Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 novembre 2009, présentée pour M. Philippe A, ..., par la SCP d'avocats Delgenes-Vaucois-Justine-Delgenes ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601680 du 1er octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du commandement de payer, délivré le 14 juin 2006, pour la somme de 42 610,98 euros et des titres exécutoires n° 2005-124929, 2005-134953, 2005-154243 sur lesquels il est fondé ;
2°) d'annuler le commandement de payer délivré le 14 juin 2006 pour la somme de 42 610,98 euros et les titres exécutoires n° 2005-124929, 2005-134953 2005-137998 et 2005-154243 sur lesquels il est fondé ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Charleville-Mézières et du trésorier payeur général des Ardennes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le juge administratif est compétent pour apprécier le bien-fondé des titres exécutoires et du commandement de payer, qui sont contestés au fond et non en la forme ; seul le centre hospitalier de Charleville-Mézières peut défendre à l'instance ; le trésorier est irrecevable à cet effet ;
- il n'existe pas de fondement légal au recouvrement des frais d'hospitalisation ; il n'est pas un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières au sens des dispositions du 2° de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'a pas souscrit une assurance au profit de la personne qu'il hébergeait, comme le prévoient les dispositions de l'article L. 211-9 du même code ; les dispositions du décret n° 82-442 du 27 mai 1982 ne prévoient pas que la personne qui héberge un étranger et signe une attestation d'accueil ou un certificat d'hébergement s'engage à prendre personnellement en charge les frais de maladie de la personne qu'elle accueille ; d'ailleurs, les titres exécutoires ne lui ont pas été adressés, preuve qu'il n'est pas redevable des sommes réclamées ; au surplus, l'engagement, souscrit le 29 décembre 2004, n'était pas valable car non conforme aux dispositions de l'article 1326 du code civil ; l'étendue de l'engagement était alors indéterminée ; seul le juge judiciaire peut apprécier la validité de cet engagement ;
- il n'a jamais été rendu destinataire des titres exécutoires, qui étaient adressés à son père, certes domicilié chez lui ; s'il est regardé comme redevable des sommes réclamées pour l'hospitalisation de son père, il ne pouvait lui être refusé d'intérêt à agir contre les titres exécutoires ;
- les titres exécutoires et le commandement de payer visaient à recouvrer une dette d'aliments qu'il aurait eue vis-à-vis de son père ; seul le juge judiciaire est compétent pour statuer sur le montant éventuel d'une dette alimentaire ; le tribunal aurait dû annuler le commandement de payer, le trésorier n'ayant pas saisi préalablement le juge aux affaires familiales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2010, présenté pour le trésorier payeur général des Ardennes, représentant la trésorerie de Charleville-Mézières établissements hospitaliers, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- seul l'ordonnateur, à savoir le centre hospitalier de Charleville-Mézières, peut-être mis en cause pour contester le bien-fondé d'une créance publique ;
- l'attestation établie par M. A le 29 décembre 2004 l'obligeait à assumer les frais d'hospitalisation de son père ; elle a conditionné l'entrée en France de son père, qui est venu pour se faire soigner, et remplace la prise en charge par un opérateur agréé ; il a réitéré auprès du centre hospitalier son engagement le 4 février 2005 ; l'appelant ne pouvait ignorer l'étendue de son obligation de payer, contrairement à ce qu'il soutient ;
- l'obligation de payer de M. A est aussi fondée sur les dispositions des articles L. 6145-11 et R. 6145-4 du code de la santé publique, qui imposent aux obligés alimentaires d'assumer les dépenses d'hospitalisation ;
- M. A ne démontre pas ne pas avoir été destinataire des titres exécutoires qui ont été envoyés, conformément à l'article L. 6145-9 du code de la santé publique et L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, par courriers simples ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2010, présenté pour le centre hospitalier de Charleville-Mézières par la SCP d'avocats Breaud-Sammut-Croon-Journé-Léau, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le juge administratif est incompétent pour connaître du litige, comme l'a jugé à bon droit le tribunal ; en vertu des dispositions de l'article L. 6145-11 du code de la santé publique, le litige relève du juge aux affaires familiales ; M. A ne s'oppose pas à cette solution ; d'ailleurs, il a d'ores et déjà saisi le juges aux affaires familiales de Charleville-Mézières ;
Vu l'ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour fixant la clôture de l'instruction au 5 mars 2010 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant régulièrement été averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2010 :
- le rapport de Mme Dulmet-Gédéon, conseiller,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Miltat, pour la SCP Bréaud-Sammut-Croon, avocat du centre hospitalier de Charleville-Mézières ;
Considérant que M. A a fait venir en France M. Bedr, son père, de nationalité algérienne, afin de le faire soigner au sein du service de neurologie du centre hospitalier de Charleville-Mézières du 4 février au 1er octobre 2005 ; que M. Bedr n'étant pas en mesure d'assumer les frais générés par son hospitalisation, son fils s'est engagé à prendre en charge lesdits frais par lettre du 4 février 2005 remise au service des entrées et des frais de séjour du centre hospitalier de Charleville-Mézières ;
Considérant que le centre hospitalier de Charleville-Mézières a alors émis quatre titres exécutoires n° 2005-124929 du 24 avril 2005 pour un montant de 11 620,50 euros, n° 2005-134953 du 29 mai 2005 pour un montant de 14 409,42 euros, n° 2005-137998 du 5 juin 2005 pour un montant de 13 944,60 euros et n° 2005-154243 du 7 août 2005 pour un montant de 1 394,46 euros, correspondant aux frais d'hospitalisation de M. Bedr du 4 février au 5 mai 2005 ; qu'intégrant des frais de poursuites, la trésorerie des établissements hospitaliers de Charleville-Mézières a émis à l'encontre de M. A un commandement de payer d'un montant de 42 610,98 euros, daté du 16 mai 2006 et notifié à l'intéressé le 14 juin 2006 ; que, saisi par M. A de conclusions en annulation des titres exécutoires et du commandement de payer, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusion de l'intéressé dirigées contres les titres exécutoires pour défaut de qualité à agir et celles dirigées contre le commandement de payer comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 6145-11 du code de la santé publique : Les établissements publics de santé peuvent toujours exercer leurs recours, s'il y a lieu, contre les hospitalisés, contre leurs débiteurs et contre les personnes désignées par les articles 205, 206, 207 et 212 du code civil. Ces recours relèvent de la compétence du juge aux affaires familiales ; qu'aux termes de l'article 205 du code civil : Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment des termes du mémoire produit par le centre hospitalier intimé, que, quelque ambigu que puisse apparaître l'intitulé des titres de recette susmentionnés adressés à M. Bedr au domicile de l'appelant, les poursuites exercées par le centre hospitalier de Charleville-Mézières, en application de l'article L. 6145-11 du code de la santé publique, avaient pour objet de faire payer par M. A la dette de son père, M. Bedr, en sa qualité de descendant tenu à l'obligation alimentaire en vertu des dispositions précitées de l'article 205 du code civil ; que le requérant ne conteste par ailleurs pas le fait que le centre hospitalier entende rechercher le paiement de sa créance sur ce dernier fondement, comme l'ont estimé les premiers juges ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 6145-11 du code de la santé publique que les recours exercés par les établissements publics de santé contre les personnes tenues à l'obligation alimentaire relèvent de la compétence du juge judiciaire ; qu'ainsi, le requérant ne saurait utilement invoquer devant la Cour l'absence de fondement légal des états exécutoires et du commandement de payer notifié à son encontre ; que le centre hospitalier de Charleville-Mézières est par suite fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Chalôns-en-Champagne en date du 1er octobre 2009 en tant qu'il s'est reconnu compétent pour connaître de la demande d'annulation du requérant dirigée contre les titres exécutoires susmentionnés ;
Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande d'annulation des titres exécutoires et, sur le reste du litige, par l'effet dévolutif de l'appel ;
Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux-ci-dessus évoqués, il n'appartient pas au juge administratif de connaître des recours exercés par les établissements publics de santé contre les personnes tenues à l'obligation alimentaire, qui relèvent de la seule compétence du juge judiciaire ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il appartient à la Cour de rejeter comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître les conclusions du requérant tendant à l'annulation des titres exécutoires émis par le centre hospitalier de Charleville-Mézières afin de poursuivre le recouvrement des frais d'hospitalisation de M. Bedr du 4 février au 5 mai 2005 ;
Considérant, en second lieu, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ses conclusions tendant à l'annulation du commandement de payer d'un montant de 42 610,98 euros, daté du 16 mai 2006, émis à son encontre par la trésorerie des établissements hospitaliers de Charleville-Mézières ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Charleville-Mézières, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier de Charleville-Mézières formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 1er octobre 2009 est annulé en tant qu'il s'est reconnu compétent pour connaître des conclusions en annulation de M. A dirigées contre les titres exécutoires émis par le centre hospitalier de Charleville-Mézières et tendant à recouvrer les frais correspondant au frais d'hospitalisation de M. Bedr du 4 février au 5 mai 2005 ;
Article 2 : Les conclusions de M. A tendant à l'annulation desdits titres exécutoires sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Charleville-Mézières tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Philippe A, au centre hospitalier de Charleville-Mézières et au trésorier payeur général des Ardennes.
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