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30/06/2011 | FRANCE | N°10NC01464

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 30 juin 2011, 10NC01464


Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2010, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE, dont le siège est 8 rue du 17 novembre à Mulhouse (68100), par Me Belzung ;

La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703471 du 7 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à Mme A la somme de 43 000 euros à la suite de son licenciement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Strasbour

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3°) à titre subsidiaire, de réduire les indemnités accordées par le jugement...

Vu la requête, enregistrée le 3 septembre 2010, présentée pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE, dont le siège est 8 rue du 17 novembre à Mulhouse (68100), par Me Belzung ;

La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703471 du 7 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à Mme A la somme de 43 000 euros à la suite de son licenciement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire les indemnités accordées par le jugement attaqué ;

4°) de mettre à la charge de Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a dénaturé les termes clairs et non ambigus du contrat de travail de Mme A ;

- il s'agissait en effet d'un contrat de couple qui entraînait obligatoirement la rupture du contrat de l'épouse quand l'époux cessait la relation de travail ;

- elle n'a pas cherché à forcer Mme A à démissionner mais s'est contentée de prendre acte de la rupture de plein droit de son contrat de travail ;

- en refusant l'offre sociale de la réintégrer, Mme A s'est trouvée dans une situation d'abandon de poste ;

- l'indemnité de licenciement n'est pas due en l'absence de licenciement ;

- le départ de Mme A n'a pas entraîné de perte de chance de trouver un emploi ;

- au demeurant, si elle avait accepté la proposition de réintégration, Mme A n'aurait subi qu'un préjudice limité à 5 mois de salaire ;

- le jugement n'est pas motivé sur la condamnation à verser 3 000 euros au titre du préjudice moral, qui n'est d'ailleurs pas justifié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 9 novembre 2010 et 11 janvier 2011, présentés pour Mme A, représentée par Me Favriau, qui conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la réformation du jugement du 7 juillet 2010 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a limité la réparation de ses préjudices ;

3°) à la condamnation de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE à lui verser la somme globale de 120 693,72 euros, à reconstituer sa carrière et à régulariser sa situation vis-à-vis des organismes d'assurance chômage et de retraite ;

4°) à la mise à la charge de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, qui ne peut déroger aux principes généraux sur lesquels reposent le statut de la fonction publique de l'Etat, ne prévoit pas la possibilité d'une rupture de plein droit d'un contrat de travail ;

- lier le sort d'une épouse à un évènement tiré du contrat de travail de son époux revient à discriminer l'épouse ;

- son contrat de travail ne contenait aucune clause d'indivisibilité ou de résiliation automatique ;

- même si une telle clause avait été prévue, elle n'aurait pas pour effet de dispenser l'employeur de toute formalité ;

- la rupture du contrat de travail n'est justifiée par aucun motif légitime ;

- en proposant sa réintégration, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE reconnaît que la rupture du contrat de travail était irrégulière et abusive ;

- elle n'a pu abandonner un poste qu'elle n'a jamais intégré et qu'il lui était d'ailleurs matériellement impossible d'intégrer ;

- l'indemnité de licenciement qui lui est due s'élève à 5 662,36 euros ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, elle a droit à une indemnité de préavis de quatre mois de 5 974,36 euros, ou à titre subsidiaire, d'un mois de 1 493,59 euros ;

- l'indemnité pour perte d'emploi doit être portée à la somme de 103 057 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2006 ;

- ses troubles dans ses conditions d'existence et son préjudice moral doivent être réparés à hauteur de 6 000 euros ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 juin 2011, présenté pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :

- l'organisme d'assurance chômage prendra en charge la requérante dès que les droits à indemnités seront supérieurs aux dommages-intérêts, ce qui exclut qu'elle demande des compléments à hauteur de 103 057 euros ;

- l'annulation de la condamnation prononcée à son encontre permettra à la requérante de bénéficier rétroactivement d'une couverture chômage ;

- la rupture du contrat de travail de la requérante répond à l'intérêt du service tenant à l'organisation de celui-ci et aux conditions d'hygiène et de sécurité de la requérante ;

- si le licenciement est illégal, il conviendrait de l'annuler et de réintégrer la requérante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et des chambres de métiers ;

Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2011 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Belzung, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE, et de Me Favriau, avocat de Mme A ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes de l'article 33 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie applicable en l'espèce : La cessation de fonctions de tout agent titulaire ne peut intervenir que dans les conditions suivantes : 1) par démission (...) 2) par départ à la retraite, 3) par licenciement pour inaptitude physique (...) 4) par licenciement pour insuffisance professionnelle (...) 5) par suppression d'emploi (...) 6) par mesure disciplinaire ;

Considérant que M. et Mme A ont été embauchés en qualité de concierges par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE par deux contrats à durée indéterminée signés le 13 novembre 2001 ; qu'après que M. A a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 30 septembre 2006, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE a informé Mme A par une lettre du 26 juin 2006, que son contrat de travail prendrait fin, de plein droit, à cette même date ; que, toutefois, les dispositions précitées du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, qui énumèrent de manière exhaustive les motifs de cessation de fonctions des agents employés par les chambres de commerce et d'industrie, n'envisagent pas la possibilité d'une rupture de plein droit d'un contrat de travail ; qu'en outre, si l'article 3 du contrat de travail de Mme A définissait les missions qu'elle devait accomplir solidairement avec son époux , aucune clause ne prévoyait que la rupture du contrat de M. A entraînerait celle de son épouse ; qu'ainsi, les relations contractuelles ont été rompues à l'initiative de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE dès le 30 septembre 2006 ; que, par suite, le refus de Mme Kerviel d'accepter la proposition de réintégration en janvier, puis en mars 2007, ne saurait constituer un abandon de poste ;

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE allègue que la rupture du contrat de Mme Kerviel était justifiée par l'organisation du service et les conditions d'hygiène et de sécurité de la requérante ; que, toutefois, il ne résulte nullement de l'instruction que le départ à la retraite de l'époux de Mme Kerviel aurait fait obstacle à ce que celle-ci poursuive son activité, a fortiori dans des conditions d'hygiène et de sécurité équivalentes ; que la rupture du contrat de travail correspond ainsi à un licenciement injustifié et, par suite, est de nature à engager la responsabilité de l'organisme consulaire ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice du non respect du délai de préavis :

Considérant qu'aucune disposition du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ne prévoit de préavis lorsque le contrat est, comme en l'espèce, rompu par l'employeur sans justification ; que, si Mme A se prévaut du préavis de 4 mois visé à l'article 35-1 du statut, ces dispositions concernent la situation différente du licenciement en cas de suppression d'emploi ; que, par suite, ayant été informée le 26 juin 2006 de la cessation de ses fonctions à compter du 30 septembre 2006, Mme A doit être regardée comme ayant bénéficié d'un préavis de trois mois ; que, par suite, elle ne peut prétendre à une indemnité du fait du non-respect d'un préavis ;

En ce qui concerne l'indemnité de licenciement, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

Considérant qu'en l'absence de disposition du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie sur le versement d'une indemnité de licenciement lorsque le contrat est, comme en l'espèce, rompu par l'employeur sans justification, Mme A n'est pas fondée à demander le versement d'une indemnité de licenciement ; qu'il sera en revanche fait une juste appréciation tant des troubles de toute nature subis par Mme A dans ses conditions d'existence du fait de la rupture injustifiée de son contrat de travail que du préjudice moral résultant des conditions vexatoires dans lesquelles il a été mis fin à son emploi en lui octroyant de ce chef une indemnité de 8000 euros ;

En ce qui concerne le préjudice matériel :

Considérant que, si la rupture du contrat de travail de Mme A lui a causé un préjudice pécuniaire, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE a proposé à l'intéressée de la réintégrer à compter du 1er janvier 2007 et de lui fournir un nouveau logement de fonction équivalent à celui qu'elle occupait ; que Mme A n'a pas donné suite à cette offre ; qu'ainsi, il y a lieu de ne retenir l'existence d'un préjudice pécuniaire que pour la période du 1er octobre 2006 au 1er janvier 2007 ; qu'il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 4 500 euros ;

Sur le surplus du recours incident :

Considérant que dans le cadre du présent litige indemnitaire destiné à compenser la rupture injustifiée du contrat de travail de Mme A, les conclusions de cette dernière tendant à la reconstitution de sa carrière et à la régularisation de sa situation vis-à-vis des organismes d'assurance chômage et de retraite soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal ; que, dès lors, elles ne sont, en tout état de cause, pas recevables ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il a condamné la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE à verser à Mme A une somme de 43 000 euros du fait de la rupture de son contrat de travail ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A la somme que demande la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE sur ce même fondement;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 43 000 euros que le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE à verser à Mme A en réparation du caractère injustifié de son licenciement par l'article 1er du jugement du 7 juillet 2010 est ramenée à 12 500 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 7 juillet 2010 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 :Le surplus des conclusions de la requête de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE est rejeté, ainsi que l'appel incident de Mme A et les conclusions de celle-ci tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE SUD ALSACE MULHOUSE et à Mme Martine A .

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N° 10NC01464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01464
Date de la décision : 30/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Organisation professionnelle des activités économiques - Chambres de commerce et d'industrie - Personnel.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCHWOB et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-06-30;10nc01464 ?
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