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06/01/2011 | FRANCE | N°10NC00327

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 janvier 2011, 10NC00327


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2010, présentée pour la SOCIETE EUROVIA LORRAINE, dont le siège est Voie Romaine à Woippy (57140), représentée par son gérant en exercice, par Me Bourgaux ; la SOCIETE EUROVIA LORRAINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901150 du 9 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à la Société nationale des chemins de fer français une somme de 16 075,36 euros, majorée de l'intérêt au taux légal à compter du 13 août 2007, en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite du

sectionnement de câbles de communication près de la voie ferrée reliant Nancy et ...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2010, présentée pour la SOCIETE EUROVIA LORRAINE, dont le siège est Voie Romaine à Woippy (57140), représentée par son gérant en exercice, par Me Bourgaux ; la SOCIETE EUROVIA LORRAINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901150 du 9 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à la Société nationale des chemins de fer français une somme de 16 075,36 euros, majorée de l'intérêt au taux légal à compter du 13 août 2007, en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite du sectionnement de câbles de communication près de la voie ferrée reliant Nancy et Metz, à l'occasion de travaux d'aménagement de la voie publique ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la Société nationale des chemins de fer français ;

3°) de mettre à la charge de la Société nationale des chemins de fer français une somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne peut être engagée qu'en cas de faute de sa part, car la Société nationale des chemins de fer français avait la qualité de participant à l'opération de travaux publics ;

- elle n'a pas commis de faute : elle ne pouvait pas prévoir la présence des câbles en cause à l'endroit où ils ont été sectionnés, dès lors que la société nationale des chemins de fer français n'a pas communiqué à la commune les informations requises par l'article 3 du décret du 14 octobre 1991 et qu'elle ne pouvait donc pas connaître l'emplacement exact desdits câbles ; ce n'est pas elle qui a empiété sur le domaine public ferroviaire, mais les câbles qui empiétaient sur la zone de travaux et étaient situés sur le domaine public de la commune de Pont-à-Mousson ; le plan produit par la société nationale des chemins de fer français devant les premiers juges est vieux de plus de trente an et ne correspond plus à la réalité, les câbles concernés ayant dévié de leur tracé historique pour empiéter sur la zone de travaux ;

- la Societé nationale des chemins de fer français a surévalué le montant de son préjudice ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2010, présenté pour la Societé nationale des chemins de fer français, dont le siège est 34 rue du Commandant Mouchotte à Paris (75014), par Me Robinet, qui conclut au rejet de la requête de la SOCIETE EUROVIA LORRAINE et à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE EUROVIA LORRAINE une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :

- les câbles de communication qui ont été sectionnés se situaient sur le domaine public ferroviaire, et non sur le domaine public de la commune ; le plan qu'elle a produit reste valable, les emprises ferroviaires et la positions initiales des câbles n'ayant pas été modifiées ; la SOCIETE EUROVIA LORRAINE, a exécuté les travaux en violation de l'article 73 du décret n° 42-730 du 22 mars 1942 et a fait preuve de négligence en ne sollicitant pas le service du cadastre et les agents techniques de la SNCF, du fait de la proximité des emprises SNCF ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à exonérer la SOCIETE EUROVIA LORRAINE de sa responsabilité, dès lors que les dispositions de l'article 3 du décret du 14 octobre 1991 ne s'appliquent pas en l'espèce ;

- elle n'a pas surévalué le montant de son préjudice, qui a été calculé en application d'un barème national ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er juin 2010, présenté pour la SOCIETE EUROVIA LORRAINE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que elle a respecté la zone prévue pour l'exécution de ses travaux, sans empiéter sur le domaine public ferroviaire ; elle conteste le tracé tel que défini par la SNCF ;

Vu l'ordonnance du 23 septembre 2010 du président de la troisième chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction de la présente instance au 14 octobre 2010 à 16 heures ;

Vu la correspondance en date du 17 novembre 2010 informant les parties de ce que la cour était, en application de l'article R. 611-7 du CJA, susceptible de relever un moyen d'office ;

Vu les observations, enregistrées le 22 novembre 2010, présentées pour la Société nationale des chemins de fer français en réponse à l'information précitée ;

Elle fait valoir qu'elle est fondée à introduire une action indemnitaire à l'encontre de la SOCIETE EUROVIA LORRAINE, dès lors que l'article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997, modifiée, prévoit que l'entretien des installations techniques et de sécurité du réseau sont assurés par la SNCF, à laquelle est par ailleurs reconnu le droit d'agir en justice à cet effet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France en vue du renouveau du transport ferroviaire ;

Vu le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ;

Vu le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France ;

Vu le décret n° 97-445 du 5 mai portant constitution du patrimoine initial de l'établissement public Réseau ferré de France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 ;

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations Me Driencourt, pour Me Robinet, avocat de la Société nationale des chemins de fer français ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE EUROVIA LORRAINE a procédé en 2003 à des travaux publics d'aménagement de la route, située à proximité de la ligne de chemin de fer reliant les villes de Nancy et de Metz, donnant accès au crématorium et au funérarium de la ville de Pont-à-Mousson ; que le 24 novembre 2003, elle a sectionné des câbles de communication nécessaires au fonctionnement du réseau ferroviaire à l'occasion de ces travaux ; qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont souligné à bon droit les premiers juges, que la SNCF n'a pas participé aux travaux d'aménagement en cause, et a en conséquence la qualité de tiers par rapport auxdits travaux ; qu'à cet égard, si l'appelante invoque les dispositions du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 en tant que celles-ci aurait imposé à la SNCF de réaliser des actes matériels de participation aux travaux publics, ces dispositions, au demeurant non mises en oeuvre en l'espèce, n'ont pas à elles seules pour effet de conférer à la SNCF la qualité de participant aux travaux en cause ; qu'il s'ensuit que les dommages résultant de la rupture des câbles de communication ouvrent droit à réparation sans faute ; que le moyen de la société SOCIETE EUROVIA LORRAINE, tiré de ce qu'elle n'aurait pas commis de faute, doit ainsi être écarté comme inopérant ;

Considérant, en second lieu, qu'il est constant que la SOCIETE EUROVIA LORRAINE a procédé aux travaux publics d'aménagement à l'origine du sectionnement des câbles de communication nécessaires au fonctionnement du réseau ferroviaire ; que la rupture desdits câbles est ainsi imputable à la SOCIETE EUROVIA LORRAINE, qui est tenue en conséquence de réparer le dommage subi par la SNCF ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 14 octobre 1991, susvisé : Pour permettre l'application des dispositions prévues aux articles 4 et 7 ci-dessous, les exploitants des ouvrages doivent communiquer aux mairies et tenir à jour, sous leur seule responsabilité, les adresses auxquelles doivent être envoyées les demandes de renseignements prévues au titre II et les déclarations d'intention de commencement de travaux prévues au titre III. / Un plan établi et mis à jour par chaque exploitant concerné est déposé en mairie et tenu à la disposition du public. Ce plan définit, à l'intérieur du territoire communal, les zones dans lesquelles s'appliquent les dispositions des articles 4, alinéa 2, et 7, alinéa premier. (...) ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : Toute personne physique ou morale de droit public ou de droit privé, qui envisage la réalisation sur le territoire d'une commune de travaux énumérés aux annexes I à VII bis du présent décret, doit, au stade de l'élaboration du projet, se renseigner auprès de la mairie de cette commune sur l'existence et les zones d'implantation éventuelles des ouvrages définis à l'article 1er. Une demande de renseignements doit être adressée à chacun des exploitants d'ouvrages qui ont communiqué leur adresse à la mairie dès lors que les travaux envisagés se situent dans la zone définie par le plan établi à cet effet par l'exploitant concerné et déposé par lui auprès de la mairie en application de l'article 3 ... ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 dudit décret, les entreprises doivent adresser une déclaration d'intention de commencement des travaux à chaque exploitant d'ouvrage concerné par les travaux ;

Considérant qu'en l'absence de constat contradictoire des faits, il subsiste une incertitude sur l'emplacement précis du sectionnement des câbles de communication et le tracé exact de ceux-ci ; qu'à supposer même que, comme elle le soutient, ces ouvrages n'aient pas été déviés de leur tracé initial, la SNCF a, compte tenu de leur proximité du domaine public routier, commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la SOCIETE EUROVIA LORRAINE en ne déposant pas en mairie le plan prévu par les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 14 octobre 1991 et, en tout état de cause, en n'informant pas la commune de Pont-à-mousson des risques engendrés par l'organisation des travaux en cause à proximité des ouvrages en cause ; que, toutefois, la SOCIETE EUROVIA LORRAINE a elle-même commis une imprudence en ne prenant pas l'initiative, comme l'imposent les dispositions précitées de l'article 4 du décret du 14 octobre 1991, de consulter les services communaux afin de connaître les zones d'implantation des ouvrages ferroviaires et, en tout état de cause, en ne prenant pas directement l'attache de la SNCF dès lors que la zone d'intervention prévue au marché de travaux conclu entre elle et la commune de Pont-à-Mousson englobe en partie le talus de la voie ferrée où il est constant que le sinistre s'est produit ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a ainsi lieu de limiter à 50 % des conséquences dommageables de l'incident survenu le 24 novembre 2003 le caractère exonératoire de la faute commise par la SNCF ;

Sur le préjudice :

Considérant que la rupture des câbles en cause a perturbé l'exploitation du réseau ferroviaire et a exigé des travaux de remise en état ; que la SNCF a pu notamment demander réparation du préjudice subi du fait de la surconsommation d'énergie engendrée par le sinistre, présentant un lien direct de causalité avec ce dernier ; que le préjudice de la SNCF, d'un montant de 16 075,36 euros, est par ailleurs, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, justifié par les pièces du dossier ; qu'il y a lieu en conséquence de condamner la SOCIETE EUROVIA LORRAINE à lui verser une somme de 8 037,68 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2007 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE EUROVIA LORRAINE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à la SNCF une somme excédant 8 037,68 euros, majorée des intérêts légaux, en réparation de son préjudice ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce sens ;

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE EUROVIA LORRAINE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société nationale des chemins de fer français demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société nationale des chemins de fer français une somme de 1 500 euros à verser à la SOCIETE EUROVIA LORRAINE au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er: La somme de 16 075,36 euros que la SOCIETE EUROVIA LORRAINE a été condamnée à verser à la SNCF par le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 9 février 2010 est ramenée à 8 037,68 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 9 février est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La SNCF versera à la SOCIETE EUROVIA LORRAINE une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de conclusions de la SOCIETE EUROVIA LORRAINE est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la SNCF tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE EUROVIA LORRAINE et à la Société nationale des chemins de fer français.

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N° 10NC00327


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00327
Date de la décision : 06/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Jean-Marc FAVRET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BOURGAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-01-06;10nc00327 ?
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