence de la société Chrystal, que ses propres plans ont fait l'objet d'un visa le 1er décembre 2001 sans réserve majeure et que le montage de la grue s'est fait de façon conforme au planning de l'OPC du 9 novembre 2001 ;

- le moyen tiré des lacunes de la maîtrise d'oeuvre est inopérant à son égard ;

- les préjudices résultent des fautes du maître d'ouvrage en termes de direction et de contrôle du marché dès lors qu'il n'a pas su respecter les délais prévus ni le planning initial ;

- l'allongement de 9,5 mois retenu par le Tribunal administratif a pour causes principales la désignation tardive de certains corps d'état stratégiques, la difficulté de mise à disposition des plans de synthèse et modification du projet et la durée de réalisation de la deuxième partie du bâtiment en raison de l'absence de démolition du caniveau ;

- si le prix auquel l'entreprise s'est engagée est réputé comprendre toutes les sujétions susceptibles de résulter de la présence de canalisations et conduites de toute nature, cela ne vise pas celles que le maître d'ouvrage s'était engagé à retirer préalablement ;

- le préjudice subi au-delà de la période prise en compte dans son mémoire de mai 2002 s'élève à 140 563,35 € HT ;

- c'est à bon droit que le Tribunal a accordé une somme de 51 370,89 € au titre des travaux supplémentaires lesquels résultent des ordres de services n° 3, 6, 7, 9, 15 et 17 ;

- les pénalités de retard alléguées par le centre hospitalier ne sont pas justifiées dès lors que les travaux de la cage d'escalier faisaient partie de la phase 3 du chantier ;

- les réserves et malfaçons alléguées font l'objet d'une expertise complémentaire ;

- l'expertise ordonnée par le Tribunal est justifiée ;

- c'est à tort que le Tribunal a écarté son préjudice lié au sous-emploi de 15 ouvriers durant 1,75 mois et celui lié à l'exécution de la deuxième tranche pour les files 10 et 12 pour un montant total de 298 160,41€ ;

Vu l'ordonnance du 18 janvier 2011 fixant la clôture de l'instruction au 15 février 2011 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, ensemble ledit cahier des charges ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011 :

- le rapport de M. Wallerich, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Delachenal, conseil du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES, et de Me Lebon, conseil de la SA Demathieu et Bard ;

Considérant que dans le cadre des travaux d'extension des locaux du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES (CHG de TROYES) et suivant acte d'engagement du

23 mai 2001, la société Demathieu et Bard s'est vue confier le lot n° 2 Gros oeuvre pour un prix global et forfaitaire de 1 922 382,11 euros HT soit 2 399 169 euros TTC ; qu'au vu de l'allongement des délais d'exécution du chantier, la société, par courrier du 30 mai 2002, a adressé un mémoire de réclamation au directeur du centre hospitalier pour un montant de 589 608 euros HT, mémoire rejeté par courrier du maître d'ouvrage délégué le 9 octobre 2002 ; que saisi par la société Demathieu et Bard d'une demande en ce sens, le président du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a ordonné le 6 novembre 2003 une expertise dont le rapport a été déposé le 4 novembre 2004 ; que la réception globale des travaux ayant été prononcée avec effet au 22 juillet 2005, la société Demathieu et Bard a adressé son projet de décompte final au maître d'oeuvre par courrier du 14 décembre 2005 reçu le 15 décembre 2005 ; que, n'ayant reçu aucune réponse, elle a, par courriers du 27 février 2006, mis le maître d'ouvrage et le maître d'ouvrage délégué en demeure de lui notifier le décompte général ; que par courrier reçu le 3 avril 2006 par l'entreprise, le maître d'ouvrage a rejeté son projet de décompte ; que, par ordre de service daté du 26 janvier 2007, le décompte général a été signé par le maître d'ouvrage sans toutefois être notifié à la société ; que par deux requêtes enregistrées respectivement le 27 octobre 2006 sous le n° 0601972 et le 13 mai 2008 sous le n° 0801253 la société Demathieu et Bard a demandé au Tribunal d'établir le décompte général du marché litigieux ; que par le jugement attaqué, le Tribunal, d'une part, a rejeté la demande de la société enregistrée sous le n° 0601972 pour tardiveté et, d'autre part, a condamné le centre hospitalier à payer à la société Demathieu et Bard la somme de 458 381,65 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réception du mémoire de réclamation du 27 février 2006, et capitalisation des intérêts à compter du 13 mai 2008 au titre de sa responsabilité contractuelle dans l'allongement des délais d'exécution des phases 1 et 2 des travaux et, avant de statuer sur le surplus des conclusions, a ordonné une expertise sur les conditions d'exécution de la phase 3 du marché ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, que si le CHG de TROYES reprend en appel son moyen tiré de l'irrégularité des opérations d'expertise, il ressort de la lecture du jugement attaqué, que le tribunal administratif a accueilli favorablement ce moyen en retenant le rapport remis par l'expert à titre d'information dès lors qu'il a été versé au dossier et soumis de ce fait au débat contradictoire des parties ; que le jugement n'est, ainsi, pas entaché d'irrégularité sur ce point ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard aux missions confiées à l'expert à la suite de l'ordonnance du 6 novembre 2003 du président du Tribunal, les premiers juges ont pu, sans commettre d'erreur, estimer que l'état de l'instruction ne leur permettait pas de se prononcer sur les prétentions de la société Demathieu et Bard se rapportant aux retards dans l'exécution de la phase 3 du marché, et ordonner une expertise complémentaire afin de déterminer notamment l'importance des retards d'exécution de cette phase du marché et leur imputabilité ;

Considérant, enfin, que le Tribunal ayant réservé jusqu'à la fin de l'instance dans son jugement avant dire droit, tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'a pas statué expressément, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'une omission à statuer sur ses conclusions d'appel en garantie ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la SA Demathieu et Bard tirée du défaut de motivation de la requête d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. /L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ; que l'article R. 811-13 du même code dispose : Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV (...) ;

Considérant que la requête du CHG de TROYES contient des moyens de droit et l'exposé des faits tout en critiquant le jugement de première instance ; qu'ainsi, elle satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative applicable à la procédure d'appel en vertu de l'article R. 811-13 du même code ; que, par suite, la fin de non-recevoir susanalysée doit être écartée ;

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des articles 13-3 et suivants et 13-4 et suivants du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux susvisé : 13-3 Décompte final : / Après l'achèvement des travaux, l'entrepreneur, concurremment avec le projet de décompte afférent au dernier mois de leur exécution ou à la place de ce projet, dresse le projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, les évaluations étant faites en tenant compte des prestations réellement exécutées. / (...) L'entrepreneur est lié par les indications figurant au projet de décompte final, sauf sur les points ayant fait l'objet de réserves antérieures de sa part, ainsi que sur le montant définitif des intérêts moratoires. / Le projet de décompte final par l'entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d'oeuvre ; il devient alors le décompte final./ 13-4 Décompte général. - Solde : / Le maître d'oeuvre établit le décompte général qui comprend : - le décompte final défini au 34 du présent article ; / - l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies au 21 du présent article pour les décomptes mensuels ; / - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. / le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. ; qu'aux termes des stipulations de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux : 50.11. Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, L'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées que le projet de décompte final dont le constructeur saisit le maître d'oeuvre après la réception des travaux a vocation à retracer l'ensemble des sommes auxquelles peut prétendre l'entrepreneur du fait de l'exécution du marché

afin de permettre au maître d'oeuvre, s'il le souhaite, de rectifier ce projet dans le cadre de la procédure d'établissement du décompte général ; que, dès lors, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir qu'une partie des sommes figurant dans le projet de décompte final présenté par la société Demathieu et Bard étant relative à des travaux supplémentaires ou à l'incidence financière de divers événements ayant retardé ou compliqué l'exécution du chantier devait être regardée comme l'expression d'une réclamation relevant de la procédure de règlement des litiges entre l'entreprise et le maître d'oeuvre prévue à l'article 50-11 du CCAG, dont l'absence de mise en oeuvre rendrait irrecevable la demande au juge ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux : 42. Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service ...45. Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de ... quarante-cinq jours..., ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. ; qu'aux termes des stipulations de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux : 22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. / 23. La décision à prendre sur les différents prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. ... 32. Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. ; qu'il résulte des stipulations combinées précitées du cahier des clauses administratives générales que c'est l'approbation par l'entrepreneur du décompte général signé par le maître de l'ouvrage ou l'expiration du délai de réclamation laissé à l'entrepreneur qui confèrent à ce décompte son caractère définitif et intangible, lequel a notamment pour effet d'interdire aux parties toute contestation ultérieure sur les éléments de ce décompte ; que, lorsque la personne responsable du marché s'abstient de notifier dans les conditions prévues par l'article 13-42 précité le décompte général à l'entrepreneur, le décompte général ne peut être regardé comme étant devenu définitif ni à l'égard du maître de l'ouvrage ni à l'égard de l'entrepreneur et peut ainsi être contesté devant le juge du contrat ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Demathieu et Bard ait reçu notification de l'ordre de service du 26 janvier 2007 portant décompte général du marché ; que la société soutient, sans être utilement contredite qu'elle n'a eu connaissance de cet ordre de service que le 16 juillet 2007 lors de la communication de pièces par le greffe de la Cour ; qu'en l'absence de notification dans les conditions prévues par l'article 13-42 du cahier des clauses administratives générales, le décompte général ne saurait être regardé comme définitif ; que dans ces conditions, le CHG de TROYES ne peut utilement soutenir que la demande de la société Demathieu et Bard enregistrée au greffe du Tribunal administratif le 15 mai 2008 était tardive en application de l'article 50.32 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux ;

Sur le règlement du marché :

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maître d'oeuvre a intégré, dans le décompte général établi le 26 janvier 2007, les montants correspondant aux travaux supplémentaires exécutés par la société Demathieu et Bard conformément aux ordres de service n° 3, 6, 9 et 17 ; que si la société sollicite le paiement des prestations réalisées pour des montants supérieurs, conformes à ses devis, le maître d'oeuvre a expressément rectifié les montants en cause et intégré les montants acceptés par lui dans les ordres de services n° 3, 6 et 9 ; que l'entreprise ne justifie pas des écarts de prix revendiqués nonobstant les réserves formulées lors de la réception desdits ordres de service ; que s'agissant de l'ordre de service n° 17, la société ne démontre pas avoir réalisé un carottage supplémentaire à la demande du maître d'ouvrage ; qu'en revanche, les travaux correspondant aux ordres de service n° 7 et 15, arrêtés respectivement pour des montants de 780 et 1 400 euros HT, ont été omis dans le décompte établi par la maîtrise d'oeuvre ; qu'ainsi la somme de 49 952,25 euros HT soit 51 370,89 euros TTC que le Tribunal a alloué au titre de la rémunération des travaux supplémentaires doit être ramenée à hauteur de 2 180 euros HT soit 2 607,28 euros TTC ;

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

Considérant que, si des difficultés sont rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait, elles ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de l'administration ;

S'agissant de l'allongement des délais :

Considérant que par ordre de service n° 0 du 16 juillet 2001, le centre hospitalier a invité la société Demathieu et Bard à commencer la préparation du chantier, et que, par ordre de service n°1, il lui a ordonné de commencer les travaux le 17 septembre 2001 ; qu'alors que le planning contractuel prévoyait la fin des travaux pour les phases 1 et 2 le 16 mai 2002, les travaux de la phase 2 se sont effectivement achevés le 28 février 2003, soit globalement avec 9,5 mois de retard ; qu'il résulte de l'instruction que l'allongement des délais d'exécution des phases 1 et 2 est dû essentiellement au manque de préparation de l'opération imputable au maître d'ouvrage qui, par ses négligences, a rendu nécessaire des mises au point au fur et à mesure de l'avancement des travaux qui ont grandement obéré le déroulement normal du chantier ; que le maître d'ouvrage a ordonné le commencement des travaux par l'ordre de service n°1 précité notifié le 1er août 2001 alors même que certains marchés de second oeuvre n'ont été notifiés que le 10 décembre 2001 ; que la désignation tardive des titulaires de certains lots de second oeuvre et les retards dans la définition des prestations correspondantes ont grandement retardé la fourniture des plans de synthèse des réservations, plans nécessaires à l'entreprise chargée des travaux de gros oeuvre ; que, jusqu'au 17 décembre 2001, aucun plan de synthèse n'avait pu être fourni par la cellule de synthèse dépendant de la maîtrise d'oeuvre, alors même que le 10 décembre 2001 les fondations auraient dû être avancées à plus de 50 %, que les verticaux du rez-de-jardin devaient commencer, selon le planning contractuel, et que les fonds de plan correspondants avaient été remis en amont par l'entreprise dès le mois de septembre 2001 ; que, lors de la réunion de chantier du 4 mars 2002, aucun accord n'avait encore été donné sur l'ensemble des réservations afférentes

aux poutres du plancher haut du rez-de-jardin ; que, le 7 mars 2002, l'entreprise requérante sollicitait encore le maître d'ouvrage pour connaître la date à laquelle la démolition de la galerie technique traversant le chantier pourrait intervenir, galerie technique abritant des canalisations indispensables à l'activité de l'hôpital alors même que cette démolition était programmée avant le début des travaux de l'entreprise, démolition subordonnée aux accords de l'autorité de tutelle sur le projet du bâtiment urgence non encore obtenus ; que la présence de cette galerie technique a contraint l'entreprise à réaliser la phase 2 des travaux, phase relative à la construction du bâtiment neuf, en deux tranches séparées par une interruption de chantier non prévue au planning contractuel ; que l'ensemble de ces négligences en termes de direction et de contrôle du marché constitue une faute de nature à engager la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage ; qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de l'entreprise susceptible d'atténuer cette responsabilité ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est sans commettre d'erreur que le Tribunal a regardé le centre hospitalier comme responsable à l'égard de la société Demathieu et Bard de l'intégralité des conséquences dommageables de l'allongement du délai d'exécution des travaux des phases 1 et 2 ;

S'agissant du préjudice :

Considérant que la société Demathieu et Bard a demandé à être indemnisée des ruptures dans le rythme de production de l'entreprise et des immobilisations de matériel et de personnel correspondantes imputables au maître d'ouvrage ; qu'il y a lieu, en partant des estimations de la société, corroborées par les analyses du rapport d'expertise et les pièces versées au dossier, de retenir l'indemnisation de l'inactivité des moyens et des personnels mobilisés pendant la phase 1 programmée en début de chantier à hauteur de 1,25 mois, soit 63 406 euros HT ; qu'il y a lieu de retenir l'indemnisation des conséquences des retards dans l'élaboration, la diffusion et les modifications des plans de synthèse pendant la phase 2 à hauteur de 208 207 euros HT, correspondant à 2,5 mois d'immobilisation en moyens et en personnels et à des reprises d'études d'exécution ; qu'il y a lieu de retenir les conséquences de l'arrêt de chantier à l'emplacement des files de poteaux 10 à 12, correspondant à l'immobilisation du matériel pendant 2,5 mois, d'un chef de chantier, d'un conducteur de travaux, et d'un grutier, chacun pendant 1,75 mois, respectivement à 70 %, 50 % et 50 %, à hauteur de 68 697 euros HT ; qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a fixé le montant de l'indemnité due au titre de sa responsabilité contractuelle dans l'allongement des délais d'exécution des phases 1 et 2 à la somme de 340 310 euros HT soit 407 010,76 euros TTC ;

Sur l'appel incident :

Considérant que la société Demathieu et Bard demande, par la voie de l'appel incident, la réparation de son préjudice lié au sous-emploi de 15 ouvriers durant 1,75 mois et celui lié à l'exécution de la deuxième tranche pour les files 10 et 12 pour un montant total de 298 160,41€ ; qu'il n'y a toutefois pas lieu de retenir le sous-emploi de la main-d'oeuvre directe d'ouvriers compagnons allégué par la société à ce titre, ce préjudice n'étant pas directement imputable au maître d'ouvrage, la société ayant été en mesure de prendre ses dispositions en matière d'affectation de ladite main-d'oeuvre pour absorber cet aléas en l'absence de caractère brusque de l'arrêt de chantier en cause ; qu'elle n'établit pas davantage le préjudice qu'elle invoque au titre de l'exécution des travaux de la deuxième tranche à l'emplacement des files de poteaux 10 à 12, le

caractère inéluctable de l'exécution en deux tranches des travaux de la phase 2 étant connu suffisamment à l'avance pour que l'entreprise puisse prendre des mesures afin d'éviter toute perte de productivité ; que, de même, aucun préjudice au titre du repli et retour du matériel n'est établi ; qu'ainsi la société Demathieu et Bard n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, une somme complémentaire de 298 169, 41 euros en réparation du préjudice subi au titre de l'allongement des délais d'exécution des phases 1 et 2 des travaux ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme à laquelle le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES a été condamnée à verser à la société Demathieu et Bard doit être ramenée au montant de 409 618,04 euros TTC, cette somme portant intérêts à compter du 27 février 2006 et capitalisation à compter du 13 mai 2008 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que, la société Demathieu et Bard, partie perdante, puisse se voir allouer les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la société Demathieu et Bard à verser au CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES la somme qu'elle réclame sur ce fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 458 381,65 euros TTC que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES a été condamné à verser à la société Demathieu et Bard par le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 22 décembre 2009 est ramenée à un montant de 409 618,04 euros TTC.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 22 décembre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire avec l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES, les conclusions d'appel incident et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la SA Demathieu et Bard sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE TROYES, à la société Demathieu et Bard et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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11NC00413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00413
Date de la décision : 09/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SCP DELACHENAL ET BIMET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-01-09;10nc00413 ?
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