Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2009, présentée pour M. El Asri A, demeurant au ..., par Me Taboubi ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901432 du 15 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes du 10 juillet 2009 rejetant sa demande de carte de résident, refusant le renouvellement de sa carte de séjour temporaire et l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;
2°) d'annuler les décisions de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français du 10 juillet 2009 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention salarié , sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le refus de carte de résident est entaché d'un vice de procédure, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- le refus de carte de résident est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il n'y a pas rupture de communauté de vie avec son épouse française, et que la mésentente dans le couple est imputable à cette dernière ;
- le préfet des Ardennes a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne considérant pas les documents présentés par le requérant au soutien de sa demande de titre de séjour comme constituant une demande de titre de séjour en qualité de salarié ;
- il aurait dû se voir attribuer une carte de séjour en qualité de salarié, dès lors qu'il a bénéficié d'une autorisation de travail attachée à son titre de séjour temporaire, conformément à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'en application de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où le requérant a des amis en France, où il est bien inséré ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 février 2010, présenté par le préfet des Ardennes, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens énoncés par le requérant ne sont pas fondés ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 octobre 2010, présenté pour M. A ;
M A conclut aux mêmes fins que sa requête, à ce que la somme à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 2 000 euros et à ce qu'il soit ordonné au préfet des Ardennes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention salarié dans le même délai, ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
Il soutient en outre que :
- le préfet des Ardennes a commis une erreur de droit en ne considérant pas les documents présentés par le requérant au soutien de sa demande de titre de séjour comme constituant une demande de titre de séjour en qualité de salarié ;
- le préfet des Ardennes a commis une erreur de fait dans l'indication de sa date d'entrée sur le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être regardée comme étant abrogée dès lors que le préfet a examiné la demande de régularisation déposée par le requérant ;
- la qualité de travailleur gréviste du requérant s'oppose à ce qu'il fasse l'objet d'une mesure d'éloignement ;
Vu les mémoires, enregistrés les 14 et 17 octobre 2010, soit postérieurement à la clôture de l'instruction par application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, présenté pour M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2010 :
- le rapport de Mme Dulmet, conseiller,
- et les conclusions de M. Collier , rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant marocain, est entré régulièrement en France le 11 décembre 2004 ; qu'il a bénéficié, en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française, de titres de séjour portant la mention vie privée et familiale ; que, toutefois, par un arrêté en date du 10 juillet 2009, le préfet des Ardennes a refusé de renouveler la carte de séjour temporaire du requérant et de lui délivrer une carte de résident ; que ces refus de séjour ont été assortis d'une obligation de quitter le territoire et d'une décision fixant le pays d'origine de l'intéressé pour destination ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, que les éventuelles erreurs de fait entachant une précédente décision portant refus de séjour prise par le préfet des Ardennes le 13 juin 2008 sont sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté ; qu'il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur de fait en tant qu'il mentionne que M. A est entré régulièrement en France le 11 décembre 2004 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de résident peut être accordée : (...) 3° A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; que par ailleurs, l'article L. 313-11 4° dudit code dispose que : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ; qu'en outre, aux termes de l'article L. 313-12 du même code : (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des déclarations de Mme B, épouse de M. A, dans un procès verbal de police en date du 6 juillet 2009, ainsi que d'une attestation de cette même personne, produite par le requérant lui-même, que la relation entre Mme B et son époux avait pris fin à la date à laquelle le préfet des Ardennes a refusé d'admettre l'intéressé au séjour ; que les attestations de témoins, vagues et non circonstanciées, produites à hauteur d'appel, ainsi que les factures et quittances dont
M. A se prévaut ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal, qui a estimé que la communauté de vie n'était pas établie à la date de la décision attaquée ; que, dès lors, eu égard aux dispositions des articles L. 313-11 4° et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Ardennes n'était pas tenu de renouveler la carte de séjour temporaire du requérant ; que, pour le même motif, le préfet a également pu refuser à bon droit, en application des dispositions de l'article L. 314-9 3° du même code, de délivrer une carte de résident à M. A ; qu'à la supposer établie, la circonstance que le requérant n'aurait pas été à l'origine de la rupture de la communauté de vie avec son épouse est sans incidence sur la légalité des décisions contestées ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : (...)1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 [devenu
L. 5221-2] du code du travail . (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans ;
Considérant que si M. A soutient avoir présenté une demande de titre de séjour portant la mention salarié , il ne l'établit pas par la production d'une promesse d'embauche postérieure à l'arrêté attaqué ; que, par ailleurs, contrairement aux allégations du requérant, il ressort des termes mêmes de sa demande de titre de séjour formée le 23 mars 2009 que M. A a uniquement sollicité son admission au séjour en faisant valoir sa qualité de conjoint de ressortissante française ; que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser sa situation ; que par suite, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa demande de titre de séjour n'a pas été présentée sur ce fondement ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 est par ailleurs également inopérant, le requérant n'ayant pas invoqué sa situation de salarié lors de sa demande de titre de séjour ; qu'au surplus, il est constant que M. A n'a pas résidé en France sous couvert un titre de séjour portant la mention salarié pendant au moins trois ans ; que dès lors, il n'est, en tout état de cause, pas fondé à invoquer les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain précité au soutien de sa demande de carte de résident ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que M. A, qui ne se prévaut d'aucune vie familiale sur le territoire français depuis la rupture de la vie commune avec son épouse, n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans ; qu'il se borne à faire valoir son intégration professionnelle, et l'existence, sans plus de précision, d'un réseau d'amis ; que dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France du requérant, la décision portant refus de titre de séjour et rejet de sa demande de carte de résident n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers susvisé : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...). ; qu'aux termes de l'article L.312-2 du même code : La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...). ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles
L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de tous ceux qui s'en prévalent ; qu'ainsi, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A serait au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Ardennes aurait délivré à M. A un récépissé de demande de titre de séjour qui aurait eu pour effet d'abroger la mesure d'éloignement dont M. A fait l'objet ;
Considérant, d'autre part, que M. A ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire du 24 novembre 2009, postérieure à la décision contestée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes du 10 juillet 2009 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de ce dernier tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Ardennes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou la mention salarié , ou, à défaut, de réexaminer sa situation, ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande
M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. El Asri A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
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N° 09NC01707