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14/03/2011 | FRANCE | N°10NC01302

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Président de la cour, 14 mars 2011, 10NC01302


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2010, complétée par mémoire enregistré le 14 octobre 2010, présentée pour Mme Joy A, demeurant ..., par Me Colin-Elphege ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003131 en date du 2 juillet 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 29 juin 2010 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre

au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compt...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2010, complétée par mémoire enregistré le 14 octobre 2010, présentée pour Mme Joy A, demeurant ..., par Me Colin-Elphege ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003131 en date du 2 juillet 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Doubs du 29 juin 2010 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat à payer à Me Colin-Elphege, qui renonce dans cette hypothèse à percevoir le montant de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle souffre de plusieurs pathologies nécessitant une prise en charge médicale dont elle ne peut bénéficier dans son pays d'origine en raison de conditions sanitaires insatisfaisantes et de son absence de revenus ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle vit en France depuis décembre 2004 et qu'elle a tissé des liens amicaux et sociaux ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est exposée à un risque réel, direct et sérieux de traitements inhumains en cas de retour au Nigéria où la liberté des femmes est particulièrement menacée et où elle a été victime de violences, dont elle garde des séquelles ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 7 septembre 2010, présenté par le préfet du Doubs qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient qu'aucun des moyens présentés n'est fondé ;

Vu, en date du 19 novembre 2010, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2011 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

En ce qui concerne la décision de reconduite à la frontière :

Sur le moyen tiré du défaut de motivation :

Considérant que l'arrêté en date du 29 juin 2010 du préfet du Doubs comporte, dans ses visas et ses motifs, les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde et qui permettent de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de Mme A au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet (...) d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de l'examen de la demande de Mme A, qui avait sollicité le 2 mai 2006 un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le médecin inspecteur de santé publique de la Gironde avait émis le 4 août 2006 l'avis que l'état de santé de l'intéressée ne nécessitait pas de prise en charge médicale ; que la requérante, qui n'a pas fait état de problèmes de santé lors de son interpellation par les services de police ni lors de son maintien en rétention, se borne à produire des certificats médicaux datant de 2005 et 2006, une ordonnance délivrée le 26 juillet 2010 par un médecin généraliste attaché au centre hospitalier de Besançon et des décomptes de remboursement de frais pharmaceutiques émis par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ; que ces documents ne sont pas de nature à établir que Mme A serait atteinte d'une affection nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'elle ne peut dès lors se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que si Mme A, de nationalité nigériane, entrée irrégulièrement en France en décembre 2004, fait valoir qu'elle vit en France depuis 6 ans, il ressort des pièces du dossier qu'elle a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet du Rhône le 15 octobre 2007, qui n'a pas été exécuté, qu'elle est célibataire sans enfant ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de Mme A, qui se livrait à la prostitution depuis son arrivée en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 29 juin 2010 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Considérant que si Mme A, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'elle encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Nigéria, elle n'apporte toutefois aucune justification de nature à établir la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, elle n'établit pas que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2010 par lequel le préfet du Doubs a ordonné sa reconduite à la frontière ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Joy A et ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

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10NC01302


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Président de la cour
Numéro d'arrêt : 10NC01302
Date de la décision : 14/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : COLIN-ELPHEGE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-03-14;10nc01302 ?
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