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30/06/2011 | FRANCE | N°11NC00323

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 30 juin 2011, 11NC00323


Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2011, présentée pour M. Boualem A, demeurant ..., par Me Tassigny ; M. A demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 1100970 en date du 28 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 23 février 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 23 février 2011, par lequel le préfet de la Moselle a décidé s

a reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination...

Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2011, présentée pour M. Boualem A, demeurant ..., par Me Tassigny ; M. A demande à la Cour ;

1°) d'annuler le jugement n° 1100970 en date du 28 février 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle en date du 23 février 2011 ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 23 février 2011, par lequel le préfet de la Moselle a décidé sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé dans la mesure où le préfet n'a pas procédé à un examen individuel de sa situation ;

- la procédure de recherche de travail dissimulé qui a fait donnée lieu à son interpellation est irrégulière et que par suite, le préfet ne pouvait décider de le reconduire à la frontière ;

- la décision de reconduite à la frontière méconnaît les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et libertés fondamentales, dès lors qu'il est arrivé en Europe depuis plus de vingt ans et qu'il vit en France depuis plus de six ans en tant que compagnon au sein de la communauté d'Emmaüs ;

- ledit arrêté est entaché d'une violation des dispositions de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier en tant qu'il ne prévoit pas un délai de départ volontaire ;

- la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables aux Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2011:

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tassigny, avocat de M. A.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; que aux termes de l'article 8 de la même directive 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ;

Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ;

Considérant que les articles 7 et 8 de la directive, qui n'a pas été transposée par la France dans le délai imparti, expiré le 24 décembre 2010, énoncent des obligations inconditionnelles et suffisamment précises pouvant être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif non réglementaire ;

Considérant que l'arrêté en date du 23 février 2011 par lequel le préfet de la Moselle a ordonné la reconduite à la frontière de M. A sur le fondement du 1° du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui accorde aucun délai de départ volontaire ; que cette décision méconnaît les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 février 2011 par lequel le préfet de la Moselle a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 28 février 2011, ensemble l'arrêté du préfet de la Moselle du 23 février 2011 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. Boualem A une somme de 1000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Boualem A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriale et de l'immigration.

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N°11NC00323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 11NC00323
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : TASSIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-30;11nc00323 ?
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