Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2010, présentée pour Mme Marcellle A, demeurant ..., par Me Mathieu ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701025 du 4 mai 2010 en tant que le Tribunal administratif de Strasbourg n'a pas qualifié la situation qu'elle subissait de harcèlement moral et a limité son indemnisation à 1 500 euros ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle a été victime d'un véritable harcèlement moral de la part du proviseur du lycée ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté la qualification de harcèlement moral au motif qu'elle n'a pas été la seule victime du proviseur ;
- elle souffre de troubles physiques en lien avec le harcèlement dont elle a été victime, et que l'administration doit réparer à hauteur de 30 000 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 27 octobre 2010 fixant la clôture d'instruction au 3 décembre 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, et l'ordonnance du 2 décembre 2010 reportant ladite clôture au 31 décembre 2010 à 16 heures;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2010, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ; le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative conclut au rejet de la requête et, par voie d'appel incident, à ce que le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 4 mai 2010 soit annulé en tant qu'il l'a condamné à verser 1 500 euros à Mme A ;
Il se réfère aux arguments de défense développés devant les premiers juges et soutient en outre que :
- la requérante n'a pas été victime de harcèlement moral ;
- la requérante ne justifie pas que le préjudice dont elle se prévaut serait en lien avec le harcèlement allégué, alors, par ailleurs, que sa requête de première instance tendant à la reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service a été rejetée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2011 :
- le rapport de Mme Dulmet, conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Fort, substituant Me Mathieu, avocat de Mme A ;
Sur les conclusions indemnitaires de Mme A et les conclusions d'appel incident du ministre de l'éducation nationale :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A, secrétaire d'administration scolaire au Lycée Jean Mermoz de Saint Louis depuis 1995, a été victime, durant l'année scolaire 2005/2006, du comportement autoritaire, agressif et peu respectueux à son encontre de M. B, proviseur nouvellement nommé dans l'établissement ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que l'attitude de ce dernier, totalement inadaptée à l'exercice de ses fonctions, a eu pour effet de déstabiliser l'établissement qu'il dirigeait, portant atteinte, sans distinction, à l'ensemble du personnel placés sous son autorité, ; que cependant, il ne résulte pas de l'instruction que M. B aurait systématiquement remis tardivement certains documents à Mme A, et l'aurait ainsi délibérément empêchée d'accomplir les tâches lui incombant ; qu'il résulte en revanche de l'instruction que le proviseur, qui a évalué favorablement le travail de l'intéressée, a appuyé sa demande de mutation et proposé son inscription au tableau d'avancement ; que, dans ces conditions, le comportement de M. B à l'égard de l'appelante ne peut être regardé comme ayant eu pour objet ou pour effet d'engendrer une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Considérant, en revanche, que, comme l'a justement relevé le Tribunal, qui était saisi d'une demande tendant à l'indemnisation par l'administration du préjudice subi du fait du comportement de M. B, qu'il a pu à bon droit requalifier, à partir des éléments produits au dossier, de préjudice résultant d'un dysfonctionnement du service, il résulte de l'instruction que l'administration, qui était alertée du comportement inapproprié et répété de M. B, excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et de ses effets sur le personnel du lycée Jean Mermoz, n'a pas pris de mesure de nature à mettre un terme à cette situation ; que cette carence a rendu possible la persistance du comportement en cause, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, causant un préjudice moral à Mme A, dont les premiers juges ont fait une juste appréciation en l'évaluant à 1 500 euros ; qu'en revanche, si Mme A soutient que les pathologies dont elle souffre sont en lien avec son environnement professionnel, elle ne l'établit pas par les certificats médicaux qu'elle produit, et qui se réfèrent tant à des problèmes personnels qu'à l'existence de troubles psychologiques anciens ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg n'a condamné l'Etat qu'à réparer le préjudice moral subi du fait du dysfonctionnement du service à hauteur de 1 500 euros, et que les conclusions présentées par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative par la voie de l'appel incident, et tendant à l'annulation dudit jugement en tant qu'il condamne l'Etat à réparer le préjudice moral subi par la requérante doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marcelle A et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
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N° 10NC01026