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25/11/2010 | FRANCE | N°10NC00196

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 25 novembre 2010, 10NC00196


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010, présentée pour Mme Lena B épouse A, demeurant ..., par Me Pierre, avocat ; Mme Lena B épouse A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904945 en date du 14 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 23 septembre 2009, par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de

réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010, présentée pour Mme Lena B épouse A, demeurant ..., par Me Pierre, avocat ; Mme Lena B épouse A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904945 en date du 14 janvier 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 23 septembre 2009, par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et d'annuler la décision, en date du 23 septembre 2009, par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

Elle soutient que :

- le préfet de la Moselle était tenu, en application de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'il envisageait de lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire et que sa demande était sérieuse ;

- l'arrêté litigieux du préfet de la Moselle est insuffisamment motivé ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, depuis l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée, son état de santé ne s'est pas amélioré et que le traitement qui lui est nécessaire ne peut être suivi en Russie, et qu'elle réside en France depuis 2006 ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son fils aîné, majeur, entend demeurer en France, qu'elle a un fils mineur et que son mari travaille dans un centre de réinsertion ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle établit les menaces qui pèsent sur elle dans l'hypothèse d'un retour en Russie ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2010, présenté par le préfet de la Moselle, qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2010 :

- le rapport de M. Luben, président,

- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice d'une liberté publique ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) - refusent une autorisation (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit ou de fait qui constituent le fondement de la décision ;

Considérant que la décision de refus de titre de séjour attaquée indique, d'une part, que Mme A a été déboutée de ses demandes d'asile à trois reprises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à deux reprises par la Cour nationale du droit d'asile, en dernier lieu le 20 août 2009 ; que, d'autre part, si elle a été autorisée à se maintenir en France du 25 septembre 2008 au 17 octobre 2009 pour raison de santé, le médecin-inspecteur de santé publique a indiqué qu'elle pouvait désormais avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'enfin elle n'établit pas les considérations humanitaires ou les motifs exceptionnels qui présideraient à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à ses droits au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, elle peut se voir refuser la délivrance d'un premier titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 11°, L. 313-14 et L. 314-11 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que ladite décision de refus de titre de séjour, nonobstant le fait qu'elle ne fasse pas référence aux deux enfants de la requérante, énonce de façon suffisamment précise et circonstanciée les considérations de fait et de droit qui ont conduit l'administration à refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A ; que le secret médical interdisait au médecin-inspecteur de santé publique de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressée et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). Le médecin inspecteur (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant qu'en se fondant sur l'avis du médecin-inspecteur de santé publique du 21 août 2009, dont il s'est approprié les termes, le préfet de la Moselle a estimé que Mme A, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, pouvait néanmoins effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié ; que les certificats et les attestations médicaux produits par la requérante, dont au demeurant plusieurs sont postérieurs à la décision attaquée, n'établissent pas que l'intéressée ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Russie ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que si Mme A fait valoir qu'elle est mariée, que son fils aîné, Maxime, né le 1er août 1991, suit une formation en France, et qu'elle a récemment donné naissance à un garçon, le 29 août 2009, il ressort toutefois des pièces du dossier que le mari de Mme A fait également l'objet d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour en France et en l'absence de toute circonstance mettant M. et Mme GORBONOSOV dans l'impossibilité d'emmener leurs enfants avec eux, la décision litigieuse du préfet de la Moselle n'a pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 313-11 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet de la Moselle n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 précité, de faire précéder sa décision de refus de séjour de la consultation de la commission du titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision obligeant Mme A à quitter le territoire français n'avait pas à être motivée, comme l'ont justement rappelé les premiers juges ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que si Mme A soutient qu'elle a été menacée, dans la république de Kabardino-Balkarie (Fédération de Russie) où elle résidait, tant par la police que par des bandes organisées, elle n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucun élément nouveau par rapport à ceux qui avaient été soumis à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Cour nationale du droit d'asile qui, comme il a été dit, l'ont déboutée de ses demandes d'asile respectivement à trois reprises pour le premier et à deux reprises pour la seconde, en dernier lieu le 20 août 2009 ; qu'ainsi, elle n'établit pas, par des documents suffisamment probants, qu'elle risquerait, en cas de retour en Russie, d'y subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la demande de Mme A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte susmentionnées ne peuvent être accueillies ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 14 janvier 2010, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du 23 septembre 2009, par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination et à ce qu'il soit enjoint audit préfet de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Lena B épouse A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Copie en sera délivrée au préfet de la Moselle.

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N° 10NC00196


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00196
Date de la décision : 25/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme STEINMETZ-SCHIES
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-11-25;10nc00196 ?
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