Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2010, présentée pour M. Didier A, ..., par la SCP d'avocats aux Conseils Peignot Garreau ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701727 du 1er avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 25 juillet 2007 du directeur du centre hospitalier de Chaumont prononçant sa révocation à compter du 9 août 2007 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de le réintégrer ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Chaumont une somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a méconnu le principe du contradictoire ;
- la sanction disciplinaire a été prise au terme d'une procédure entachée d'irrégularité dès lors que les droits de la défense ont été méconnus ;
- la sanction disciplinaire est entachée d'erreurs de fait et de droit dès lors qu'il n'a pas commis de faute personnelle détachable du service ;
- le tribunal administratif ne pouvait se cantonner à exercer un contrôle restreint sur l'adéquation de la sanction infligée aux faits reprochés ;
- en tout état de cause, la sanction infligée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2010, présenté pour le centre hospitalier de Chaumont, représenté par Me Sammut, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement n'a pas méconnu le principe du contradictoire ;
- la procédure disciplinaire a été régulière dès lors que le rapport d'enquête réalisée à la demande de l'Agence régionale de l'hospitalisation n'a pas servi pour prononcer la sanction attaquée ;
- le requérant a commis un manquement grave aux obligations élémentaires de sa profession d'infirmier anesthésiste ;
- le comportement du requérant justifiait la sanction de révocation ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 janvier 2011, présenté pour M. A, tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 21 janvier 2011, présenté pour le centre hospitalier de Chaumont, tendant aux mêmes fins que son mémoire en défense, par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 9 décembre 2010 reportant la date de clôture d'instruction au 21 janvier 2011 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires de la fonction publique hospitalière ;
Vu l'arrêté du 17 janvier 2002 relatif à la formation conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier anesthésiste ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2011 :
- le rapport de M. Trottier, président,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de M. A ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ; qu'aux termes de l'article R. 613-2 du même code : Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne... ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 613-3 de ce code : Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles et des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction ; qu'il résulte de ces dispositions que l'instruction de la présente affaire devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne était close trois jours francs avant la date de l'audience, fixée au 18 mars 2010, c'est-à-dire le 14 mars 2010 ; que le centre hospitalier de Chaumont a produit son troisième mémoire en défense le 12 mars 2010 qui a été communiqué au requérant le 15 mars 2010 ; que, si ce mémoire faisait état et était accompagné du rapport d'expertise médicale de la jeune victime de la faute imputée à M. A, il ne contenait pas de conclusions ou de moyens nouveaux par rapport aux précédents mémoires produits par le centre hospitalier ; qu'en tout état de cause, il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ne se sont pas fondés sur les faits ou sur une des pièces annexées au mémoire du 12 mars 2010 ; que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que M. A soutient que la sanction qui lui a été infligée le 25 juillet 2007 par le directeur du centre hospitalier de Chaumont, où il exerçait les fonctions d'infirmier anesthésiste, reposerait sur des éléments tirés du rapport d'enquête réalisée par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales de la Haute-Marne à la demande de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH), qui ne lui a pas été communiqué préalablement ; que, toutefois, la décision attaquée vise l'ensemble du dossier constitué et comprenant tous les rapports établis au sein de l'établissement (en dehors de l'enquête administrative de l'autorité de tutelle sur saisine de l'ARH qui est en cours), l'enquête interne montrant des éléments suffisants à des manquements professionnels graves ; qu'en outre, il ne ressort pas de la sanction en litige que l'autorité administrative aurait tenu compte d'éléments non communiqués à l'intéressé préalablement à la sanction ; qu'à cet égard, contrairement à ce que soutient le requérant, le lien de causalité entre ses fautes et l'état de la patiente dont il lui est reproché de ne pas avoir assuré le suivi, figurait déjà tant dans le rapport de saisine du conseil de discipline en date du 27 juin 2007, qui indiquait que ces faits ont des conséquences lourdes pour la patiente , que dans l'audition de M. A par le directeur de l'établissement, dont le compte rendu du 12 juillet 2007 mentionne une absence en salle de soins post interventionnelle non justifiée ayant entraîné des conséquences graves pour une jeune patiente ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une violation des droits de la défense doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article D. 6124-97 du code de la santé publique : La surveillance continue post-interventionnelle mentionnée au 3° de l'article D. 6124-91 a pour objet de contrôler les effets résiduels des médicaments anesthésiques et leur élimination et de faire face, en tenant compte de l'état de santé du patient, aux complications éventuelles liées à l'intervention ou à l'anesthésie. Cette surveillance commence en salle dès la fin de l'intervention et de l'anesthésie (...) et se poursuit jusqu'au retour et au maintien de l'autonomie respiratoire du patient, de son équilibre circulatoire et de sa récupération neurologique ; qu'aux termes de l'article D. 6124-101 du même code : Les patients admis dans une salle de surveillance post-interventionnelle sont pris en charge par un ou plusieurs agents paramédicaux [...] affectés exclusivement à ladite salle pendant sa durée d'utilisation et dont le nombre est fonction du nombre de patients présents. Pendant sa durée d'utilisation, toute salle de surveillance post-interventionnelle comporte en permanence au moins un infirmier ou une infirmière formé à ce type de surveillance, si possible infirmier ou infirmière anesthésiste... ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires : Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que, le 18 juin 2007, alors qu'il était chargé du suivi post-opératoire d'une jeune patiente âgée de neuf ans qui venait de subir une appendicectomie, M. A s'est absenté de la salle de surveillance post-interventionnelle après lui avoir administré un antalgique prescrit par le médecin anesthésiste ; que la patiente a subi une sévère dépression respiratoire aboutissant à un arrêt cardiaque anoxique dont la prise en charge tardive n'a pas permis d'éviter des séquelles neurologiques irréversibles ; que le fait de laisser une enfant, seule, en salle de surveillance post-interventionnelle en méconnaissance des obligations professionnelles des infirmiers anesthésistes, après l'injection d'un médicament susceptible d'avoir un effet dépresseur respiratoire, connu notamment des infirmiers ayant reçu la formation de M. A, pour se rendre en salle de repos et sans intervenir alors que des alarmes avaient retenti à deux reprises, constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que l'existence d'une telle faute étant établie, le requérant ne peut utilement se prévaloir d'éventuelles fautes dans l'organisation du bloc opératoire ;
Considérant qu'il appartient uniquement au juge de l'excès de pouvoir de vérifier qu'une sanction prononcée à l'encontre d'un agent public n'est pas manifestement disproportionnée aux faits qui lui sont reprochés ; que tel n'est pas le cas de la sanction de révocation prononcée à l'encontre de M. A, dont le comportement fautif susmentionné a, au demeurant, porté une atteinte à la réputation du centre hospitalier de Chaumont ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 juillet 2007 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Chaumont a prononcé sa révocation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Chaumont qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A la somme demandée par le centre hospitalier de Chaumont au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Chaumont tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Didier A et au centre hospitalier de Chaumont.
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N° 10NC00907