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02/12/2010 | FRANCE | N°09NC00916

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 décembre 2010, 09NC00916


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2009, présentée pour M. Jacques A, ..., par Me Gasse ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701021 du 28 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à la condamnation du centre national de la recherche scientifique (CNRS) à lui verser la prime d'intéressement aux produit tirés de diverses créations du CNRS, au versement d'une provision de 10 000 euros et à la désignation d'un expert ayant pour mission de se faire communiquer l'ensemble des éléments comptables, fina

nciers et de toutes natures afférents aux oeuvres Stella, base de données Fr...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2009, présentée pour M. Jacques A, ..., par Me Gasse ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701021 du 28 avril 2009 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à la condamnation du centre national de la recherche scientifique (CNRS) à lui verser la prime d'intéressement aux produit tirés de diverses créations du CNRS, au versement d'une provision de 10 000 euros et à la désignation d'un expert ayant pour mission de se faire communiquer l'ensemble des éléments comptables, financiers et de toutes natures afférents aux oeuvres Stella, base de données Frantext, informatisation des différentes éditions du dictionnaire de l'Académie française, base de moyen français , base de textes AFNOR recherches, informatisation du dictionnaire Trésor de la langue française et de déterminer le montant hors taxe des produits tirés par le CNRS et le taux de la prime à lui allouer à raison de ces créations ;

2°) de condamner le CNRS à lui verser cette prime d'intéressement aux produits tirés de l'exploitation du logiciel Stella et de ses applicatifs dans le cadre de l'exploitation de la base de données Frantext et de la vente des CD-ROM du Trésor de la langue française ;

3°) de condamner le CNRS à lui verser une provision de 10 000 euros ;

4°) de désigner un expert ayant pour mission de se faire communiquer l'ensemble des éléments comptables, financiers et de toutes natures afférents aux oeuvres et de déterminer le montant hors taxe des produits tirés par le CNRS et le taux de la prime à lui allouer à raison de ses créations ;

5°) de mettre à la charge du CNRS une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- en application de l'article 1er du décret du 2 octobre 1996, il a droit à la prime d'intéressement ainsi que cela lui avait accordé en 1992 pour l'élaboration d'un précédent CD-ROM ;

- le tribunal administratif a commis en erreur en estimant que le CNRS n'avait tiré aucun produit du logiciel Stella alors qu'il s'agit du moteur de recherche des bases du données dont le CNRS tire des profits ;

- les travaux et les logiciels complémentaires au logiciel Stella font également partie des produits tirés par le CNRS ;

- il ne revendique des droits que sur les logiciels ayant permis le fonctionnement de la base Frantext ;

- il a conçu et réalisé seul le logiciel Stella et ses applicatifs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2010, présenté pour le centre national de la recherche scientifique et la société CNRS Editions SA par Me Joubert, tendant au rejet de la requête et à la condamnation de M. A à leur verser 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif ;

Ils soutiennent que :

- la société de droit privé CNRS Editions SA, à l'encontre de laquelle le requérant ne formule aucune demande, doit être mise hors de cause ;

- le requérant n'a pas été le seul concepteur du logiciel Stella, qui n'est pourvu d'aucune originalité, et des ses applications dérivées ;

- ce logiciel n'a jamais été commercialisé et le requérant a refusé de déposer un dossier de valorisation ;

- la part du logiciel dans les oeuvres auquel il est incorporé, qui seules présentent un intérêt pour la communauté scientifique, est impossible à déterminer ;

- la prime d'intéressement concerne soit les logiciels commercialisés, soit les travaux valorisés ;

- les bases Frantext et Trésor de la langue française ne constituent pas un logiciel ;

- la première n'est pas un produit original et la seconde relève de la législation sur les droits d'auteur ;

- le CNRS ne tire aucun profit du Trésor de la langue française qui est accessible librement par internet ;

- il en est de même pour les abonnements à Frantext réservés à la communauté scientifique et qui permettent seulement de supporter les charges afférentes à cette base de données ;

- dans la mesure où le requérant n'a aucun droit à intéressement, ses demandes d'expertise et de provision devront être rejetées ;

Vu l'ordonnance en date du 26 juillet 2010 fixant la clôture d'instruction au 27 août 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juillet 2010, présenté pour M. A tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- il y a bien une dissociation entre le logiciel Stella et les données du CNRS ;

- à supposer même qu'il n'ait que participé à la création du logiciel, il aurait quand même droit à la prime d'intéressement sur le fondement du décret de 1996 ;

- les frais de constitution de la base Frantext sont des frais afférents à la recherche et ne doivent pas être intégrés aux frais directs de valorisation ;

- le CNRS a bien un intérêt financier à la commercialisation des CD-ROM du Trésor de la langue française ;

- sans le logiciel Stella, la base de données Frantext et le dictionnaire Trésor de la langue française n'auraient pas de valeur commerciale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la propriété intellectuelle ;

Vu le décret n° 96-585 du 2 octobre 1996 relatif à l'intéressement de certains fonctionnaires et agents de l'Etat et de ses établissements publics ayant participé directement à la création d'un logiciel, à la création ou à la découverte d'une obtention végétale ou à des travaux valorisés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2010 :

- le rapport de M. Trottier, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Gasse, avocat de M. A, et de Me Demarest, pour Me Joubert, avocat du centre national de la recherche scientifique ;

Vu la note en délibéré produite le 25 novembre 2010 pour M. A ;

Considérant que M. A était jusqu'en 2006, année au cours de laquelle il a fait valoir ses droits à la retraite, ingénieur de recherche au centre national de la recherche scientifique (CNRS) au sein du laboratoire d'analyse et traitement informatique de la langue française ; qu'il a demandé à l'établissement public qui l'employait le versement d'une prime d'intéressement à raison de la création d'un logiciel de moteur de recherche baptisé Stella permettant de rechercher des informations dans des bases de données relatives à la langue française ou à la littérature ; qu'en appel du jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 28 février 2009 ayant rejeté sa demande, l'intéressé limite ses prétentions à la prime d'intéressement sur les produits tirés de l'exploitation du logiciel Stella et de ses applications dans le cadre de l'exploitation de la base de données Frantext regroupant environ 4 500 textes littéraires et de la vente des CD-ROM du dictionnaire Trésor de la langue française ;

Sur les conclusions tendant à l'octroi de la prime d'intéressement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-9 du code de la propriété intellectuelle dont les dispositions sont, en vertu du 3ème alinéa, également applicables aux agents de l'Etat, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif : Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions de leur employeur sont dévolus à l'employeur qui est seul habilité à les exercer... ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 2 octobre 1996 susvisé : Les fonctionnaires ou agents publics de l'Etat et de ses établissements publics (...) qui ont directement participé, soit lors de l'exécution de missions de création ou de découverte correspondant à leurs fonctions effectives, soit à l'occasion d'études et de recherches qui leur avaient été explicitement confiées, à la création d'un logiciel (...) ou à des travaux valorisés bénéficient d'une prime d'intéressement aux produits tirés, par la personne publique, de ces créations, découvertes et travaux./ Lorsque la personne publique décide de ne pas procéder à la valorisation de la création, de la découverte ou des travaux, les agents mentionnés à l'alinéa précédent peuvent en disposer librement, dans les conditions prévues par une convention conclue avec ladite personne publique ; que l'article 2 du même décret du 2 octobre 1996 dispose que : Sont considérés comme des travaux valorisés...les travaux de recherche ayant conduit à un produit ou à un procédé original qui ne relève pas de la législation sur le droit d'auteur, sur les brevets d'invention ou sur les obtentions végétales et qui donne lieu à une exploitation commerciale ; qu'il résulte de ces dispositions que, si, sauf dispositions ou stipulations contraires, seule une collectivité publique peut exercer des droits patrimoniaux sur un logiciel créé ou sur des travaux de recherche ayant conduit à un produit ou à un procédé original réalisés à l'occasion des fonctions de ses agents, en contrepartie, lesdits agents peuvent prétendre au versement d'une prime calculée en proportion des produits tirés de l'exploitation du logiciel ou des travaux valorisés ;

Considérant, en premier lieu, que M. A établit avoir créé seul le moteur de recherche Stella qu'il a ensuite adapté pour la recherche dans la base de données Frantext et l'informatisation du dictionnaire Trésor de la langue française ; que, toutefois, le CNRS ne tire pas directement de produits de la création du logiciel Stella, mais des bases de données consultables à l'aide de ce logiciel ; qu'ainsi M. A n'est pas en droit de prétendre au versement d'une prime au titre de la création d'un logiciel ;

Considérant, en second lieu, qu'à l'occasion d'études confiées par le CNRS, les travaux de M. A au sein du laboratoire d'analyse et traitement informatique de la langue française peuvent être regardés comme ayant conduit à des produits ayant donné lieu à une exploitation commerciale ; que, toutefois, d'une part, la base de données Frantext ne présente pas la qualité de produit original dans la mesure où une précédente base de données, baptisée Discotext 1 et commercialisée en 1992 sous forme de CD-ROM, en était un sous-ensemble pour lequel le requérant avait d'ailleurs déjà perçu un intéressement sur les produits de la vente de ce CD-ROM et, d'autre part, le dictionnaire informatisé Trésor de la langue française relève de la législation sur les droits d'auteur ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas davantage en droit de prétendre au versement d'une prime au titre de travaux valorisés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'une prime d'intéressement sur le fondement du décret du 2 octobre 1996 ; que, par conséquent, ses conclusions tendant à la désignation d'un expert aux fins de déterminer le montant de ladite prime et au versement d'une provision dans l'attente des résultats de cette expertise ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNRS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A la somme que le CNRS demande au titre de ces mêmes frais ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre national de la recherche scientifique tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jacques A et au centre national de la recherche scientifique.

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09NC00916


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00916
Date de la décision : 02/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Thierry TROTTIER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP GASSE-CARNEL-GASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-12-02;09nc00916 ?
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