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29/09/2011 | FRANCE | N°11NC00431

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 29 septembre 2011, 11NC00431


Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2011, complétée par mémoires enregistrés le 20 juillet 2011 et le 12 septembre 2011 demandant d'écarter le dernier mémoire produit des débats, présentée pour Mme Marie-Christine B, demeurant ..., par Me Lux-Ruhard, avocate ;

Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900850 en date du 18 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a, à la demande de Mme C épouse A, annulé le permis de construire un bâtiment à usage agricole, qui lui avait été délivré par le maire de Champ-le-Duc, le 6 mars 20

09 ;

2°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononc...

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2011, complétée par mémoires enregistrés le 20 juillet 2011 et le 12 septembre 2011 demandant d'écarter le dernier mémoire produit des débats, présentée pour Mme Marie-Christine B, demeurant ..., par Me Lux-Ruhard, avocate ;

Mme B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900850 en date du 18 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a, à la demande de Mme C épouse A, annulé le permis de construire un bâtiment à usage agricole, qui lui avait été délivré par le maire de Champ-le-Duc, le 6 mars 2009 ;

2°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononcé sur l'étendue du droit de jouissance du preneur à bail rural ;

3°) de mettre à la charge de Mme C épouse A le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne trouvent pas à s'appliquer en cas d'appel d'un jugement annulant une décision d'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme ; elle n'avait donc pas à notifier l'appel dirigé contre le jugement attaqué ;

- la demande formée en 1ère instance était irrecevable ; Mme A, qui n'était que propriétaire indivis et usufruitière des parcelles d'assiette de la construction, n'avait aucune qualité lui donnant intérêt pour contester le permis de construire ; d'une part, son intérêt n'était pas actuel ; en sa qualité de preneuse à bail rural, elle a le droit de construire pendant la durée du bail même sans l'autorisation du bailleur ; sa construction ne deviendra propriété du bailleur qu'à l'expiration du bail ; à cette date, le bailleur pourra demander la destruction des immeubles construits sans autorisation ; c'est donc seulement à cette date que Mme C veuve A pourrait subir un préjudice lui donnant intérêt à agir ; d'autre part, Mme C veuve A n'avait pas d'intérêt à agir car elle disposera d'un bâtiment neuf ; enfin, l'intimé n'avait pas d'intérêt personnel dès lors qu'elle est seulement propriétaire indivis ; elle ne pourra agir seule ;

- elle n'a jamais fait preuve de mauvaise foi ; aucun manoeuvre frauduleuse n'a été commise ; la circonstance que M. Boon ait été condamné à démolir ne lui interdisait pas de solliciter la délivrance d'un permis de construire ; le maire de Champ-le-Duc connaissait la situation lorsqu'il a délivré le permis ; elle n'avait pas d'autre choix pour poursuivre son activité agricole, poursuite qui avait été autorisée par le juge civil, dès lors que Mme A ne respectait pas les obligations découlant de l'application de l'article L. 411-30 II du code rural ; elle tire ce droit à un usage normal de la chose louée de l'article 1728 du code civil ; elle a le droit de construire pendant la durée du bail rural même sans autorisation du propriétaire dès lors que l'immeuble ne change pas de destination ; le code rural et notamment son article L. 411-30 ne l'interdit pas ; par jugement du 18 mai 2011, le tribunal paritaire des baux ruraux d'Epinal a admis qu'elle était habilitée à déposer une demande de permis de construire ; au surplus, l'instructeur de la demande de permis de construire n'a plus à vérifier si l'attestation produite est correcte depuis la réforme intervenue en 2007 ;

- l'existence d'une question préjudicielle peut être retenue à hauteur d'appel ;

- les premiers juges devaient soulever une question préjudicielle afin que soit saisi le juge judiciaire et notamment le tribunal paritaire des baux ruraux, seul compétent pour déterminer si le pétitionnaire était autorisé à construire et, dans le cas d'espèce, pour fixer l'étendue du droit à construire du preneur à bail sur la parcelle louée à travers un bail rural, notamment quand le bailleur ne respecte pas les dispositions de l'article L. 411-30 II du code rural ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 27 mai 2011, le mémoire en défense, complété par un mémoire enregistré le 9 septembre 2011, présenté pour Mme C veuve A, par Me Lefort, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées ;

- elle avait intérêt à agir ; un propriétaire indivis peut assurer seul la défense des droits individuels qu'il détient sur un bien indivis ; sa qualité d'usufruitière lui donne qualité pour agir ; les juridictions judiciaires ont admis la recevabilité de ses actions ;

- Mme B a affirmé à tort remplir les conditions posées par l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ; il s'agit d'une manoeuvre frauduleuse qui a induit l'administration en erreur ;

- M et Mme B n'avait pas le droit de construire sans l'autorisation du propriétaire bailleur ; or, en l'espèce, elle s'opposait à la délivrance d'un permis de régularisation puisqu'elle poursuivait la démolition du bâtiment irrégulièrement construit ; M et Mme B pouvaient seulement demander la résiliation du bail dans l'hypothèse où elle refusait de reconstruire le bâtiment détruit par l'incendie conformément aux dispositions de l'article L 411-30 III du code rural et de la pêche maritime ;

- la demande tendant à ce que la Cour sursoit à statuer est irrecevable car formée pour la première fois en appel ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2011 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- les observations de Me Klein, avocat de Mme A ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme C veuve A et tirée de la méconnaissance par Mme B des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. (..) " ; que l'article R. 600-1 précité du code de l'urbanisme, auquel renvoie l'article R. 411-7 du code de justice administrative, n'impose pas à l'auteur de la décision litigieuse ou au bénéficiaire de l'autorisation, ni d'ailleurs à aucune autre personne ayant qualité pour faire appel d'un jugement annulant, au moins partiellement, un document d'urbanisme ou une décision valant autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme, de notifier l'appel dirigé contre un tel jugement ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme C veuve A et tiré de la méconnaissance par Mme B des dispositions de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme doit être écartée ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-30 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Lorsque la totalité des biens compris dans le bail sont détruits intégralement par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. / II. - Lorsqu'un bien compris dans le bail est détruit, en partie ou en totalité, par cas fortuit et que cette destruction compromet gravement l'équilibre économique de l'exploitation, le bailleur est tenu, si le preneur le demande, de reconstruire, à due concurrence des sommes versées par les compagnies d'assurance, ce bâtiment ou un bâtiment équivalent. / Si la dépense excède le montant des sommes ainsi versées, le bailleur peut prendre à sa charge la totalité des frais engagés par la reconstruction et proposer au preneur une augmentation du prix du bail. Dans le cas où le preneur n'accepte pas l'augmentation proposée, le tribunal paritaire des baux ruraux, sur saisine de la partie la plus diligente, fixe le nouveau montant du bail. " ;

Considérant que, par un bail rural daté du 1er avril 1991, Mme C veuve A a donné en location à M et Mme B la " ferme des Anifaings " dont elle est propriétaire indivis ; que, suite à l'incendie qui a ravagé la ferme le 11 août 1997, elle a soutenu devant le tribunal paritaire des baux ruraux d'Epinal que le bail la liant à M et Mme B était résilié de plein droit ; que, par jugement du 27 mai 1998, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Nancy du 27 novembre 1998, le juge judiciaire a déclaré que les époux B étaient toujours titulaire de leur bail, réduisant le montant du fermage mensuel jusqu'à la reconstruction des bâtiments incendiés ; que, contrairement à ce que prévoient les dispositions précitées du II de l'article L. 411-30 du code rural et de la pêche maritime, Mme C veuve A n'a jamais entrepris la reconstruction du bâtiment détruit par l'incendie en dépit de la demande de M et Mme B ; qu'elle a même poursuivi devant le juge pénal M.B, qui avait procédé à une reconstruction sans obtenir préalablement de permis de construire, afin de le faire condamner à démolir le nouveau bâtiment édifié de juin 1999 à mars 2002, ce qu'elle a obtenu par arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 27 avril 2007 ; qu'ainsi, Mme C veuve A, qui a volontairement méconnu son obligation d'assumer financièrement, au moins partiellement, la reconstruction du bien donné à bail conformément aux dispositions II de l'article L. 411-30 du code rural et de la pêche maritime, obligation au respect de laquelle elle a d'ailleurs été rappelée par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Epinal du 18 mai 2011, ne justifiait d'aucun intérêt lui donnant qualité pour contester devant le tribunal administratif le permis de construire délivré à Mme B le 6 mars 2009 en vue de régulariser la situation du bâtiment agricole, irrégulièrement construit par ses soins, du fait de l'inertie fautive de l'intimée ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de l'appel, Mme B est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a admis la recevabilité des conclusions de Mme C veuve A dirigées contre ledit permis de construire et a annulé celui-ci ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C veuve A la somme de 1 500 euros au bénéfice de la Mme B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme C veuve A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 18 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a, à la demande de Mme C épouse A, annulé le permis de construire un bâtiment à usage agricole délivré à Mme B par le maire de Champ-le-Duc le 6 mars 2009, est annulé.

Article 2 : La demande formée par Mme C veuve A devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Mme C veuve A versera à Mme B la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Christine B et à Mme C veuve A et à la commune de Champ-le-Duc.

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11NC00431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00431
Date de la décision : 29/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-01-02-01 Procédure. Introduction de l'instance. Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours. Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours. Avis et propositions.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : LUX-RUHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-09-29;11nc00431 ?
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