La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2011 | FRANCE | N°10NC00088

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 20 octobre 2011, 10NC00088


Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 19 janvier 2010, complété par un mémoire enregistré le 3 mai 2011, présentés par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le MINISTRE demande à la Cour :

1°) de réformer les articles 2 et 3 des jugements n° 0605322 et 0606017 en date du 8 octobre 2009 par lesquels le Tribunal administratif de Strasbourg a déchargé M. Stanislas A, d'une part, à hauteur de 109 073 euros du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquels il a été a

ssujetti au titre de l'année 2002, d'autre part, à hauteur de 257 057 euros du ...

Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 19 janvier 2010, complété par un mémoire enregistré le 3 mai 2011, présentés par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le MINISTRE demande à la Cour :

1°) de réformer les articles 2 et 3 des jugements n° 0605322 et 0606017 en date du 8 octobre 2009 par lesquels le Tribunal administratif de Strasbourg a déchargé M. Stanislas A, d'une part, à hauteur de 109 073 euros du complément d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2002, d'autre part, à hauteur de 257 057 euros du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 par avis de mise en recouvrement des 30 juin et 17 mai 2005 ;

2°) de remettre l'impôt sur le revenu contesté à la charge de M. Stanislas A en conséquence d'un bénéfice imposable de 26 400 euros ainsi que la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée ;

Il soutient :

- qu'en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, M. A n'a pas apporté d'éléments de nature à critiquer valablement la méthode de reconstitution retenue par l'administration mais qu'il convient d'admettre un montant de charges de 80 % des recettes, ce qui aboutit à un bénéfice imposable de 26 400 euros cohérent avec le résultat de l'exercice précédent ;

- qu'en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, aucune déduction ne pouvait être opérée faute pour le redevable d'être en possession de factures et faute pour lui d'apporter la preuve de l'exagération des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

- qu'en ce qui concerne les moyens soulevés par M. A en première instance, il s'en remet pour l'essentiel à ses écritures ; qu'aucune irrégularité de procédure ne peut être démontrée et qu'en tout état de cause d'éventuelles irrégularités seraient sans incidence, la situation de taxation d'office n'ayant pas été révélée par les perquisitions et vérification de comptabilité dont M. A a fait l'objet ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2010, complété par un mémoire enregistré le 21 septembre 2011, présentée pour M. Stanislas A, demeurant ..., par Me Goepp, avocat ;

Il conclut :

- au rejet du recours ;

- à la condamnation de l'Etat au paiement des frais ;

Il soutient :

- que l'article L. 13 du livre des procédures fiscales a été méconnu, la vérification de comptabilité ne pouvant se dérouler dans un autre lieu que sur demande écrite du contribuable ;

- qu'il n'y a pas eu de réel débat oral et contradictoire ;

- qu'il n'a pu être assisté du conseil de son choix dans la mesure où il était incarcéré ;

- que la méthode de reconstitution du bénéfice imposable est viciée même en prenant un montant d'achat tel que celui proposé par l'administration dès lors qu'il est contestable de se fonder sur les informations relatives à l'exercice précédent ;

- que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est également viciée dans son principe ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Féral, rapporteur public,

- et les observations de Me Goepp, avocat de M. A ;

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour établir les rappels contestés de la taxe sur la valeur ajoutée due par M. A dans le cadre de son activité occulte de revente de véhicules automobiles, le vérificateur a calculé la taxe collectée en se fondant sur les crédits des comptes bancaires de l'intéressé, regardés comme correspondant au chiffre d'affaires généré par la vente de véhicules ; que, cependant, l'administration refuse au redevable tout droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée au seul motif qu'il ne produit pas de factures remplissant les conditions de forme prévues par les articles 271 et 289 du code général des impôts ; qu'une telle méthode, qui ne tient pas compte des conditions d'exploitation de l'entreprise, est radicalement viciée dans son principe, sans que le service, qui a procédé à une reconstitution de chiffre d'affaires en l'absence de toute comptabilité et de pièces justificatives, puisse utilement invoquer les articles susmentionnés du code général des impôts ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge des rappels en litige ;

Sur l'impôt sur le revenu :

Considérant que pour calculer le résultat imposable de l'entreprise individuelle de M. A, le vérificateur a, pour l'année 2002, regardé les crédits des comptes bancaires de l'intéressé comme correspondant à ses recettes et a refusé toutes déductions de charges au motif que le contribuable, qui ne tenait pas de comptabilité, n'était pas en mesure d'en justifier ; que, dès lors que l'administration regarde les recettes de l'entreprise comme provenant d'opérations de revente, une telle méthode, qui ne tient pas compte de la réalité des conditions d'exploitation est, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, radicalement viciée dans son principe ;

Considérant, toutefois, que l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de faire valoir tout moyen nouveau de nature à justifier les impositions en litige ainsi que de demander qu'une nouvelle base légale, substituée à celle qu'elle avait primitivement retenue, soit donnée à ces impositions, pourvu que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune des garanties qui lui sont conférées par la loi ;

Considérant qu'en appel, le service admet qu'il convient de retenir un montant d'achats présumés égal à 80 pour cent des recettes et de fixer le bénéfice imposable à 26 400 euros au lieu de 132 041 euros, montant cohérent avec le résultat de l'exercice précédent ; que si M. A fait valoir que l'administration ne peut se fonder sur les résultats d'une année antérieure, il n'allègue pas que les conditions de son exploitation ont été modifiées au cours de la période en litige ; qu'ainsi, en l'absence de toute comptabilité et d'éléments d'appréciation, il n'établit pas que les impositions résultant de cette méthode de reconstitution reposent, dans la limite du redressement contesté, sur une évaluation exagérée de son résultat imposable ;

Considérant, qu'il appartient, à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que fait valoir M. A sans apporter de précisions, que la vérification de comptabilité a débuté avant l'envoi de l'avis de vérification ;

Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient le contribuable, il résulte de l'accusé de réception produit par l'administration que l'avis de vérification de comptabilité du 7 avril 2004 lui a bien été remis en mains propres le 13 avril suivant ;

Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, bien qu'il ait été placé en détention provisoire jusqu'au 17 septembre 2004, M. A, qui avait désigné un conseil le 27 avril 2004 et n'a donc pas été privé de cette possibilité contrairement à ce qu'il soutient, a pu rencontrer le vérificateur en présence de son conseil les 5 mai, 15 juin et 6 juillet 2004 à la maison d'arrêt, puis le 8 décembre 2004 dans les locaux de l'administration pour l'entretien final, également en présence de son conseil ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que le contribuable a été privé de la possibilité d'avoir avec le vérificateur, au cours de cette vérification, un débat oral et contradictoire, dès lors qu'il n'est pas établi que celui-ci se serait refusé, au cours de ces visites à tout échange de vues ; que le contribuable, qui n'a pas donné suite aux différentes demandes de l'administration de désigner un lieu pour le déroulement des opérations de contrôle sur place, ne peut se plaindre de ce qu'en l'absence de toute comptabilité, les opérations de vérification ont eu lieu dans les locaux de l'administration pénitentiaire ou au cabinet de son comptable ; qu'il n'est pas soutenu que le contribuable se serait opposé à ce que la seconde de ces visites se tienne au cabinet du comptable de l'entreprise ;

Considérant, d'autre part, que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité de l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration n'était tenue de soumettre ni à un débat oral et contradictoire les procès-verbaux d'auditions et de constats obtenus par l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, ni les factures ou autres documents ne provenant pas de l'entreprise de M. A, obtenus auprès de fournisseurs et tiers en relation avec l'entreprise vérifiée ; qu'en tout état de cause ce débat a eu lieu ; qu'il résulte en outre de l'instruction et notamment des mentions de la proposition de rectification que les éléments relatifs aux comptes bancaires de M. A détenus en France et à l'étranger dont le service a eu connaissance dans l'exercice du droit de communication au cours de la vérification de comptabilité, ont fait l'objet d'un débat oral et contradictoire avec l'intéressé au cours des différents entretiens avec le vérificateur et avant l'envoi de la proposition de rectification ; qu'ainsi, le contribuable n'a pas davantage été privé du débat oral et contradictoire auquel il pouvait prétendre à raison des renseignements obtenus par le service dans l'exercice de son droit de communication ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination... ;

Considérant que la proposition de rectification du 13 décembre 2004, mentionne les faits à l'origine des redressements, les textes dont il est fait application, ainsi que les modalités de calcul et les bases d'imposition en résultant ; que dès lors elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, applicables en l'espèce, les impositions en litige ayant fait l'objet d'une procédure d'imposition d'office ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT qui, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, n'interjette appel du jugement attaqué qu'en tant qu'il a déchargé M. A du supplément d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes, à concurrence d'un montant d'impôt résultant d'un bénéfice imposable de 26 400 euros, est seulement fondé à soutenir, dans cette mesure, que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la décharge de cette imposition ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'à les supposer fondées sur ces dispositions, les conclusions de M. A tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des frais, ne sont pas chiffrées et ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : L'impôt sur le revenu auquel M. A a été assujetti au titre de l'année 2002 est remis à sa charge en droits et pénalités, à concurrence du montant d'imposition correspondant à un bénéfice imposable de 26 400 euros ;

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 8 octobre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, ensemble les conclusions de M. A relative à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Stanislas A et au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT.

''

''

''

''

2

N° 10NC00088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00088
Date de la décision : 20/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : GOEPP - SCHOTT SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-10-20;10nc00088 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award