Vu le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE, enregistré le 6 juillet 2010 et complété par un mémoire enregistré le 14 février 2011 ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900380 du 6 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté en date du 18 août 2008 en tant qu'il a exclu Mme A de ses fonctions d'enseignante pour une durée de deux ans dont un an avec sursis ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Besançon ;
Il soutient que :
- la sanction infligée à Mme A n'est pas manifestement disproportionnée aux faits qui lui sont reprochés ;
- le procès verbal du conseil de discipline est motivé ;
- aucune disposition ne prévoit l'approbation du procès verbal ;
- la relaxe pénale de Mme A ne s'oppose pas à ce que les faits qui lui sont reprochés dans le cadre de la procédure disciplinaire soient établis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2010, complété par un mémoire enregistré le 20 mai 2011, présenté pour Mme A par Me Cacio; Mme A conclut au rejet du recours du ministre et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
Elle soutient que:
- le moyen soulevé par le ministre n'est pas fondé;
- le procès verbal du conseil de discipline n'est pas motivé ;
- il n'est pas établi que le procès verbal du conseil de discipline ait été soumis à l'approbation des membres du conseil de discipline lors de la séance suivante;
- les faits de violence qui lui sont reprochés ne sont pas établis, et elle a été relaxée des poursuites pénales engagées à son encontre ;
- l'incident du 21 juin 2007 ne constitue pas une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire;
- le refus d'accueillir l'auxiliaire de vie scolaire accompagnant un élève handicapé dans sa classe résulte d'une méprise, et d'un manque d'information au sein de l'établissement, et ne saurait constituer une faute;
- la sanction prononcée est manifestement disproportionnée aux faits reprochés;
- elle est victime de manquements à l'obligation de discrétion professionnelle et de diffamations de la part de sa hiérarchie;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2011 :
- le rapport de Mme Dulmet, conseiller,
- les conclusions de M. Collier , rapporteur public,
- et les observations de Me Cacio, avocat de Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes.(...) Troisième groupe : (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel. (...) ;
Considérant qu'il est reproché à Mme A, professeur certifiée d'anglais, d'avoir le 21 juin 2007, alors qu'elle était affectée au collège de Nozeroy, empêché un élève qui tentait de quitter son cours sans son autorisation de sortir de la classe en coinçant l'avant-bras de ce dernier dans la porte de la salle ; que les faits en cause sont établis par les pièces du dossier, et notamment par le rapport d'incident établi par le principal du collège de Nozeroy, dont il n'est pas établi qu'il aurait été partial ou qu'il aurait fait preuve d'une animosité particulière à l'encontre de l'intimée ; que, comme l'a relevé à bon droit le Tribunal, et contrairement à ce que soutient Mme A, la circonstance qu'un jugement du tribunal correctionnel de Dole du 28 octobre 2008 l'ait relaxée des fins des poursuites engagées contre elle pour les mêmes faits de violence ne fait pas obstacle à ce que ceux-ci soient retenus pour motiver une sanction disciplinaire prononcée contre elle, dès lors qu'il ressort des mentions du jugement que l'existence matérielle des faits dont il s'agit n'a pas été démentie ;
Considérant, par ailleurs, qu'il ressort également des pièces du dossier que, le 4 février 2008, alors que Mme A était en poste au collège Saint-Exupéry de Lons-le-Saunier, cette dernière a refusé l'accès de la salle de classe à Mme B, assistante de vie scolaire individuelle d'un élève handicapé en fauteuil qui avait impérativement besoin de son aide pour participer au cours d'anglais dispensé par la requérante; que celle-ci fait valoir qu'elle ne connaissait pas encore l'élève handicapé en question, qui n'avait assisté à aucun cours jusqu'alors, et qu'elle ignorait la qualité d'assistante de vie scolaire de Mme B ; qu'il est cependant constant qu'elle n'a pas cherché à se renseigner sur l'identité et les fonctions de Mme B avant de lui interdire l'accès, provoquant ainsi le départ de la salle de classe du jeune élève, dont le handicap rendait impossible la prise de note et la participation au cours ;
Considérant que de tels faits constituent de la part de Mme A des manquements à ses obligations professionnelles ; qu'eu égard à la gravité des fautes en cause, et nonobstant la circonstance que l'intimée n'ait pas fait auparavant l'objet d'avertissements ou d'autres sanctions, alors même que son comportement agressif aurait été constamment inadapté à ses fonctions lors de ses précédentes affectations, la sanction prononcée à son encontre par l'arrêté du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE en date du 18 août 2008 ,consistant en une exclusion temporaire de fonction de 2 ans assortie d'un sursis de 1 an, n'est pas manifestement disproportionnée aux faits qui lui sont reprochés ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur un motif tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler l'arrêté contesté du 18 août 2008 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le Tribunal et devant la Cour par Mme A à l'encontre de l'arrêté contesté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 37 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés : les sanctions disciplinaires définies à l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 sont prononcées, après consultation de la commission administrative paritaire académique siégeant en conseil de discipline dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. (...) ; qu'aux termes de l'article 19 de ladite loi : (....) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission administrative paritaire académique siégeant en conseil de discipline réunie le 30 mai 2008 pour se prononcer sur la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de Mme A a émis un avis favorable à une sanction d'exclusion temporaire de fonction pour une durée de 2 ans sans sursis ; que, si le procès-verbal de la réunion relate les propos tenus lors de l'audition de l'intéressée et de son avocat et indique que la proposition d'exclusion temporaire de fonction pour une durée de 2 ans sans sursis a été ensuite adoptée à la majorité des votants, de telles mentions ne sauraient tenir lieu de la motivation exigée par les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ; que, par suite, comme le soutient l'intimée pour la première fois à hauteur d'appel, l'arrêté du 18 août 2008 du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE prononçant une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de 2 ans assortie d'un sursis d'1 an est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et encourt, à ce titre, l'annulation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A, que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE,DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé son arrêté en date du 18 août 2008 sanctionnant Mme A d'exclusion temporaire de fonctions de 2 ans assortie d'un sursis d'1 an ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme A les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de Mme A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE et à Mme Geneviève A.
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