La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2011 | FRANCE | N°10NC02050

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 22 septembre 2011, 10NC02050


Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2010, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), représenté par son directeur, par Me Welsch ; dont le siège est Tour G allieni II 36,avenue du général de Gaulle à Bagnolet(93170)

L'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701080 du 29 octobre 2010 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il l'a condamné à payer à M. A une rente annuelle de 10 543 euros et une somme de 285 612 euros au ti

tre du préjudice professionnel et de retraite ainsi qu'une somme de 2 600 euro...

Vu la requête, enregistrée le 30 décembre 2010, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), représenté par son directeur, par Me Welsch ; dont le siège est Tour G allieni II 36,avenue du général de Gaulle à Bagnolet(93170)

L'ONIAM demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701080 du 29 octobre 2010 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il l'a condamné à payer à M. A une rente annuelle de 10 543 euros et une somme de 285 612 euros au titre du préjudice professionnel et de retraite ainsi qu'une somme de 2 600 euros au titre de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent ;

2°) de rejeter la demande de M. A au titre d'un préjudice professionnel et de retraite, et, en tout état de cause, au titre du préjudice de retraite, ainsi qu'au titre de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent ;

Il soutient que :

- le préjudice professionnel et de retraite est hypothétique et incertain, et ne saurait dès lors donner lieu à une indemnisation au titre de la solidarité nationale ; le jugement n'est pas motivé sur ce point et ne fait référence à aucun mode de calcul ; le préjudice n'est pas directement imputable à l'accident médical en cause ; dès lors que le préjudice professionnel subi entre 2004 et 2008 est indemnisé, le préjudice de retraite n'est plus caractérisé, l'intéressé pouvant racheter ses points de retraite ; le point de départ des intérêts devait être fixé à la date d'enregistrement de la requête devant le tribunal, soit le 25 avril 2007, et non, comme l'a fait le tribunal, à la date d'enregistrement de la demande indemnitaire par la CRCI ;

- l'aggravation du déficit fonctionnel permanent de l'intéressé est contestable ; le tribunal n'a pas répondu à son argumentation sur ce point ; il ne peut pas y avoir eu aggravation entre 2004 et 2008, puisque l'oeil droit était déjà perdu en 2003 ; l'éviscération nécessitée par le glaucome et la mise en place d'une prothèse oculaire ont seulement été à l'origine de souffrances supplémentaires et de troubles dans les conditions d'existence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2011, complété par les pièces enregistrées le 15 mars 2011, présenté pour M. Emmanuel A par Me Le Bonnois, qui conclut :

1°) au rejet de la requête de l'ONIAM ;

2°) à la réformation du jugement du tribunal administratif en ce qui concerne l'évaluation des souffrances endurées et du préjudice esthétique ;

3°) à ce que les sommes à lui verser au titre des souffrances endurées et du préjudice esthétique soient portées respectivement à 24 000 euros et 12 000 euros ;

4°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'ONIAM, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- les souffrances endurées, évaluées à 5/7, ont été sous-estimées par le tribunal ;

- le taux du préjudice esthétique, fixé à 2/7, est insuffisant, compte tenu du port d'une prothèse oculaire ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2011 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public,

- et les observations de Me Massé, pour Me Le Bonnois, avocat de M. A ;

Sur l'appel principal de l'ONIAM :

En ce qui concerne le préjudice professionnel et de retraite :

Considérant que M. A, qui avait 66 ans à la date de l'accident médical non fautif survenu à l'occasion de l'intervention chirurgicale pratiquée le 4 août 2003 au centre hospitalier régional universitaire de Reims pour une déchirure rétinienne périphérique et un décollement de la rétine temporale de l'oeil droit, soutient qu'ayant passé près de quinze ans à l'étranger, il n'a pas cotisé à la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes durant cette période, et qu'il aurait donc continué à travailler jusqu'à 72 ans s'il n'avait pas été victime de l'accident médical sus rappelé ;

Considérant qu'il ne résulte avec certitude de l'instruction, ni que M A aurait effectivement travaillé jusqu'à l'âge de 72 ans s'il n'avait pas été victime de l'aléa thérapeutique sus rappelé, ni qu'il aurait, dans cette hypothèse, perçu jusqu'à 72 ans les mêmes revenus que ceux perçus au cours des années précédant son accident ; que l'intéressé a néanmoins perdu une chance de poursuivre sa carrière professionnelle du fait de l'aléa thérapeutique; que cette perte de chance peut être évaluée à la somme de 70 000 euros, déduction faite, le cas échéant, des sommes que M. A aurait perçues au titre de protocoles transactionnels ;

Considérant que M A soutient que, s'il avait travaillé jusqu'à 72 ans, il aurait obtenu une retraite à taux plein ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, il ne résulte pas avec certitude de l'instruction que l'intéressé aurait effectivement travaillé jusqu'à l'âge de 72 ans ; qu'il résulte de l'instruction que, s'il ne pouvait pas bénéficier d'une retraite à taux plein à l'âge de 66 ans, c'est en raison, d'une part de son choix de vivre à l'étranger de 1972 à 1986, et, d'autre part, d'erreur de cotisations également antérieurs à l'accident médical sus rappelé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à payer à M. A une somme de 285 612 euros et une rente annuelle de 10 543 euros au titre du préjudice professionnel et de retraite ; que ces sommes doivent être ramenées à 70 000 euros, versés sous forme de capital, déduction faite, le cas échéant, des sommes que M. A aurait perçues au titre de protocoles transactionnels ; qu'il y a lieu de réformer le jugement, en ce qu'il est contraire au présent arrêt ;

Considérant, en revanche, que c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé le point de départ des intérêts assortissant l'indemnité due à M.A au titre du préjudice professionnel au 10 mars 2004,date de réception de sa demande indemnitaire par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ;

En ce qui concerne l'aggravation du déficit fonctionnel permanent :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, postérieurement au 14 mars 2004, date de consolidation fixée par le premier rapport d'expertise du 29 mai 2004, M. A a dû être opéré à plusieurs reprises et a subi le 8 janvier 2007 une énucléation, justifiant le port d'une prothèse oculaire ; que la seconde expertise en date du 3 mai 2008 a conclu à l'aggravation de l'état oculaire de l'oeil droit, en raison d'un glaucome réfractaire douloureux, a fixé la date de consolidation au 1er février 2008 et a porté le taux du déficit fonctionnel permanent de 23 à 25 % ; que la commission régionale de conciliation et d'indemnisation a retenu l'existence de cette aggravation du déficit fonctionnel permanent de l'intéressé, dans un avis en date du 9 juillet 2008 ; que, par suite, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à payer à M. A une somme de 2 600 euros, non contestée dans son quantum, au titre de l'aggravation de son déficit fonctionnel permanent, et ce nonobstant la circonstance que l'oeil droit de l'intéressé était déjà perdu en 2003 ; que les conclusions de la requête d'appel tendant à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il a condamné l'ONIAM à payer à M. A la somme de 2 600 euros à ce titre, doivent donc être rejetées ;

Sur l'appel incident de M. A :

Considérant qu'il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges qui ont estimé que les souffrances endurées par M. A, résultant de l'aggravation de son état de santé, devaient être évaluées à la somme de 9 000 euros, et que le préjudice esthétique de l'intéressé, exactement fixé au taux de 2/7, devait être évalué à la somme de 2 000 euros ; que l'appel incident de M. A doit donc être rejeté ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 285 612 euros et la rente annuelle de 10 543 euros allouées par le tribunal au titre du préjudice professionnel et de retraite de M. A sont ramenées à une somme unique de 70 000 euros en capital.

Article 2: Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 29 octobre 2010 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de l'ONIAM et les conclusions d'appel incident de M. A sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES, à M. Emmanuel A et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne.

''

''

''

''

2

10NC02050


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award