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25/11/2010 | FRANCE | N°10NC00494

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 novembre 2010, 10NC00494


Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2010, présentée par le PREFET DES VOSGES ;

Le PREFET DES VOSGES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000291 du 5 mars 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a annulé son arrêté en date du 13 janvier 2010 par lequel il a fait obligation à Mme Holy Heninstsoa A de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Il soutient que :

- a

u moment où il a pris sa décision, la communauté de vie entre Mme A et son époux avait cessé ;

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Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2010, présentée par le PREFET DES VOSGES ;

Le PREFET DES VOSGES demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000291 du 5 mars 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a annulé son arrêté en date du 13 janvier 2010 par lequel il a fait obligation à Mme Holy Heninstsoa A de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Nancy ;

Il soutient que :

- au moment où il a pris sa décision, la communauté de vie entre Mme A et son époux avait cessé ;

- compte tenu de ce que le lien principal de Mme A en France était son mari et qu'elle n'établit pas être dépourvue de tout lien familial dans son pays d'origine, l'arrêté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale ;

- il n'a pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- étant donné que le préfet dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour renouveler un titre de séjour lorsque des faits de violences conjugales sont invoqués par le demandeur et que l'instruction du dossier de Mme A a permis de constater que la rupture de la vie commune n'avait pas de lien avec de tels évènements, l'arrêté était fondé ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2010, présenté pour Mme A, par Me Jeannot, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient, outre les moyens développés en première instance, que :

- étant donné qu'elle ne peut voyager et qu'elle ne pourra avoir accès aux soins à Madagascar, son état de santé nécessite qu'elle ne soit pas éloignée du territoire français ;

- l'arrêté attaqué a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

Vu, en date du 25 juin 2010, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nancy (section administrative), admettant Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2010 :

- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,

- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies , rapporteur public,

- et les observations de Me Jeannot, avocat de Mme A ;

Considérant que pour annuler l'arrêté du PREFET DES VOSGES en date du 13 janvier 2010, en tant qu'il fait obligation à Mme A de quitter le territoire français et fixe la pays de destination, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nancy s'est fondé sur ce que le préfet, pour refuser de renouveler la carte de séjour de l'intéressée, avait fondé sa décision sur un fait matériellement inexact en indiquant dans son arrêté qu'aucune procédure n'a été enregistrée pour des faits de violences conjugales sur la personne de la requérante , alors que Mme A avait déposé plainte contre son mari le 21 octobre 2009 pour cette raison ; qu'en réalité, le préfet a mentionné dans les motifs de sa décision que le procès-verbal de renseignements administratifs établi le 12 décembre 2009 par les services de gendarmerie de Raon L'Etape précisait qu'aucune procédure n'aurait été enregistrée pour des faits de violences conjugales sur la personne de Mme A ; que ce motif n'est entaché d'aucune erreur de fait ; que, par suite, le PREFET DES VOSGES est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté en tant qu'il fait obligation à Mme A de quitter le territoire français et fixe la pays de destination ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le Tribunal administratif de Nancy et devant la Cour administrative d'appel ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour du 13 janvier 2010 :

Sur la violation des articles L. 313-11 et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code susvisé : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code : Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le PREFET DES VOSGES a pris la décision contestée, Mme A ne remplissait pas la condition de communauté de vie entre époux lui ouvrant droit au renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français ; que si l'intéressée soutient que son dépôt de plainte pour violences conjugales en date du 21 octobre 2009 suffit à justifier le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 précité, cette circonstance n'est pas, compte tenu des termes de cet article, de nature à la faire bénéficier de plein droit du renouvellement dudit titre ; que, par ailleurs, l'engagement de la procédure de divorce et la rupture de la vie commune, à compter du 12 décembre 2009, ont été à l'initiative de son époux ; que la présence en France de Mme A était inférieure à deux ans à la date du refus de séjour opposé par le préfet et que l'intéressée a seulement déposé plainte le 21 octobre 2009 alors qu'elle indique que le début des violences date de mars 2009 ; que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées à la situation de Mme A ;

Sur l'atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale :

Considérant qu'aux termes de cet article : 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si Mme A, ressortissante malgache, fait valoir que huit membres de sa famille, dont deux de ses cousins, résident en France, il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée en France le 22 mars 2008 à l'âge de 34 ans pour y rejoindre son époux de nationalité française, qu'elle est en instance de divorce, qu'elle n'a pas d'enfant et que sa mère réside toujours à Madagascar ; que, dès lors, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;

Sur le défaut de saisine de la commission départementale du titre de séjour :

Considérant que si l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose au préfet de consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une des catégories mentionnées à l'article L. 313-11 du même code, il n'est toutefois tenu de saisir ladite commission que du seul cas des étrangers qui remplissent les conditions de l'article L. 313-11 ; qu'ainsi qu'il a été dit, Mme A ne remplit pas lesdites conditions ; que le moyen tiré de ce que la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour qui lui a été opposée serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission départementale du titre de séjour doit, dès lors, être écarté ;

Sur la violation de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables aux décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur l'état de santé :

Considérant que Mme A évoque son état de santé pour la première fois dans son mémoire enregistré le 25 octobre 2010 et qu'il ne ressort pas des pièces produites que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner, pour elle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

Sur l'erreur manifeste d'appréciation :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES VOSGES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 13 janvier 2010 par lequel il a obligé Mme A à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Nancy en date du 5 mars 2010 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A devant le Tribunal administratif de Nancy est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DES VOSGES, à Mme Holy Heninstsoa A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Epinal.

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N° 10NC00494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10NC00494
Date de la décision : 25/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Prés Daniel GILTARD
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : JEANNOT ; JEANNOT ; JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-11-25;10nc00494 ?
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