Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2010, présentée pour M. Thierry A, ..., par le cabinet Cassel ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0800523 du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à annuler la décision en date du 1er février 2008 par laquelle le président de la commission des recours des militaires a rejeté son recours dirigé contre la décision implicite du ministre en date du 14 octobre 2007, ensemble la décision implicite du ministre de la défense née le 14 octobre 2007 rejetant sa demande indemnitaire préalable et la décision implicite du ministre de la défense confirmant le rejet de cette demande suite à la décision du président de la commission de recours des militaires, ainsi que sa demande tendant à condamner l'Etat à lui verser la somme de 172 916 euros, avec intérêts à compter du 14 août 2007, en réparation de ses préjudices de carrière ;
2°) d'annuler les décisions en cause et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 172 916 euros, avec intérêts à compter du 14 août 2007 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en rejetant pour irrecevabilité sa demande, dès lors que la forclusion prévue par le décret du 7 mai 2001 ne s'applique aux décisions implicites de rejet qu'à la condition que la mention du caractère obligatoire de la saisine de la commission de recours des militaires figure dans l'accusé de réception de la demande de l'intéressé ;
- la décision du président de la commission de recours des militaires en date du 1er février 2008 est entachée d'erreur de droit en tant qu'elle rejette sa demande pour forclusion ;
- la décision du 2 juin 2006 refusant son maintien en poste pour raisons personnelles graves est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, et cette illégalité fautive est de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
- il a subi, du fait de la faute commise par l'Etat, un préjudice financier et un préjudice moral ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2010, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre de la défense et des anciens combattants conclut au rejet de la requête;
Il soutient que:
- la requête est irrecevable, la décision implicite rejetant la demande de réparation du requérant ayant été contestée devant la commission de recours des militaires après l'expiration du délai de 2 mois;
- il se trouvait en situation de compétence liée pour rejeter la demande du requérant ;
- l'administration ne saurait être condamnée à payer une somme d'argent qu'elle ne doit pas ;
- la mutation du requérant et la décision de ne pas l'autoriser à se maintenir sur son poste relevaient de l'intérêt du service ;
- le départ à la retraite anticipé du requérant lui est imputable, dans la mesure où il a présenté une demande en ce sens, qui a été acceptée ;
- le requérant ne justifie pas du préjudice dont il se prévaut ;
Vu l'ordonnance en date du 26 novembre 2010 fixant la clôture d'instruction au 24 décembre 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 modifiée ;
Vu le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 modifié ;
Vu le décret n 2005-1427 du 17 novembre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2011 :
- le rapport de Mme Dulmet, conseiller,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
Considérant que M. A, adjudant-chef affecté à la base aérienne de Colmar, a sollicité, le 17 mars 2006, l'autorisation de se maintenir dans son affectation pour raison personnelle grave, en faisant valoir l'état de santé de son beau-père résidant dans la région ; qu'il a cependant fait l'objet, le 2 mai 2006, d'une mutation sur la base aérienne de Brétigny-sur-Orge, le ministre de la défense rejetant par ailleurs, par décision en date du 2 juin 2006, sa demande de maintien dans son affectation ; que M. A a alors sollicité, le 6 juin 2006, son maintien définitif au sein de la base aérienne de Colmar, et a demandé à être admis à faire valoir ses droits à la retraite avant la limite d'âge à compter du 1er septembre 2007 ; que, par décision du 12 juillet 2006, le ministre de la défense a autorisé le maintien définitif de l'intéressé sur la base aérienne de Colmar et , par arrêté du 18 juillet 2006, l'a radié des cadres et placé en position de retraite à compter du 1er septembre 2007 ; qu'estimant que le refus de maintien dans son affectation pour raison personnelle grave en date du 2 juin 2006 était entaché d'illégalité et lui avait porté préjudice, M. A a alors adressé, par courrier du 10 août 2007, réceptionné le 14 août 2007, une demande préalable d'indemnisation au ministre de la défense ; que le ministre ayant gardé le silence sur cette demande, M. A a saisi, le 15 janvier 2008, la commission de recours des militaires ; que le président de ladite commission a déclaré ce recours irrecevable par une décision du 1er février 2008, au motif qu'il était frappé de forclusion en application du décret du 7 mai 2001 modifié ; que, par jugement du 21 mai 2010, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête de M. A comme étant irrecevable, faute pour ce dernier d'avoir contesté dans les délais de recours contentieux, devant la commission de recours des militaires, la décision implicite du ministre de la défense née le 14 octobre 2007 ;
Sur la recevabilité du recours administratif préalable :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 7 mai 2001 organisant la procédure de recours administratif préalable aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes relatifs à la situation personnelle des militaires, dans sa version issue du décret du 17 novembre 2005 alors applicable, désormais repris à l'article R. 4125-2 du code de la défense : A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par lettre recommandée avec avis de réception adressée au secrétariat de la commission (....) /Lorsque le recours est formé après l'expiration du délai de recours mentionné au premier alinéa, le président de la commission constate la forclusion et en informe l'intéressé ;
Considérant que si en vertu des dispositions de l'article R 421-3 du code de justice administrative, la forclusion ne peut être opposée en matière de plein contentieux qu'après un délai de deux mois à compter de la notification d'une décision expresse de rejet et ne peut donc être opposée à une contestation d'une décision implicite de rejet, les dispositions précitées du décret du 7 mai 2001 ont dérogé à cette règle ; qu'en effet, il résulte de ces dispositions que la commission de recours des militaires doit être saisie dans les deux mois à compter de l'intervention d'une décision implicite de rejet, qu'elle intervienne en plein contentieux ou en excès de pouvoir ; que cependant, le décret du 7 mai 2001 dans sa version issue du décret du 17 novembre 2005 doit être regardé comme n'opposant une forclusion en cas de saisine de la commission des recours des militaires d'un recours contre une décision implicite de rejet à l'expiration de ce délai de deux mois, qu'à la condition que la mention du caractère obligatoire de ce recours administratif préalable ait figuré dans un accusé de réception de sa demande délivré à l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. A n'a pas été informé de la nécessité de saisir la commission des recours des militaires lors de sa demande ayant donné naissance à la décision implicite de rejet contestée; qu'en conséquence, le délai de deux mois n'étant pas opposable à l'intéressé, son recours devant ladite commission en date du 15 janvier 2008 n'était pas tardif ; que, par suite, le requérant est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du 21 mai 2010, par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté, comme étant irrecevable, sa demande dirigée contre la décision du président de la commission de recours des militaires rejetant son recours pour forclusion et contre la décision implicite de refus d'indemnisation du ministre de la défense ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer sur les conclusions présentées par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant, comme il vient d'être dit, que M. A n'ayant pas été informé de la nécessité de saisir la commission des recours des militaires lors de sa demande d'indemnisation adressée au ministre de la défense, le délai de deux mois pour introduire un recours devant la commission de recours des militaires ne lui était pas opposable ; que, par suite, en rejetant le recours administratif de M. A par sa décision du 1er février 2008, au lieu de le transmettre, avec son avis, au ministre de la défense, le président de la commission des recours des militaires a entaché sa décision du 1er février 2008 d'excès de pouvoir ; que, dès lors, il appartient à la commission des recours des militaires d'examiner à nouveau le recours de M. A et de le transmettre, avec son avis, au ministre de la défense ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 21 mai 2010 est annulé.
Article 2 : La décision du 1er février 2008 du président de la commission des recours des militaires rejetant le recours de M. A contre la décision implicite née le 14 octobre 2007 de rejet de sa demande de réparation des préjudices subis est annulée.
Article 3 : La commission des recours des militaires demeure saisie du recours de M. A contre la décision implicite de rejet par le ministre de la défense de sa demande du 10 août 2007.
Article 4 : L'Etat versera à M. A, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Thierry A et au ministre de la défense et des anciens combattants.
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N° 10NC00933