La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2011 | FRANCE | N°10NC00736

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 mars 2011, 10NC00736


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010, présentée par Me Benbani, complétée par mémoire, enregistré le 29 octobre 2010, présenté par Me Sultan pour Mme Samyrah B épouse A, demeurant à ... ; Mme A, dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000636 du 21 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 janvier 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays

de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du ...

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2010, présentée par Me Benbani, complétée par mémoire, enregistré le 29 octobre 2010, présenté par Me Sultan pour Mme Samyrah B épouse A, demeurant à ... ; Mme A, dans le dernier état de ses écritures, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000636 du 21 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 janvier 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La requérante soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 431-2 alinéa 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la communauté de vie avec son époux a été rompue à la suite de violences conjugales ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation (p12) ;

- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est désormais dépourvue de liens familiaux au Maroc et qu'elle a été victime, en France, de violences conjugales ;

- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité du refus de séjour entache également d'illégalité la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de

l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est dépourvue de toute attache au Maroc ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2010, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

Vu l'ordonnance en date du 27 octobre 2010 fixant la clôture d'instruction au 3 décembre 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 17 septembre 2010, admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2011 :

- le rapport de Mme Dulmet, conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorisation d'entrer en France dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par l'autorité administrative compétente après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir. (...). ; qu'aux termes de l'article L. 431-1 de ce même code : Les membres de la famille entrés en France régulièrement au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour (...). et qu'aux termes de l'article L. 431-2 dudit code : En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement.(...) En outre, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'elle a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et peut en accorder le renouvellement ... ;

Considérant que Mme A, ressortissante marocaine qui a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale du 24 novembre 2008 au 23 novembre 2009 suite au regroupement familial sollicité par son époux, ressortissant marocain bénéficiant d'une carte de résident, s'est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour par arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 18 janvier 2010 ; que la requérante, qui produit un certificat médical daté du 10 février 2009, ainsi qu'un procès verbal de police du même jour et un récépissé de main courante pour agression, établit la réalité des violences dont elle a été victime de la part de son conjoint ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressée, qui avait vécu jusqu'alors sans interruption avec son conjoint, a quitté le domicile conjugal après avoir fait l'objet de ces violences et a été hébergée dès le 13 février suivant par une association d'aide aux femmes battues où elle demeure toujours actuellement ; que Mme A établit ainsi également que la rupture de vie la commune est consécutive aux violences conjugales dont elle a été victime ; que dans ces conditions, compte tenu des circonstances ayant entraîné la rupture de vie commune entre Mme A et son époux, le préfet du Bas-Rhin a inexactement apprécié la situation de celle-ci en refusant de lui renouveler sa carte de séjour temporaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, ainsi que l'annulation de la décision du préfet du Bas-Rhin du 18 janvier 2010 refusant de renouveler son titre de séjour, et, par suite, l'annulation des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public .... prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant qu'eu égard au motif susrappelé d'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin, la présente décision implique nécessairement que ce dernier délivre à Mme A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens, à verser à Me Sultan, avocate de la requérante, sous réserve de la renonciation de Me Sultan au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle obtenue par Mme A ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1000636 du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 21 avril 2010 et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 janvier 2010 refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A, l'obligeant à quitter le territoire et fixant le pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de délivrer à Mme A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Sultan, avocate de Mme A une somme de 1 200 (mille deux cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle obtenue par Mme A.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A est rejeté.

Article 5: Le présent jugement sera notifié à Mme Samyrah B épouse A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Strasbourg.

''

''

''

''

2

N° 10NC00736


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00736
Date de la décision : 17/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07-02-03 PROCÉDURE. POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE. CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR. APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL. - APPRÉCIATION PORTÉE PAR L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE EN CAS DE REFUS DE RENOUVELLEMENT DU TITRE DE SÉJOUR REMIS AU CONJOINT D'UN ÉTRANGER LORSQUE LA COMMUNAUTÉ DE VIE A ÉTÉ ROMPUE EN RAISON DE VIOLENCES EXERCÉES PAR CE DERNIER.

54-07-02-03 Le juge exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité administrative en cas de refus de renouvellement du titre de séjour remis au conjoint d'un étranger lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences exercées par ce dernier.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Anne DULMET-GEDEON
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BENBANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-03-17;10nc00736 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award