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04/08/2011 | FRANCE | N°10NC00964

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 04 août 2011, 10NC00964


Vu le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, enregistré le 18 juin 2010 ;

Le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700560 du 15 avril 2010 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a condamné l'Etat à garantir le département de la Marne des condamnations prononcées à son encontre, correspondant au remboursement au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions des indemnités versées à M. ;

2°) de rejeter la demande de première instance du d

épartement de la Marne ;

Il soutient que :

- la demande d'appel en garantie du...

Vu le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, enregistré le 18 juin 2010 ;

Le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700560 du 15 avril 2010 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a condamné l'Etat à garantir le département de la Marne des condamnations prononcées à son encontre, correspondant au remboursement au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions des indemnités versées à M. ;

2°) de rejeter la demande de première instance du département de la Marne ;

Il soutient que :

- la demande d'appel en garantie du département est irrecevable, faute d'avoir été précédée d'une demande préalable ;

- en tant que partie intervenante, l'Etat n'était pas partie au procès et ne pouvait donc pas être condamné en application de l'article L. 761-1du code de justice administrative ;

- subsidiairement,c'est à tort que le tribunal a fait droit à l'appel en garantie formé par le département de la Marne sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait du risque lié à la mise en oeuvre des principes de l'ordonnance du 2 février 1945, dès lors que le jeune Jonathan n'était pas tiers à l'égard du service ; le mineur victime placé dans la même structure que le mineur agresseur ne peut pas se prévaloir d'un risque spécial, à la différence des tiers ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la circonstance que l'établissement d'accueil, géré par une association, avait commis des fautes dans l'encadrement des mineurs concernés ne supprimait ni ne restreignait la responsabilité de l'Etat à l'égard du département ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2010, présenté pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions par la SELAFA Cabinet Cassel, qui conclut à la confirmation intégrale du jugement attaqué,subsidiairement à la confirmation du jugement en tant qu'il a condamné le département de la Marne à son profit et à ce que soit mise à la charge de toute partie succombante une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité sans faute du département de la Marne était engagée ;

- étant subrogé dans les droits de la victime en application des dispositions de l'article 706-11 du code de procédure pénale, il a été conduit à indemniser le père de la victime, laquelle avait été confiée à la garde du département de la Marne dans le cadre d'une mesure d'assistance éducative ;

- il s'en rapporte à la sagesse de la cour s'agissant des rapports entre l'Etat et le département de la Marne ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2010, présenté pour le département de la Marne, par la Selas Cabinet Devarenne associés, qui conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est tardive, et donc irrecevable ;

- la fin de non recevoir opposée par l'Etat ne saurait être accueillie ;

- l'Etat pouvait se voir condamner, en sa qualité d'appelé en garantie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée en raison du risque spécial créé pour les tiers, et il n'y a pas de cause d'atténuation de la responsabilité de l'Etat ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 27 décembre 2010, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, qui conclut aux mêmes fins que son recours, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre qu'un arrêt du Conseil d'Etat en date du 17 décembre 2010 confirme ses dires ;

Vu l'ordonnance du 8 février 2011 du magistrat délégué par le président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 4 mars 2011 à 16 heures ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 1er mars 2011, présenté pour le département de la Marne, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 3 mars 2011, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 10 mars 2011 du magistrat délégué par le président de la troisième chambre de la Cour portant report de la clôture d'instruction au 25 mars 2011 à 16 heures ;

Vu la correspondance en date du 25 mai 2011 informant les parties de ce que la cour est, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, susceptible de soulever un moyen d'office ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 juin 2011, présenté pour le département de la Marne, qui conclut dans le sens de ses précédentes écritures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 juin 2011, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, qui déclare que le moyen d'ordre public soulevé par la Cour n'appelle pas d'observations de sa part ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code civil ;

Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2011 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Calais, pour le Cabinet Cassel, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et de Me Keyser, pour le Cabinet Devarenne, avocat du département de la Marne ;

Sur la recevabilité de l'appel du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE:

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois... ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, le 21 avril 2010 ; que, dans ces conditions, le délai d'appel fixé par l'article R. 811-2 précité n'était pas expiré quand le ministre a présenté un recours, adressé par télécopie enregistrée le 18 juin 2010 au greffe de la cour,confirmée par envoi postal enregistré le 22 juin 2010 ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le département de la Marne doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du recours du GARDE DES SCEAUX,MINISTRE DE LA JUSTICE:

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le GARDE DES SCEAUX,MINISTRE DE LA JUSTICE, tirée de l'absence de demande indemnitaire préalable à la saisine de la juridiction :

Considérant que la décision par laquelle une juridiction des mineurs confie la garde d'un mineur, dans le cadre d'une mesure prise en vertu de l'ordonnance du 2 février 1945, à l'une des personnes mentionnées par cette ordonnance transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d'organiser, diriger et contrôler la vie du mineur ; qu'en raison des pouvoirs dont elle est ainsi investie lorsque le mineur lui a été confié, sa responsabilité peut être engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un mineur confié par ordonnance du juge d'instruction au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Marne et accueilli dans l'établissement de Reims de l'association ALEFPA, a été reconnu coupable de viol sur un autre mineur placé dans cet établissement au titre de l'assistance éducative et a été notamment condamné à indemniser le père de ce dernier ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part estimé que le département de la Marne avait engagé sa responsabilité sans faute à raison des sévices subis par la victime, et l'a condamné en conséquence à verser une somme de 8460 euros au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, subrogé dans les droits de la victime, d'autre part condamné l'Etat à garantir le département de la Marne des condamnations prononcées à son encontre ;

Considérant que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, qui pouvait rechercher, à sa convenance, soit la responsabilité sans faute du département de la Marne en sa qualité de gardien pour les dommages causés par le mineur placé sous sa garde, soit, directement, la responsabilité de l'Etat pour risque spécial créé pour les tiers du fait de la mise en oeuvre d'une mesure de liberté surveillée, a choisi en l'espèce de poursuivre le seul département ; que ce dernier, qui ne se prévaut d'aucune faute de l'Etat, ne peut dès lors être regardé comme entendant exercer une action récursoire pour réclamer que l'Etat le garantisse des condamnations prononcées à son encontre ; qu'en invoquant la responsabilité sans faute de l'Etat, le département de la Marne doit ainsi être regardé comme entendant implicitement exercer une action subrogatoire ;que, toutefois, en sa qualité de personne publique, il ne pouvait pas davantage appeler l'Etat en garantie sur le fondement de l'action subrogatoire ; qu'au surplus et en tout état de cause, le département de la Marne ne pourrait en l'espèce invoquer une quelconque subrogation dans les droits du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, dès lors que, ainsi qu'il a été dit plus haut, celui-ci a été rempli de ses droits en obtenant la condamnation à son profit du département de la Marne;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à garantir le département de la Marne des condamnations prononcées à son encontre ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et le département de la Marne demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant, en second lieu, que le département de la Marne, qui ne dirige aucune conclusion contre le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions,ne saurait être regardé comme partie perdante vis-à-vis de ce dernier ;que,par suite,les conclusions de celui-ci tendant à la condamnation de tout succombant à lui verser une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées en tant qu'elles seraient regardées comme dirigées contre le département de la Marne ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 4 du jugement n° 0700560 du 15 avril 2010 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : Les conclusions en garantie présentées par le département de la Marne à l'encontre de l'Etat devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et du département de la Marne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et au département de la Marne.

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10NC00964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00964
Date de la décision : 04/08/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. RECOURS OUVERTS AUX DÉBITEURS DE L'INDEMNITÉ, AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SÉCURITÉ SOCIALE. SUBROGATION. -

60-05-03 Une personne publique condamnée à indemniser une personne privée ne peut rechercher la responsabilité d'une autre personne publique en invoquant une subrogation dans les droits de la victime.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET CC CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-08-04;10nc00964 ?
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