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30/06/2011 | FRANCE | N°11NC00577

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 30 juin 2011, 11NC00577


Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2011, présentée pour Mme Iraz A demeurant ..., par Me Jeannot ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101022 en date du 2 mars 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 27 février 2011 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation pro

visoire de séjour dans le délai de trois jours suivant la notification de l'arrêt à interve...

Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2011, présentée pour Mme Iraz A demeurant ..., par Me Jeannot ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101022 en date du 2 mars 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 27 février 2011 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de trois jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 75-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, son avocat s'engageant, dans cette hypothèse, à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat ;

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est signé par une autorité incompétente ;

- il est dépourvu de motivation ;

- la décision de reconduite à la frontière est contraire aux dispositions claires et inconditionnelles des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 dès lors qu'elle ne prévoit aucune possibilité de départ volontaire ;

- le préfet a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte sa présence en France pendant cinq ans ;

- la décision de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle doit suivre un traitement médical dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et elle ne peut suivre ce traitement dans son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle a des attaches personnelles et familiales importantes en France et en Allemagne ;

- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle ;

- il appartenait au préfet, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, l'opportunité d'une mesure de régularisation à titre exceptionnel ou d'une autorisation provisoire de séjour ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, compte tenu de ses origines, elle encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en Turquie ;

Vu le mémoire en défense présenté par le préfet de la Moselle, enregistré le 7 juin 2011, soit après clôture d'instruction ;

Vu la décision du 23 mai 2011 du président de la Cour administrative d'appel de Nancy accordant l'aide juridictionnelle provisoire à Mme Iraz A pour la présente instance ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables aux Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2011 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public,

- et les observations de Me Jeannot, avocat de Mme A ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; que aux termes de l'article 8 de la même directive 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ;

Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ;

Considérant que les articles 7 et 8 de la directive, qui n'a pas été transposée par la France dans le délai imparti, expiré le 24 décembre 2010, énoncent des obligations inconditionnelles et suffisamment précises pouvant être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif non réglementaire ;

Considérant que l'arrêté en date du 27 février 2011 par lequel le préfet de la Moselle a ordonné la reconduite à la frontière de Mme A sur le fondement du 1° du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui accorde aucun délai de départ volontaire ; que cette décision méconnaît les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 février 2011 par lequel le préfet de la Moselle a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'il y'a lieu d'enjoindre au préfet de la Moselle de délivrer à Mme A une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de réexaminer la situation de l'intéressée au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, par décision du 23 mai 2011, le président de la Cour admet Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Jeannot, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et sous réserve de l'admission définitive de sa cliente à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Jeannot de la somme de 1 000 euros ; que, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à Mme A par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros sera versée à cette dernière ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 2 mars 2011 est annulé, ensemble l'arrêté du 27 février 2011 par lequel le préfet de la Moselle décide la reconduite à la frontière de Mme A et fixe le pays de destination.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à Mme A une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au titre de séjour au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Sous réserve de l'admission définitive de Mme A à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me Jeannot renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me Jeannot, avocat de Mme A, une somme de 1 000 euros (mille euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à Mme A par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1000 euros (mille euros) sera versée à Mme A.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Iraz A, au préfet de la Moselle et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriale et de l'immigration.

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N°11NC00577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 11NC00577
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-30;11nc00577 ?
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