Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2010, complétée par mémoires enregistrés les 26 août 2010 et 26 novembre 2010, présentée pour l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'INSERTION DES JEUNES (ADIJ), dont le siège est 30 rue François Mitterrand à Bavilliers (90800), par Me Andreo ; l'association demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801604 du 3 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision de l'inspecteur du travail du Territoire de Belfort en date du 7 août 2008 autorisant le licenciement pour motif disciplinaire de Mme A ;
2°) de rejeter la demande de Mme A devant le Tribunal administratif de Besançon ;
3°) de mettre à la charge de Mme A une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il ne précise pas quel est le règlement intérieur que la jeune mineure qui a eu une altercation avec Mme A aurait méconnu ;
- les faits reprochés à Mme A, notamment le comportement provocateur de cette dernière à l'égard d'une mineure placée au sein de l'établissement, sont établis ;
- le comportement de la jeune fille en cause avant l'altercation n'était pas contraire aux règles en vigueur dans l'établissement ;
- les violences reprochées à Mme A ne sauraient s'apparenter à de la légitime défense ;
- les faits reprochés à la salariée sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 avril 2010, présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; le ministre demande à la Cour :
- d'accueillir la requête de l'ADIJ et de confirmer la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 7 août 2008 ;
- de mettre à la charge de Mme A la somme de 1 000 euros à verser à l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en considérant que Mme A n'avait pas commis de faute ;
- la faute reprochée à Mme A est établie ;
- la faute commise par Mme A est d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2010, complété par les pièces enregistrées le 22 juin 2010 et le 11 octobre 2010, présentés pour Mme A par Me Darey ; Mme A conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les moyens soulevés par l'ADIJ et le ministre du travail ne sont pas fondés ;
Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 10 décembre 2010 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2011 :
- le rapport de Mme Dulmet, conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Koerper, pour la SELAS Barthélémy et Associés, avocat de l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'INSERTION DES JEUNES (ADIJ) ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le jugement attaqué indique précisément les motifs pour lesquels les premiers juges ont estimé que le comportement de Mme A lors de l'altercation qui l'a opposée, le 4 mai 2008, à une mineure placée sous sa surveillance, n'était, selon lui, pas constitutif d'une faute ; que, dès lors, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement en cause serait entaché d'un défaut de motivation ;
Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du Territoire de Belfort du 7 août 2008 autorisant le licenciement de Mme A :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec leurs fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exercice normal du mandat dont il est investi ;
Considérant qu'il est constant que, le 4 mai 2008, Mme A, éducatrice spécialisée embauchée en 2004 par l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'INSERTION DES JEUNES (ADIJ) et exerçant les mandats de délégué du personnel, de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de représentante du personnel au conseil d'administration, a eu une altercation violente au sein de l'unité de vie de Cravanche avec une jeune fille âgée de 17 ans, placée sous sa surveillance ; qu'il ressort des pièces du dossier que les relations entre la jeune Laura et Mme A étaient tendues depuis plusieurs jours lorsque, le 4 mai 2008 la salariée protégée a interdit à la jeune fille de quitter la cuisine en emportant de la nourriture ; que si, comme le souligne l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'INSERTION DES JEUNES (ADIJ), il ne ressort pas du règlement intérieur s'appliquant aux salariés de l'association que la consommation de nourriture par les résidents de l'unité de vie de Cravanche aurait été interdite à l'extérieur de la cuisine, il ressort des pièces du dossier que la réaction de la jeune Laura face à l'interdiction qui lui était faite a été d'une grande violence ; qu'il est constant que Mme A a répondu à cette violence, avant de plaquer la jeune fille au sol et de l'y maintenir jusqu'à l'arrivée d'une collègue, appliquant ainsi des méthodes de contention apprises lors d'un stage professionnel de gestion de l'agressivité ; que si la jeune Laura a, à la suite de cette altercation, présenté des douleurs à l'épaule droite, ainsi que deux petits hématomes sur la face interne de l'avant-bras gauche et le tibia, justifiant, selon certificat médical, une incapacité de travail d'un jour, Mme A a, pour sa part, présenté une tuméfaction du cuir chevelu, des cervicalgies et douleurs des deux épaules, sept petits hématomes et un hématome important sur les jambes ; que dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la grande violence du comportement de la jeune Laura à l'égard de Mme A, cette dernière ne saurait être regardée comme ayant commis une faute justifiant une sanction disciplinaire ; qu'il s'ensuit que l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'INSERTION DES JEUNES (ADIJ) et le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 7 août 2008 autorisant le licenciement pour faute de Mme A ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'INSERTION DES JEUNES (ADIJ) et le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'INSERTION DES JEUNES (ADIJ) est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION DEPARTEMENTALE D'INSERTION DES JEUNES (ADIJ), à Mme Myriem A, et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
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